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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2006-06-26 | |
Mon cœur ouvert comme un meuble laisse dépasser les mots. Il y a des phrases comme des bas dépareillés, des éclats de rire comme du verre éclaté, des bras de chemise qui cherchent l’accolade, des boutons d’or séchés, des pull-overs de peine qui bêlent dans la nuit, des billes d’enfant qui brillent comme des yeux de poupée, des bouts de ficelle, des voyelles en ratine, des réponses pêle-mêle, des ratures en coton, des abeilles, des vignes, même des forêts entières. Sous une pile de phrases jetées à la va vite, de petits mots ricanent. On ne plie pas le bonheur, on le porte sur soi.
Dans les assiettes sur la table, je dessine la mer. J’ajoute un peu de sel pour relever le rêve. La terre, le vent, le sable attendent l’horizon sur le pas de la porte. Je reçois la rosée, la lumière, l’espoir. Je raccommode l’aube dans les rafales d’épines. J’ai grandi en baignant dans une grande vague, l’haleine bleue du rêve. Je n’ai jamais coupé mes racines fœtales. La vie est comme une plante grimpante. Des fleurs éclosent au beau milieu des livres. Des fleuves coulent. Des arbres volent. Des fleurs butinent. Des abeilles pétalent sur un vélo de miel. Des branches se déhanchent au moindre coup d’archet. Des herbes folles accourent dans le préau des pluies. Je reconstruis le jour avec des cailloux, des vagues, des virgules. Tout a fleuri dehors. Le soleil voyage d’une corolle à l’autre. La sève dans les arbres prolonge les racines. Les cordes à linge sourient d’une chemise à l’autre. Dans la musique du ruisseau, les poissons servent de silences. Ils ponctuent chaque vague d’une portée nouvelle. Lorsque les notes s’aiment, la symphonie commence. J’écoute les arbres nous aimer, les pierres nous parler. Le vent frissonne dans les bois des chevreuils et fait de la musique, un caraco de Ravel, une gigue d’oiseaux qui ressemble à Messiaen, un peu de Gabarek aux accents grégoriens. Il arrive que la pluie fasse sourire le saule, qu’elle déride le rictus des pierres, qu’elle bande comme un arc le sexe de la terre et lui ouvre le ventre. Du glissement des reptiles au frisson des cigales, il faut tout un travail pour que les feuilles soient vertes. Quand j’ouvre les persiennes, le paysage éclate en trilles de couleurs. Les grandes roches muettes raniment le feu mort. Le temps met ses bottines et marche sur les ronces. Le vieil érable d’à côté ne veut plus qu’on l’entaille. Il se tortille des racines au simple bruit d’un seau. Sa barbe est pleine d’oiseaux qui lui mordent les feuilles et le nœud de son ventre niche un tamia rayé. Le saule près de l’étang enseigne aux rainettes des histoires d’ombre que les grandes patineuses illustrent sur l’eau verte. Un couple de colverts en efface à mesure les lignes malhabiles. Une ruche plus loin crache un volcan d’abeilles. Les mûres se cachent dans les ronces pendant que les framboises prennent un bain de soleil. Frédéric Frédéric hurle un oiseau plus loin comme une mère appelant son enfant. Frédéric se cache dans un coin sans répondre. Il joue aux fesses sous la galerie avec la petite voisine, la rousse aux frickles si doux qui chante comme un ange. Il veut goûter l’averse et boire le soleil. Tout est germination, fécondation, matière vivante dans le ventre du jour. Le blé donne le grain. La fleur donne le fruit. La peur donne des ailes. La source donne l’eau. Je donne à l’eau le mot poisson. Je donne le mot pluie à la graine affamée. Seul, le boulanger ne donne pas son pain, il le vend. La terre n’arrête pas. Elle ramasse ce qui meurt pour en faire la vie. Je patine du cœur la boiserie de l’amande. Je palpe tout autour. Je gratte l’indicible. Je regarde. Je guette. J’écoute la lumière, la mort, le tonnerre, le vent. J’entends l’orge roui dans la forêt de l’ouïe, le blé qui lève et le saumon qui saute dans l’orgue des torrents. J’accouple l’arc-en-ciel avec les monts butés, la neige avec la paille, l’odeur du mélèze au cou des violons. J’entre par la pensée dans la vie des insectes. Je parle par la mer et le sel des mots. Je grimpe dans les arbres en souvenir du singe qui m’apprit à marcher. Les fleurs poussent avec bonté. Les bêtes mangent avec beauté. Les étoiles qui brillent m’enseignent la prière. Ma poésie demeure un chemin sous la pluie, un simple grain de riz, un premier pas d’enfant. Je continue ma route en parlant au soleil. J’appartiens à la terre. 26 juin 2006 |
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