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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2005-05-28 | |
Etranger
Sur la corde à linge le vent souffle dans les voiles, le ciel d’été s’étend à l’infini vers les ailleurs de sucre et de miel, dans les champs les chats sauvages font la chasse aux vipères, dans l’air flotte des rengaines d’autrefois, les silences sont bavards et joyeux, des livres sont ouverts sous la véranda, le chat ronronne, les oiseaux pépient. Dans le chant des hirondelles, l’humanité se souvient d’où elle vient. Elle est contenue entière dans cet épis de maïs, dans les tomates qui mûrissent au soleil, dans le tablier de la fermière qui gonfle sous la brise, Voilà , les jours heureux n’ont rien à devoir à personne, la lumière inonde et jaillit vers le monde dans une explosion primordiale. Après le jour, la nuit rôde, puis s’installe sournoisement, les rideaux sont tirés, les fenêtres calfeutrées, les portes cadenassées. Passe ton chemin, étranger, et garde ta faim au fond de tes entrailles comme le bien unique qu'aucun gueux ne te dispute, reste seul dans ta nuit, nul ne te voit, nul ne t’entend, le chien aboie dans l’obscurité, il défend ce territoire qu’il ne veut pas partager, même avec toi étranger, le chien lui, a de quoi manger, il n'aboie pas dans la même langue que toi. Dors sous l’arbre, il a étalé sa mousse pour que ta couche soit douce, il a enfoncé ses racines dans le sol pour qu’elle n’entrent pas dans tes côtes décharnées, il protège ta peau contre les rayons de lune, et fait un toit de verdure qui t’abrite du vent, un mur végétal qui te protège de tes frayeurs. Les étoiles éclairent ton lit, tu n’auras pas peur cette nuit. Tu dors étranger et ton sommeil est léger car tu n’appartiens à personne et rien n’est à toi, ta conscience ne pèse rien, elle est comme les nuages dans le ciel, éthérée, le poids de la plume qui ne retombe jamais. Au matin tu reprends la route et la rosée te rafraîchit et les baies te nourrissent. Et le chien près de la grange aboie, tu enfonces ton chapeau un peu plus sur tes oreilles pour ne pas l’entendre, tu reprends ta route. Les corbeaux t’escortent, ta figure d’épouvantail préfigure le champ de blé. Tu tiens à deux mains les revers de ta veste fatiguée, tes mains qui ne caressent que le vent quand, les bras en croix au milieu de nulle part, tu ris à gorge déployée. Dans le soleil timide ton ombre, seule compagne, embrasse tes pas dans les rigoles, sur les pavés. Les clochers peuvent bien sonner dans le lointain, ils ne s’adressent pas à toi, tu ne parles pas la langue des clochers. Sur ton passage, les visages des fidèles se ferment après la prière. Une chanson pour du pain, si ta chanson plait. Peut-être étranger seras-tu chez toi quelque part, peut-être un jour prochain, ton toit sera de tuiles, tes murs de briques. Aujourd’hui, et pour longtemps, ta maison c’est ta liberté.
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