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Poezii Românesti - Romanian Poetry

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Roumanie
prose [ ]

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par [J.Sendray ]

2017-04-21  |     | 








13 avril, 15 :19

A gauche, l'immense bandeau jaune d'un champ de colza, que je prends pour l'enseigne d'un supermarché monstrueux. Le train a traversé des contrées diverses, unies pourtant dans la verdeur de pomme des arbres, de l'herbe, le ciel blanc clair et bleu, nés d'une gouache très profonde. Les barrières faites exprès pour ne pas perturber la plaine laissent passer ce qu'il faut de lumière pour apercevoir le chantier d'un nouveau pont. Il enjambera la route nationale, et possède déjà une postérité innombrable qui fait mourir les champs, qui pilonne les forêts de carrières de boue sèche où les salamandres se figent sous le soleil comme jouets en plastiques.
Barrières blanches, centre commerciaux en tôle, peints comme on ne le fera sans doute plus, ramassés, comme des briques rutilantes près des axes routiers secondaires. Puis l'enceinte gris acier du champ suivant, les murs blancs du village. La course autour du train des halliers transpercés fait comme la danse surprise en plein bond de lourdes créatures de feuilles. Ça se tasse en silence à cause de trop de trafic passant trop près. Les vieilles oreilles sont encore pleines de mousses et d'étangs, presque sauvages.


13 avril 16:03

Les bords de la voie remontent près du ciel. Le ciel s'enfonce encore. Il est chargé de nuages bas, ventres ou dos. Il y a une nappe posée sur le plateau vert haricot qui longe sa mesure. Puis la vitesse transforme ces quartiers rectilignes en de vastes variantes monochromes.

Par-ci, par -là, sur la table duveteuse, un hangar se repose, qui se perd derrière ; à l'endroit où mon cou n'est plus capable d'arriver. Entre de puissants talus, la chenille de fer s'achemine, folle ; elle pénètre, comme aimantée, le seul relief du pays. Je vois ensuite le château d'eau, frêle béton penniforme à l'os rongé du bleu du ciel encore rouvert par-là bas. Tout est cerné de vert. Et plat, encore. Et sur le pont, on ne voit plus le pont, mais ça fait comme un vol péniblement hissé, et c'est insupportable comme agréable est mon élan. Encouragé par la verdeur du même sous notre avion sans ombre, je songe. Dans une heure nous serons à Paris.


13 avril 16:34

Vers la Ville. Dans un brouillard que percent les squelettes inhabités d'unijambistes funambules, je ne vois pas venir à nous la gare.


13 avril 17:50

Dans un parc. Le long écho de cloches invisibles a retenti un trop grand nombre de fois. Le faîte évanoui de palmes de béton salue, l'air irritable, le lourd manteau du soir. Le train n'a pu descendre l'escalier, alors je suis sorti. Comme il est blanc cet air ! Comme on pourrait sans se forcer l'y croire plus gris qu'en nos province ! Néanmoins, et cela me pèse de l'admettre, passés les environs de la gare insignifiante, je retrouve le même ciel, la même estampe qu'avant là, passée à peine, et à peine rentrée dans les heures d'avant nuit. Sur ce banc, hideux pas plus que de coutume, je goûte un instant fort long. Le manège en plastique qui faisait hurler les gosses a clos son volet bariolé, et je me rends compte, à la chute du bruit, qu'un fond d'orchestre urbain ne cesse pas de s'emballer pour des broutilles au pourtour de mon champ. Le sable est d'une teinte béton, béton est la couleur plus blanche des sortes de grands mausolées qu'on pressent au frontières de l'esplanade, et ils semblent s'accorder à la discordance des siècles. Comme la vue en surplomb que m'offre l'arrondi , l'univers sonore est plein.

C'est à se demander si mon oreille n'est pas victime de quelque piège. Paris m'a semblée opaque, sinistre même. Et sans choisir mes mots, j'aurais voulu la peindre un peu.

Le vent, une fois levé, est un vent froid, qui court sur un quartier mi-ville mi-benne, où s'entassent les mats d'aciers à ramure de câblage, les longues bâtisses dans un style néoclassique plus nu, les tours de verre brun incalculablement hautes, les parlers d'une dizaine de pays d'orient et la fadeur de mon ennui. J'attends Louis, qui paraîtra vers vingt heures dans le grand hall de Montparnasse.


16 avril 18:12

Surpris par la fatigue dans la chambre rouge d'un géant de vieux béton, j'écoute Paul jouer sa pièce de théâtre. Les livres déposés font comme un grand rivage de mouettes resserré dans la brume du tabac, véritable buée marine ; et cette mer engouffre tout...
Une lampe sur trois d'allumée. Un Roumain est parti payer en liquide la facture du téléphone sans utiliser néanmoins la charrette à cheval. Nous sommes à notre aise, enfermés de lumière peinte entre ces murs de pierre épais, pelés comme des corps.

Dehors, s'animent les lignes de la ville transylvaine transie de filles, d'alcool et de blé mûr. Un marché sous chapiteau de rouge entasse ses radis obèses sous l’œil aviaires des vieillards. Les femmes couvertes de soie noire font cliqueter leurs dents ; et d'user de sourires quand un tout jeune homme passe leur rendre plus que sa monnaie. Du miel, des raves, des radis toujours, et puis d'autres carottes, pommes de terre, choux indivis, cartes de sucre, suc de racines transparent... Avec une main, on tape dans la main qu'on tend ; ça « roule ». La cigarette allumée, le regard bien aimable, on cause de sa fille ; elle tend quelques œufs frais.
On a souvent l'impression d'avoir perdu la musique ; et ces violons dans un café hongrois. La danse des claques sur l'obsessionnel danseur, qui couve en retenant sa cavalière toute la salle d'un regard embrasé. Des grandes tables monte alors une clameur d'une heure et quart, quand à grands coups de plat de main s'exprime, montante, la féroce joie des chansons populaires. Et l'autre aïeul, plus blanc que nous, et qui ose réprimander les étrangers : « n'avez pas idée d'un tel spectacle : l'Eurasie, ça, c'est l'unisson ! »

L'idée du chant d'oiseau bondit sur l'absence des transports. Souriant comme sourirait un invité, l'hôte roumain ouvre la porte.

Il y a quelque chose dans cet air. L'atmosphère n'est rien qu'un jeu de construction, où s'étendent, comme dames en toilette, les plus bizarres des couleurs. Du bleu comme en Russie, un verdâtre, éternel « vieillot » ; ce jaune-à-poutre de part-là tendu de rouge pâle sur la face en biseau d'un bâtiment communiste, et ça poursuit son vol de peintre fou : brun littéraire pour l'hôtel qui abrite un jardin, blancheur de mariée sur les flancs d'une église, les boules métalliques qui flottent sur la synagogue ont l'air de peser sur du vent ; et c'est l'alignement des baraques dans leur toit, comme très emmitouflées, qui signale la limite de la ville.


17 avril 02:09

Pesant sur toute la trame de Cluj, l'emplein du ciel aux heures noires noyait toutes les rues. C'est pour cette raison que je suis rentré. Les parapluies pendus au plafond d'un bar retenaient, comme auparavant la pluie, la lumière des clopes assises dans leur cendre. C'est pour cette raison éteinte que je suis rentré. La rue, bercée d'averse comme d'un mois d'avril, dormait sur son trottoir, pleine de bruit telle une enfant aveugle. C'est pour ça, qu'au fond je suis rentré, navré d'avoir si peu bu à la bouche attentive de ma vampire transylvaine. Et si content que je fusse au plaisir de la table ronde-bois qui tenait tout ce discours, l'eau claire en eut raison, si de raison elle eût avoir. Car c'est tout de même bien terne une ville sous la pluie.

Mais dans la nuit le tzigane joue sans cesser. Comprend qui peut. A chapeau de cuir, violon joyeux répond la clameur jaune des lampions, plantés comme des intervalles (c'est donc cela qui nous retient)... Sans cesser passe le motif : c'est jaune et rouge dans deux sens. Les voitures altières ! Ce taxi coupe dans les clous, manquant tuer deux noctambules. Et ce Roumain qui n'a pas su ce qu'on disait de lui en France, il chante une gloire politique. Ah ! C'est bien trop de joie pour un œil de voir pleuvoir sur ce pays... !


18 avril 06:38

Les saveurs du porc tendues d'aneth sur les salives de maïs, déjà connues pourtant, mais dans l'effort d'un rot qui reparaissent ; ça sent encore la fumée sale d'une nuit de longue absence, on l'a perdue à courir après du bruit, quand la musique qui sourd de l'Ouest frappe à la porte des night-clubs. On croyait voir une forme allongée, comme un brouillard marial lustralement pendu au plafond des églises.
Tant de peine à désigner l'année, la circonscrire. Car l'ère d'entre siècle est médiévale, et c'est la plus juste des limites entourant la chose d'ici, grande et souveraine comme elle est souveraine l'enseigne du restaurant mariée au jour cédant son front d'époque à tout chaland : « Quel béton ivre nous rêvions ! » En vérité cette rue n'est rien de plus qu'un sentier qui perce en s'exténuant la frange transylvaine des ruches communistes. Ici, un tronc de trente mètres, éventré comme un cadavre, là son double redoublé, et encore qui s'épuise, le motif reprend son drôle d'apanage, jusqu'à ce qu'au milieu de rien un boulevard produise son église. Et c'est dans la pièce de chant, où se regroupent trois barbus, que le fantôme pendu dont nous rêvions plus haut attends toujours qu'un œil le voie.

Vue de jour, vue de nuit, la ville est un drap jaune qui pend à la fenêtre, un étang bordé d'arbres où dort la troupe des barques en plastiques, la tour illuminée comme la grande actrice, et ce tag ubuesque qui sodomise un porc !


19 avril 15:56

L'hôte Roumain allume un gaz, colle sa bouche et tire de sa clope un jet de fumée. Il a fuit sa frayeur là-haut ; à peine a-t-elle pu gravir sur ses pas les marches de la plus haute colline, celle qui mène sur les maisons, celle où s'étire le long soir qui beugle cette interminable affaire d'aujourd'hui... Il a pris en sa main ce médiocre cognac ( en vérité du caramel ), et le voilà qui va entrer dans la chaleur naïve de l'unique chose à faire : c'est dans ce club de Français que l'on danse le moins. De boîte en boîte, de lei en leu, la nuit se passe à rêver à mieux, et même s'il y a des filles, on préférera parler faussement tatar avec huit inconnus qui pissent en hurlant de joie.

Le limon clair qui piège les moustiques, alors que la chaleur du continent pressent l'été prochain, parvient à ronger l'acier du pont qu'un homme a mis devant chez lui. Raoul parle d'un patriarche qui mange les enfants. Et il paraît qu'un homme devant nous exhibe un grand rayon de sang pour émouvoir le policier. Personne n'est dupe. Lorsque ce mall bien malappris draine encore un peu de jour en allumant ses feux voraces, tout le monde accourt voir les voitures à gagner, belles et parées comme des femmes. L'enfer est plein d'endroits touffus où s'ébrouent les chiens du capital, ça colle, ça prie, ça passe, et les pâtes ici moins chères qu'ailleurs. Plus fortement l'on pousse son chariot de l'Ouest, plus vainement l'on court, et l'on ne parle pas entre les tas de haricots. Personne n'est dupe. Drôle de postmodernité, étranges façons régionales que ces clochers tout de parpaing, mais qu'on protège dans les parcs contre l'érection sacrilège d'un gros carré de verre brillant.
L'autel, si proche des usines, qui rejoint les stations d'essence, a su garder pour fêter pâque tout le panier de ses fidèles. Et c'est gloire que pour chanter l'on ait dressé des haut-parleurs ! C'est gloire que chaque rue, chaque morceau contre la route pousse plus loin le bruit des bus ; comme d'une étrange magie blanche, à mes oreilles le fond s'éteint que demeurait en ville ce grand remugle d'explosions.









On a monté l'autre colline, laissant de marche en marche un grand pan d'esprit avancer, et plus avant. Puis toute clameur a pris fin. Un cénacle d'arbres verts, les tout premiers de la saison, entourait l'hommage adressé par une harde de fidèles, une gente puissante de cierges allumés, puis voici soudainement... On n'avait pas même un regret d'avoir franchi ce grand fossé, lorsqu'elle a prolongé les cimes, mâle comme une lune brune, pleine de chants à n'en rien voir,

Biserica de Lemn.


20 avril 10:43

Au milieu du parc sis entre la cloche et l'arbre vert, je regarde passer mon reflet sur l'eau. Il n'est qu'un chant, calme et déteint, à l'image d'un quai pour barques vide qui me fixe du volet. Une colonie d'enfants tziganes s'attroupe, m'encercle. Ils veulent de mon goûter. Un radis fera l'affaire, deux tranches de pain et cette confiture de légumes. Assez. Il n'y a plus rien à dire du ciel, il est crémeux comme un lampion. Cette grande église en briques n'a qu'un quart ravalé, on pourrait dire qu'elle se fait belle à demi, trempée du nez dans l'or. « Bonjour monsieur. » Ici, nulle rumeur que la journée de marche d'un homme simple en chapeau. Il dévisage une grand-mère ; le matin semble avare de mots.


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