agonia
francais

v3
 

Agonia.Net | Règles | Mission Contact | Inscris-toi
poezii poezii poezii poezii poezii
poezii
armana Poezii, Poezie deutsch Poezii, Poezie english Poezii, Poezie espanol Poezii, Poezie francais Poezii, Poezie italiano Poezii, Poezie japanese Poezii, Poezie portugues Poezii, Poezie romana Poezii, Poezie russkaia Poezii, Poezie

Article Communautés Concours Essai Multimédia Personnelles Poèmes Presse Prose _QUOTE Scénario Spécial

Poezii Rom�nesti - Romanian Poetry

poezii


 


Textes du même auteur


Traductions de ce texte
0

 Les commentaires des membres


print e-mail
Visualisations: 1593 .



Dit du monde
poèmes [ ]

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
par [felipe ]

2006-11-30  |     | 



Art mineur et Dit du monde,rassemblés en un seul recueil, courage...



Art mineur : premier forage


On peut regarder l’œil au fond de la serrure, cette maladie idiote de vouloir abolir la porte ouverte et l’impossible, cette absence de transgression. D’autant que l’on sait ne rien pouvoir mouvoir qu’un vague sentiment d’impuissance et le transmuer en conviction, en martelant le contraire sous des formulations limpides et extra-ordinaires. Je passe, il suffit de lire les poètes et les journaux, tout ce qui prophétise, hommes de papier, de traitement de texte, d’hallucinantes formules magiques pour demain quand le temps sera passé.


Vous vous serez gargarisés de l’ivresse chantante des lendemains. L’intense jubilation du vide s’accomplit par la sérénité avec laquelle vous formulez le néant, ces quelques phrases qui vous alignent dans l’horizontalité des béances du rien. A force de creuser à la surface, une sorte d’habitude, de pratique des mots, vous donne parfois l’air étrange d’avoir un instant traversé ce qu’il faut de détachement, pour accéder sans le vouloir, à la porosité d’autres mondes.


Or, vous le savez il n’en est rien…





A qui sera dernier

C’est ce chemin ou celui là peut-être,
il dépend de la pluie et d’un mot très obscur,
« trestuer »
comme fut l’amour épuisé
ou d’un quart de rêve penché
entre veille et réalité,
quoique parfois ne sache les lisières
ni démêler d’entre elles
l’hors déjà dedans
et tout ce qui s’en mêle.

Maille les ronces incarnées et tout le vif
qui bouge dès l’écart de la nuit patience.

Ensembler également,
comme si en toi il y avait.
Lieu d’être.
Puzzle et fragments.
Plentee autrefois
et violence.

Ce qui fut voyage, mitan et ciel de lit
creusant à la hune,
ce ciel-une route qui éveille le sang.
Le sable sur les lèvres.
Sommeil passé là,
roulé en laines et velours dans
le grand désert hivernal de la mer.

Frictions de labiales et d’écailles,
d’îles primales
assemblées aux forceps des vagues.

…/…

Silence

…/…

Ce serait prodige et coïncidence
(On cherche bien dans le vide
des trouées signifiantes)

Pourquoi pas des mots
Pour fracturer je ne sais.
Ce que tu crois savoir

On présumera
Qu’autrefois la terre se mouvait
par chaînes de mécaniques célestes,
courroies de gestes
chants de Cosmogonies.

Vagues averses pour huiler le tout
Camphre, benjoin, placebo,
quelques musiques vulnéraires.


((pour qui sera dernier poète))




Art mineur : deuxième forage


Cette idée saugrenue de hauteur, voilà ce qu’il faut abandonner, ou bien faut il se pencher au bord du vide des profondeurs, mesurer l’inaliénable extravagance d’oser s’emmurer dans cette folie. Le plus souvent il suffit d’écorcher l’ombre pour faire vibrer les parois du labyrinthe, accorder la verticalité et la chute. Ainsi parfois je m’abandonne à contempler au fond du puits allégorique, la nuit et ses gisements d’étoiles, plutôt que d’y voir affleurer un grouillement d’organes où puisent les corbeaux. Le réel reprend bien assez vite et sans qu’on l’ait sollicité, l’espace qu’il convoite. Tous les jours le monde me défait, j’y gagne en clarté. Cela seulement justifie que même inconsolés, nous puissions passer si près des lisières sans pouvoir, ni vouloir, chaque fois traverser.


Peut-être est-ce du fond que se peuvent idéalement décrypter les hautes solitudes épuisantes vulnérables des sommets, les volutes éphémères des nuages et les signes étincelants qui précèdent les noirs archipels des orages. Les chemins rebattus annoncent par dépit qu’il faut descendre en soi-même, retrouver au profond les pulsations étincelantes de la lumière. Que savent t’ils des nuits d’aurores boréales pour décréter que le soir mène, au creux des songes, vers des vérités plus sombres, qu’au soleil révélées. Nul antagonisme, nulle alliance héraclitienne des contraires… sans alliage, ni fusion, jour et nuit sont Un.






Ainsi j’allais…


J’allais ainsi sans aller,
comment se départir de soi-même
tout tracé déjà d’humides naissances
de coutures et de liens,
empêtré dans les rythmes.

Les fléaux battaient la plaine et le grain
remous d’anguilles dans les nasses
balances du ciel mouillé des ports tristes
hésitant entre hier et demain

Ainsi j’allais fossoyeur d’immobile
sans relâche agitant des gestes
des paroles, l’épouvantail des mots
prédisant ce qui passait
jamais ce qui sera.

Ce n’est pas que le monde devenait
ni parce que je passais, j’aurai voulu
à jamais savoir à la fin
l’infini de l’histoire.





Art mineur : troisième forage


L’hôte de la pluie a regagné la demeure. Ce qui le presse, l’intense crépitation qui fait encore briller les feuilles dans sa mémoire et dont il garde le fragment pour étonner le feu. Les Mots ce n’est pas si simple, on voudrait un magma, des ondes telluriques et l’on ne trouve que l’écho minéral des laves figées et cette odeur de soufre bien après l’incendie. Que faire de cette nuit qui ranime les ombres, sinon mettre en lumière sa part de mystère. L’exergue n’attise les cendres, mais ce que je regarde prend des formes multiples, dans les distorsions de la distance, que sont les lieux et le temps. Sont-ils Un, eux aussi, une eau résurgente, souveraine des effractions, raillant les divagations du sourcier. Est-ce dire que nul n’a maîtrise sur la conformation annelée, le travail de gestation elliptique des méandres. Je suis le cours et me laisse emporter. Une île insolente déliée de toutes ses racines.


Il n’y a pas de progrès, sinon développer quelques ruses orphelines, pour exaspérer la fiction de jouer la partition d’insondables couleurs. Mais le plus souvent que tout cela sonne faux, par démesure, excès de modestie et tant d’autres raisons de mêler, les oiseaux et les fleurs, qui n’ont rien demandé, aux insipides branle-bas des sagas domestiques. Il n’y a pas de progrès, mais il faut trouver le rythme. Un chant de rameurs sur le fleuve traverse la forêt. L’esprit des eaux porte mouvante, vers l’infini, la frontière, la surface liquide, puis, est-ce même impulsion, le vertige des profondeurs; la plongée en apnée dans l’apesanteur du bain lustral de lentes nages amniotiques.




Ainsi j’étais là

Au bord ce fut le premier matin.
J’étais là comme toujours
au seuil des averses
dans une rue en crûe.
Le fleuve de conscience.
Une rame plongée,
engluée dans les ocres
et la terre de Sienne,
soulevant des mots,
des gestes, des remous.

Ce n’était pas si loin,
pourtant si profond,
si proche des blés indolents
balançant mollement leurs épis
hérissés d’ergots et d’épines.
Ce pourrait être épilepsie de couleurs
jetant encre rauque
sur la plaine de la Crau,
le cri d’un oiseau au ciel
surjeté dans le vaste vide,
quelque autre dérive sans nom,
la mer morte repliée,
sans le sel ni l’esprit.

Ou bien une lampe fossile
dans le puits artésien
comblé par le silence.

Je ne pousse pas la porte,
lui fais espace,
afin que nous puissions passer,
se mêlent les veines des serrures,
les pênes et nos clefs assemblent
le grand désir des arbres de partir,
ancres de la forêt, enclaves, lisières.

On clouait aveuglement
le vol des nocturnes
pour que ne revienne
avec le jour
l’obscurité de la nuit.

cuivre sur la mare détachée,
oscillation des plis, ondulations,
dermes envasés,
germe des déchirures,
argile du ciel repoussé
à travers la trame
artères trouées de lunes
et d’intempéries,
grains noirs grincements
des rouilles de la pluie.

Peut-être aurais-je pu être
verticalité de l’If
le pourquoi ?
tendu de sa question.
Linéarité du canal ?

mais,
mon grand-père tissait
dans la nuit de sa cave
les lins entremêlés.

J’étais là pour dénouer l’obscur.

J’ai déjà dit
l’en dehors.
La rue,
ses odeurs de pluie
et de pain chaud.

Je vais tourner à l’angle
de cette page froissée,
disparaître du paysage.
Je ne serai plus là,
rien n’aura changé.
Le temps coulera dans
un autre espace de la réalité.
Personne ne demandera
si je suis devenu
ou si je demeure,
ni même si je ne suis plus,
qu’une réminiscence.

Je serai passé
de l’autre coté du miroir,
dans l’envers,
le regard des roussettes,
ces sombres épines drapées
dans le tulle noir du voyage,
les chrysalides
qui soudain se déplient
inventent l’espace
d’un seul battement d’ailes.

Il n’y aura plus de distance.
J’écrirai, dans ce temps
hors limite, sans trace
que la coulée vertigineuse d’un vol
scindant les molécules de l’air
puis les refermant
avant qu’il ne puisse même
murmurer l’effraction
de cette blanche traversée.
Enfin je reprendrais ma place dans
la généalogie mouvante des branches.

Ainsi acclimaté le temps
-qui-de-nous-se-joue
dessus la rivière l’étang
les carpes,
de vieilles femmes bavardes
intriguent dans les bulles
de l’air passant

le vêtement de l’étang
cuisses cuivrées des filles
fluctuance des jours

périls intempéries
grains noirs de l’ivresse
détachée oscillation
plis à verse
ondulations.
Cils, claustra des regards

Nefs murmurées
conclaves des vaisseaux
comment briser de la mer
la pierre écumante
saillie des étraves
plèvres respirations.

( Sans doute partagé
le goût de cidre amer,
sur la table posée
l'effervescente houle
d'un Eldorado.)






Art mineur : quatrième forage


Cela fut toujours ainsi, avant même la première page, transcrire ou traduire magnifie ou défait, sublime l’ester de la rencontre, au point de houle où se fracturent et se joignent la mer bouillonnante de cristaux et le fleuve matriciel. Les formes astringentes du réel délavent le vaste à l’horizon, diluent la route des navires, le vol des sternes s’écoule le long des cimaises jusqu’à la disparition, l’absurdité du blanc, ce vertige. Ce n’est pas à perte de sens l’épure, la non-figuration, mais la quintessence d’une fulgurance mobilisée. Scarifiée de combien d’errances, lorsque le verbe tente de réincarner le geste sur le palimpseste d’une vie ou de lui insuffler la démesure d’un territoire jamais arpenté, entre approche du rêve et dislocation de la réalité. Non pas dissolution dans les herbes versatiles des remous de la déraison, mais ce désir sans mesure de déchirer les rideaux et les voiles, les cloisons de papier.


Je peux jeter sur le dos de l’océan le pont d’une théorie de planches branlantes, ce n’est jamais que moi que j’aurais traversé. Est-ce pure spéculation, cette tentative d’effraction ou bien se légitime, malgré l’apparente absurdité de la question, de lui-même l’écrit, cette manière d’apposer, non la vérité d’une réponse immanente, mais d’avancer que passé un certain seuil, l’acte de dire n’appelle ni refus ni acquiescement. Ce qu’il propose d’aborder est un parage sans concession. Le doute lui-même, ne pèse pas plus que toute certitude. Ce pourrait être osmose, si ce n’était unicité. On ne pense pas la poésie, s’interrogent à rebours ses ailleurs, ses dédales et détissant le fil, la genèse demeure aphone. Le masque du Coryphée simule la rémanence du cri ou bien la parole en suspend, figée dans la rondeur du mensonge ou de l’étonnement. Il dé-mesure la quantité de silence qu’il faut mobiliser pour que le non-dit prenne corps dans le sens. A l’inverse, la poésie n’ébruite pas ses eaux.





Ainsi attentif, j’étais là

De l’ombre étreint, les voiles
agitant lambeaux de lumière
arène furieuse des continents
sous le sabot d’ocre pariétal.

Défrichant le chiffre des glyphes
les charpies effrangées du soleil
cette langue, vers Alcantara,
bleue. Fragmenté des azulejos
la danse d’or des chevaux
traversant le Tage endormi
sur l’abaque des vagues.

Roulis lorsque tes sombres demeures
corps et biens sombrés dans le morne
s’atrophient, se serrent dans la pierre.

Fragments
d’un même eucalyptus
sous le ciel d’Héraclite
enroulés dans la feuille
les graviers d’archipels

Tangage des cris dans la rue
sur le bouclier des rythmes.
Il en faut si peu
pour que coule le sang
et revienne la nuit
si tu n’y prends garde.






Art mineur : cinquième forage


Comment ne pas aimer l’écharpe effrangée du vent qui porte en lui le dessaisissement échappé du nuage baudelairien, autant que l’abandon désiré, d’une parole déliée de ses attaches terrestres. Nous aurions voulu que cela fût si simple, au détour d’un printemps de délaisser les mues étoilées d’épines. Pourtant, à couvert des haies, se scelle cette parturience stérile d’un regret : est-ce moi que je quitte ? Il faut aller dans la foule incessante, essorer les vieilles lunes du Spleen. Croupissent au fond des briques upérisées les lais éventés de l'Idéal poétique.


Le ci-devant salon des éthérés occupe toujours la scène, brandissant les Tables de sa loi, la lie de ses litanies, le souffle calcifié des grimoires, le diktat de ses rimes, ces lunes cramoisies, éclairant les plâtres surannés d’un théâtre de dupes. Mais, c’est sans importance, à quoi bon vouloir partager des reliefs avariés, desséchés au fond d’une assiette presque vide ? Les tréteaux de la fête ont été démontés, les dernières musiques, dans l’air, désagrégées. La poésie ne fait plus recette. Elle nous appartient.


Nous n’avions que faire de l’ambre et des ors des phrases ciselées dans l’atour d’autres siècles où le vain disputait au futile l’ordre des bienséances et le dais mortuaire de ces mots tombés en poussière. Il fallut tout oublier. Refermer aussi l’océan bruissant dans les pages des livres, y replier les ailes trop vastes des albatros, trouver son propre souffle, en absence de repère, sur la terre inconnue, sans limites.






Entropies & Danceries

Ce sont des chants noueurs,
il y avait avant la plaine lisse
les peuples essaimés.
Segments qui prenaient racine
d’espace dans le paysage.

Tu sais d’où tu viens,
des gangrènes de la ville.
Lèpres.
Sangre.

On récolte
ce qu’en nous
l’on sème.

Fut dispersé.
Il faut le dire ce monde
n’est pas tenable,
à peine respirable.

Voilà pourquoi vous

Coffrés dans le giron
des pieuvres,
la mort, là les entrelacs,
les ficelles de l’étal,
bribes de paroles bridées,

JEJEEJEJEEJEJEJEJEJMOIMOIMOT
MOI
MOTJEMOIJEMOTMOIJEMOIJE
JEJEEJEJEEJEJEJEJEJMOIMOIMOT
MOI
MOTJEMOIJEMOTMOIJEMOIJE

Danceries désarticulées sur le verglas.
Vous prendrez bien un petit verre
d’arsenic ta mère pour la route.

Môssieur, votre poème
n’est pas conforme
au cahier des charges.
Par conséquent et
Rrrrrroulement de tambour

Rien, simple menace.

J’ai bien dit, du temps
ou tu entourais le Monde
d’eau lustrale
Suspendu à tes lèvres,
souffle pour éveiller
lamparos de planètes,
à l’aube les phalènes
de la voie lactée.

Mais, nous ne sommes pas à Lourdes,
Je n’y vois toujours pas plus clair
dans les isotopes du mystère.

Mon amour,
voilà qu’on me demande de parler de toi.
Il paraît que je ne suis pas en ce monde.
Dans le ventre secret du monde ou vient
naître mouvant sans cesse le monde
venant au monde.

Je peux répéter l’infini,
écho passeur de frontières,
d’impossibles rencontres.
Le col serti de barbelés,
neige ou sans doute
les villages blancs
érodés de soleils éoliens
fondent l’immuable
et ses sombres versos,
le doute et la fatalité.

Mundo, est-ce dire
j’écarte la craie des nuages.
Je bourre le ciel de laines bleues
détisse la froide mort moirée
dans les nuits poreuses de la Météo.

Est-ce dire, est-ce dire
sans savoir, qu’importe
où j’allais.





Art mineur : sixième forage


Je me suis prêté non sans inquiétude à la torture, la question : La page peut-elle être blanche, vierge de toute réminiscence. Ne suis-je pas habité des ombres nomades de quelques voyageurs, précédé de leurs écrits; une fête ou une marche funèbre à partager, drapé du velours confortable mais poussiéreux des redites. Puis j’éludais l’énigme.


Puisque c’est moi qui marche, j’invite le chemin. L’ornière ne crée pas la réfraction d’autres chutes. Elle prolonge le cri, venu d’une unique racine, jusqu’à l’efflorescence tendue de la douleur et, dans la pénombre exhortant l’indicible, le silex qui brûle met à vif le feu. Qui parle parfois cette langue primale, s’en retourne en ses limbes, aux froissements des feuilles sans noms, au premier sens des mots, avant qu’ils ne se perdent et s’enfoncent dans les tourbes du multiple.


Tu n’as pas confondu la poésie et les dorures éphémères et pourtant rémanentes de l’artifice. Elle n’est pas prodigue de prodiges, ni d’éblouissements. C’est du moins ainsi que tu en discernes les contours, à défaut d’une définition qui puisse contenir à la fois le vide et la profusion, le tumulte du silence.







Bow & window


Il y a aux fenêtres du monde
le soir déroule ses chemins
peut-être qu’il y aura une fête
nocturne. Ou peut-être rien.

Sinon la vacuité des êtres.
Sur le fil, des vêtements
de vent lentement agités
comme font les mains
pour signifier les adieux.

Tu sais bien, ce sont
les gares qui partent,
c’est écrit dans les livres
qui ceignent d’immobile
les nimbes à vau-l’eau.

Vastes mouvements nocturnes
Irrésolus. Ce qui doit pencher
à verse, s’épanche vainement,
demeure en rade sur le quai.

Îles moulues, roulis des lames
rames dans les roues enroulées
les villes pétrifiées à demeure,
au cœur des étincelles du vide.

Les étiers traversés
pierres jetées à tâtons
filets sur la nuit océane
retenant mots d’écume
la fleur brûlante du sel.


Ce n’est pas ainsi,
sans doute une forme
qui prend sens au fond,
dans la marge.
Là ou se presse
l’urgence de la fièvre,
sables mouvants de l’eau.

C’est presque accident,
non pas de dire, mais
moment de la parole submergée
par les silices de sa propre crûe.

Ecrire, surtout refus d’écrire
qui « fait dire », « fait-divers »
ou diversion.
En suite, après la traversée,
le désert s'accorde à l’immense,
plénitude du vide.

Ce sont des images,
je peux les transposer
sur l’aire des banlieues,
le déni d’absolu.
Lorsqu’on enlève
les planches branlantes
qui faisaient un chemin,
à travers la boue,
la merde si tu veux.






Art mineur : septième forage


Au seuil du voyage, l’attente. Le rêve à déjà déployé ses bannières, la peur tressé au cœur du désir le doute. L’alchimie, la fusion de tous les contraires ouvre la route. La première phrase dénoue. Tu emportes ce que fut de toi l’océan liminaire, ce qu’il sera, lorsque la pierre aura élimé la force inépuisable de la vague, jusqu’à la rémanence granitique du souvenir.


L’oiseau, Sisyphe, cette buse terrible, porte sur son dos continents et marées jusqu’au sommet du vide. Tu roules la glaise de cette mer gibbeuse dans la distance, pour qu’elle compose l’espace et n’ait ni lieu, ni frontières. Tu quittes et pourtant, demeure en toi la rive artésienne. Il faut bien que tu viennes d’un liseré effrangé, une courbe devenue droite, à force d’en ployer l’arc impossible que nulle fatalité ne justifie.


Distance et profondeur, du plus loin au plus près, lorsque se referme le cercle, sans que tu ne puisses en faire le tour, puisqu’il commence l’infini, toujours au même point que tu ne peux reconnaître. Dans le sable, les mots, la ligne de fuite où s’efface l’horizon, le bord du monde. Au bout du visible le monde continu, toujours plus vaste, tandis que ce qui semblait perfection du champ de la connaissance s’abolit ou bien se noie dans les spéculations impénétrables, les desseins d’un Dieu hypothétique. Voilà qu’enfin je n’ai plus de preuves des limites.






Comme Dit du monde


A ciel ouvert l’écriture minuscule et penchée du géographe, comptable des Abysses, dans le glissement feutré de sa plume : avons passé le cap des Tempêtes accompagnés de la Terreur divine, même si l’Océan semble infini. Une fois déliés du nœud d’effroi, rien ne s’avère pouvoir arrêter notre course.

Peut-être Sagesse était, de rester, s’enfonçant lentement dans le sable des regrets, que le partir. Plus fort, le désir du cartographe repoussant l’illimite à chaque côte dessinée, que toute chose revienne à son point de départ, le temps sur son axe et l’homme à sa nuit chancelante.

Mais moi qui me condamne, sans que nulle brise ne me pousse au fond du ciel, dans un angle incertain, vers une île de plus, un gravier au travers un grand vide suspendu au-dessus du silence, dessinant les contours sinueux de ce que l’on dit, Le monde voguant par des ondes absurdes.

Voilà le Géographe, il souffle sur sa plume embuée de circonstances et libère l’Espace en le nommant, au gré des occurrences, Cabo verde, Désolation, Désirade, Îsles sous le vent et le calendrier des jours essaimés, la litanie des Saints, procureurs de naufrages.

Je ne pouvais en rester là, écueil et demie-mesure Je n’écris pour personne ni pour réparer le monde. Je mêle les « peut-être» les « je ne sais » Ce n’est pas toujours vrai dans les marges. Comment mettre en lumière l’obscurité, l’éblouissante torpeur du mouvement s’extrayant de l’inverse évidence ?

S’il y avait deux versants d’un même possible ou bien ce qui fut éloigné. Dans la léthargie des dimanches attendant que reviennent les vagues furieuses des jours gris qui défaisaient les ponts, chaque pavé se dissolvait sous le pas, toute alchimie d’inventer le rêve, lui donner d’autres noms briseurs de frontières.

Ou bien c’est ce chemin, mais c’est aussi cet autre et celui que je prends recèle tous les autres et m’en détourne en même temps. Les mots, le vent, l’osier que j’ai cintré, noué dans les formes submergées d’une anse, ce qui porte et disperse sur la grève, écorces et bois flottés qui surnagent.

Je n’étais revenu et ce fut long voyage que de tresser la voie, résection de chaque empan d’elle-même, jusqu’à la disparition des preuves, l’usure du pavé et le ciel érodé qui délite ses rouilles au moindre coup de vent, ainsi telle pensée forgée d’immarcescible, vole au moindre doute dans ses propres éclats.

De ce doute, ses moindres éclats, on aurait pu faire une rive qui tienne, tandis que l’autre s’effondrait, au lieu de s’accrocher au vertige de la chute.

Puis m’en suis retourné une autre fois pour signifier que devant reprenait même place et que d’importance était d’être là au milieu exact de nulle part, que tout doit commencer par cette mue qui ressemble tant à la désillusion, se révèle encombrante liberté. Minuit au fond d’un bois déboussolé.

Ou bien dessus la mer gelée que je situe pour un temps dans la plaine d’hiver et le magma des ronces, nulle fête désormais n’aurait lieu qu’au gré des artifices ? Le chant devenu plus grave, en sera t’il moins aérien ?

Ce que fut ce temps, s’il faut que je le compte, avec quelle mesure, au fond je n’en sais rien ! Ni ne m’attarde, il y a toujours « quelque chose » de passé. Or moi je traverse, « hors moi » quelque porosité de la sorte qui ne fait pas un langage, mais fragments, pas une trace à assembler.

C’est un pays de peu de lumière, l’on y craint l’esprit qui sème des révoltes. Tout le langage désinforme et gouverne. Au fond, il n’y a plus d’acte que désincarné dans les circonvolutions de la langue.

Une langue qui serait fascination des noyades, lorsqu’elle n’est plus qu’acquiescement, envoûtement de rythmes, magnitude des images, paysages de semblances et d’écumes, à travers les concrétions du mirage.

Puis, Il faut la laisser tomber, mouvement enserré dans le sac grouillant des noces reptiliennes, des reptations d’une noire beauté s’extrayant des limbes, illusoire nutation de crécelles, venin infusant des girations narcissiques dans lesquelles s’enfoncer.

Fouiller tout au fond entre les poussières et la glaise, le chaos maculé des couleurs, la crépitation sourde des odeurs, ce qui demeure du roulis et des braises. Ce ne serait profusion, ni extase, à moins que dire enfin, ne soit profusion et extase, sans être perdition, douleur, folie, ni éblouissement.

Quelque sens qui m’aveugle, à force de regarder à travers le prisme d’un seul, tandis que je participe de tous, géographe des blessures. Ce n’est pas de moi, mais sur moi que j’écris le monde scarifié et ma peau se souvient de la nuit d’affleur, le solstice que ton souffle y laissât.

Toutes traces ainsi qui ne peuvent s’effacer, à moins que ne s’emmêle, pour un temps, grande Geste d’évanouissement, d’enfouissement et de disparition, forcenée, sous les intenses frondaisons révulsées de la mémoire, les signes lénifiants et trompeurs de l’oubli.

Qui revient, tel fut l’océan enseveli en ses murmures, un esquif ; Ou bien Grande vague hiératique figée au large de Kanagawa, dans le sublime dénuement, la quintessence du naufrage « perdition, douleur, folie, éblouissement » que tout, malgré, ou par cela, fut possible.

Désert, non pas celui qui est, lorsque l’on en désigne l’épure, une recension interne des volutes étroites du vide, mais dans la froideur minérale, la nuit intercessive et les sarments, les brindilles, l’étoupe ardente des matins.

Que je ne puisse m’étonner que l’eau et le soleil portent même nom de source que l’obscurité.






Art mineur : huitième forage


Pourquoi la Mer allégorique, cette catharsis de l’eau qui voyage en ses reflets. Parce qu’elle est le kaléidoscope du mouvant et de l’immobile, indéchiffrables. L’eau amère des clepsydres et des plages du temps, irrésolus. L’instant d’apercevoir la crête d’une vague avant qu’elle n’amorce sa chute, pour revenir se fondre au grand mouvement cosmique de l’univers. Il faut pour cela dévier, s’arracher de l’attraction létale du conforme, se refuser. Non par principe, ou je ne sais quelle mode excentrique qui semblerait porter les riches stigmates d’une révolte convenue estampillée « Exception culturelle » exportable à tout-va, avec ses formules homéopathiques du moi distillé en solutions indolores, en effets placebo.


Je ne crois pas que le poète puisse accepter de l’être sans ressentiment, une fois passée cette sorte d’exaltation fiévreuse de créer qui exulte en lui. Ensuite, elle le phagocyte et au pire le détruit. L’empêchement de vivre ne « produit » pas la poésie, ni ne s’inverse. Ecrire n’est pas de l’ordre de la fatalité, mais de celui du saisissement, de l’anastrophe. Celui qui ne peut pas se retourner, s’enferme dans ses propres cellules, enserré dans les tentacules de sa propre vacuité, jusqu’à l’errance de la folie. Il s’en faut de peu pour traverser les tessons du miroir d’où revenir n’est pas une preuve, encore faut-il non pas l’avancer, mais l’écrire du fond d’une solitude incompréhensible. Une fois de plus, d’aventure, une histoire marine, vaisseaux perdus dans les sargasses tristes, feux de Saint-Elme, lanternes des naufrageurs.







Réponse aux vents étésiens qui cette nuit faisaient
se mouvoir des mains espiègles dans les branches.


(Voilà qu'en mai vient septembre et c’est déjà l’hiver,
la mémoire recueille les raisins noirs de soleils passés
ou bien le vénéfice enivré des saisons à venir.)

De cette nuit, furent soutirées les flammes des lampes
remisées dans les alvéoles d’anciennes tempêtes.
Si proches de l’obscurité d’autres temps,
lorsqu’il fallait bercer l’enfance balbutiante du feu,
courbé dans l’osier humide des naissances,
nacelles voguant sur l’onde des eaux matricielles.

Parler cette langue écrue, frottis des braises
émulsion dans l’herpe exfoliée des grands vents,
la pourpre et l’or dispersés par sentiers,
venelles ployées dans l’arc d’urgence de la fuite.

Sans doute ais-je dormi, tandis que derrière la fenêtre
se défaisait transparente la cosse échenillée du monde






Art mineur : neuvième forage


Recours à l’enfance ; Les coques de noix envasées des pêcheurs de civelles. Et la pluie noircissant les ardoises, d’onomatopées, de musiques lointaines, jusqu’à briser les vitres. Près du fleuve, sous les pierres soulevées où dorment les anguilles et les mystères. La Loire n’est qu’une grande nasse fertile de laquelle l’on tire des poissons indolents ou des mots enferrés qui brillent, au soleil se levant, qu’occultent un instant l’inertie des navires, en laissant des vagues et des rêves de travers. Plus loin c’est l’heure des moissons, ce n’est pas une saison, mais du temps suspendu entre les territoires du soleil. Des ombres fauchent, dans ce flou, les brumes, le clair et l’obscur des lendemains. Puis, d’autres lieux habités de lenteurs, dans lesquels la parole infuse, se retient, serpente et se dénoue, afin de ne dire, dans l’arabesque de l’esquisse, l’esquive. Ce temps à mots couverts.


Paliers d’acclimatation ; Comment s‘éloigner sans mourir asphyxié dans l’air raréfié des hauteurs ou bien noyé dans les degrés des profondeurs. Apprendre à respirer, d’une respiration intégrale en milieu hostile. Les éléments fomentent en nous des barrières qui n’ont de cesse d’envahir le paysage, enserrer le possible dans un maillage d’acier sans faille, jusqu’à tétaniser en soi le désir.


Dorsale de l’esprit, ce mouvement de Vouloir surmonter jusqu’au pire, le no man’s land, le désert et qu’il ne reste plus que soi pour ultime ennemi. C’est ce temps qu’il fait en toi, de sédition, de résilience, qui dérèglent le bel ordonnancement aphasique des tempêtes sèches où règne l’érosion. Ce n’est pas que tu puisses vaincre seulement par des mots, mais ce que tu cernes te situe parmi ce qui diverge. La nuit, le feu, quelques brassées de pluie sur l’étiage des branches, le socle d’étoupe des brindilles.






Je ne suis pas venu


Dehors comme dedans il fait nuit noire
Je nage dans la houle blanche des draps
il est trop tôt pour que je quitte
la gémellité des formes du voyage
pluie sans doute vaste longitude
par le travers, jusqu’au ciel du lit
les chromosomes de son bleu de tempête

la mer traverse les vitres, verse du sable
des embruns sur les entailles de la table
quelque vague captive dans l’oracle amer
figé au fond d’une tasse de café du Brésil

Ce n’est pas une nuit ce silence
mais un fleuve qui remonte
se jeter dans le magma des rêves
les mailles des sennes végétales
les oiseaux naissent sous l’écorce
ce sont des feuilles ou des mots
l'écume des siècles pétrifiés

un bruit de rames attise les eaux mortes
mouvements de sphères des profondeurs
ou bien le chant syncopé des cosmogonies
qui passe sous la porte les soleils froissés
les vents déchirés d’autres mondes

Je ne suis pas venu au bord de la rive
ce sont les sillages qui m’emportent
vers la fracture des saisons les orages
que je puisse dévier l'ellipse des lendemains
les prismes incendiés de l’œil du cyclone.




Art mineur : dixième forage


Ce que tu avances, ou ce qui te fait marcher, une voûte pour se pencher et un couloir tortueux et énigmatique scindant, dans les venelles d’une forêt, en myriade la question : où mènes-tu le chemin ? S’il n’est personne pour le considérer. Signal d’une main appliquée sur l’immensité de la nuit pariétale ; Ou digitale qui se puisse entre toutes reconnaître. Ce que tu imprimes aux mots, l’empreinte d’un passage. Graffiti ou bien du fond de la mine, le graphite, le carbone de l’instant mobilisé dans les strates du temps. Mais, cette main ne voulait serrer que le possible d’une rencontre, peut-être même s’y retrouver dans les cheminements, les dédales d’une course aveugle. Maintenant il faut que tu sois de connivence ; Osmose par cette Ecriture, avec le dénuement et l’abondance du signe.


Avec quelques raisons tu pourrais resituer les mots dans un contexte nouveau, mais c’est de peu d’importance. Soit ils sont porteurs de sens, soit l’on peut les sortir de leur déshérence, en faire un usage de bateleur ou bien étayer le mur de pierres levées, en cimenter l’intuition d’une équerre minérale. Ces murs de guingois qui font chanter le vent ne trouvent l’harmonie que dans l’apparente discordance de leur assemblage et cette dissemblance, dans l’embrassement de l’ensemble, n’y paraît plus. Le maçon a égalisé, sans le rendre monotone le paysage. Chaque mot se vaut, nul n’a préséance. Ce que je veux dire peut désormais prendre la forme de ce que je veux écrire.


Si tu peux non pas considérer, mais prendre le plasma de chaque mot ainsi qu’une matière vivante, le fragment articulé d’un tout circulant en toi-même, fibre, esprit, contingence de l’air alentours, et rendre compte à la fois de l’urgence et de l’absence de recul sans feindre, obvier, ni construire des murailles fantômes dressées contre le trop-plein du vide.






Cette pierre étant le cri.
Ce n’était pas épouvante
On pouvait le regarder.
Comme un jardin où une lune.
Comme l’on jette la pierre
dans l’eau
et l’eau dans la pierre.






Art mineur : onzième forage


Ce n’est pas simplement affaire de regard. On peut longtemps regarder et jamais ne voir, pas même l’irréfutable. Paroxysme, degré d’ignition, attraction des particules dans l’air stellaire ou plus simplement ce moment qui n’est ni comprendre ni extrapoler mais de rassembler dans la préhension fulgurante de l’instant, ce que l’on sait et ce que l’on devine. On accoste rarement sur cette langue de terre instable, ses sables mouvants et l’on tourne, à la dérive, autour de l’île. Peut-être qu’écrire n’est que la concrétion visible de l’attente. Est-ce dire accéder à toutes les attentes, lorsque l’Ecriture parfois devient Evidence. Est-ce de l’ordre de la beauté, cette étreinte de la vérité, désarroi et assouvissement.


De la dé-possession, telles les affres du dés-enchantement sur l’hygromètre des miracles advenus, reconnus par la maigre rumeur publique du voisinage, qui se résume le plus souvent à l’auditoire d’un chat famélique. L’imagerie d’Epinal est encore tenace qui confond la poésie et cet espèce de vagissement névrotique transitant par la bile du cœur où se tiendrait l’esprit. C’est toujours la main qui écrit, ces mêmes phalanges du fond des temps qui accomplissent ou finalisent la pensée. Un jour, il suffira d’une impulsion neuronale pour qu’il n’y ait plus de transition, ou transaction, au travers des ramifications nerveuses pour que l’acte d’écrire s’accomplisse. Je ne sais pas si cette quasi simultanéité « produira » une poésie instinctive, instantanée, mais au-delà du prodige technologique qui trouvera d’autres applications thérapeutiques et du « challenge » que cela implique, je suppose qu’il n’en résultera qu’un extraordinaire brouillage, une sortie de fatrasie surréelle ingouvernable. Il faut du temps, même dans l’urgence de dire.





Il pleut au loin, les collines sont noires de pluie
C’est la première métamorphose de l’Océan
Il porte jusqu’ici les remous du submergé
la crue pour celui qui ne sait peut-être
même pas quelle forme prend la mer
si c’est un oiseau d’algues marines
s’extrayant des grands chants
qui dorment dans l’abysse
ou bien un escalier.




Je ne dis Abysse que par jeu de bateleur concerné par les mots et parce que spontanément venait immédiatement l’écho d’une sonorité en Ulysse qu’aussitôt je transformais par résonance en Tectonique des plaques. Qu’ais-je donc à proposer que semer un doute dans l’architecture intangible de la ligne droite ? C’est beaucoup dans l’ordre des métamorphoses sans magie particulière mais alliance phénoménale que cet alliage instable des mots contre l’acier cependant « intranquille » des certitudes.






Art mineur : douzième forage


A quoi reconnaît-on l’écriture d’un poète ou bien la paternité d’une musique, d’un tableau ? Aujourd’hui, je dirais à la faculté de renouvellement, cette capacité de se glisser dans des habits inconnaissables. Non pas qu’il ait choisi de se renier, mais qu’il lui faille faire des mouvements plus amples ou qu’il soit serré dans l’oubli, l’attente dans des zones de contraintes et de discordances. Alors, aujourd’hui je dirais, qu’il est encore plus lui-même lorsqu’il paraît ne plus être lui-même, délié de ses vaticinations, ses marottes et sa thématique chantournée dans des allées tirées au cordeau, profilées comme une autoroute monotone.


Avoir un « style » serait verser dans l’immuable. Cela est impossible, sauf à s’imiter soi-même, creuser des formes dans ce que l’on fut, une sorte de permanence d’un ravalement de façade qui ne ferait plus illusion que chez les chercheurs nécrophages et les adulateurs rancis, croupis dans les végétations nauséeuses du passé, pétrissant entre leurs mains tavelées la flamme chancelante de leurs briquets pour y réchauffer de vieilles révoltes inassouvies telles les folioles vacillantes de rancunes devenues inexpugnables. On peut un instant confondre changer et donner le change.


Sans doute, en d’autres siècles desquels on ne peut qu’à peine désormais mesurer la lenteur, l’immutabilité de la forme frappait d’un poinçon identifiable le Dit et sa filiation. Pourtant cela n’empêchait pas de briser les carcans, l’archétype de la thématique, les structures imposées, toutes les idées devenues saugrenues sur le rythme et la musicalité, alors que j’en appelle aussi aux fractures et à la discordance, à l’absence de sens s’il le faut et que tout cela charrie eaux fortes, alluvions sédiments et pulsions, un magma fécond qui m’emporte.






L’œil des galaxies


Sur la table figé le grès bleu glacé d’une jarre tandis que dehors le soleil fait bouillir d’épaisses racines. Tu voudrais avoir la fluidité de l’eau et même impatience sonore de cascade, résurgente, saxifrage.

Tisonnant, à peine extirpé des lenteurs de la boue, une langue précaire d’argile et de frissons, quelques mots friables, pour esquisser la trame de l’infini que tu traînes dans ton sillage.

Corps de plomb, l’âme ne pesant rien de plus qu’un fétu emporté par la brise, avec tes contradictions. Le verre s’emplit de sable, quelques gouttes de nuit glissent, sur les tournesols visqueux de la nappe, les rideaux endormis.






Art mineur : treizième forage


Le mot « Art » est passé par la déception de l’aura du mystère, jusqu’à la confusion la plus événementielle. Ce n’est pas à ce point affligeant que « créer » soit d’origine communément terrestre, sauf qu’entre art capillaire, culinaire, artisanat, on peut perdre ses repères. J’ai préféré la dérision de l’expression « Art mineur » qui demeure la plus probante, sinon la plus gratuite. Le plus souvent discourir sur « l’art » est ce qui (pré) occupe ceux qui s’en auto recommandent, au lieu de s’y interroger. Défi et défiance et peut-être la différence est qu’il n’y ait pas de recette, qu’il faille toujours recommencer, sans base ni trame, sans fond de sauce à réutiliser.


Une marche forcée en absence de preuves, mais d’évidence au fond d’une de ces galeries s’ouvre à travers les bois pétrifiées une résurgence de clarté, fut-elle phosphorescence, dans la nuit la plus noire ou bien stalactites du soleil. Réverbération par laquelle les mots s’articulent et s’incarnent par le mouvement, friction d’écailles, froissement des rémiges, des élytres, crépitement des tisons, tout ce qui s’appuie, prend élan ou se glisse, s’arrache par une tension démesurée des contingences de l’immobile.


L’Art est peut-être ce saisissant enlèvement de soi, l’instant d’une fulgurance, un coup de tonnerre au cœur du ciel bleu. La grande vague au large de Kanagawa, probablement le mugissement d’un Tsunami, venant briser la torpeur indolente des rythmes. Peut-être est-ce retirer d’un seul mouvement le grand drap fourmillant d’écume de la mer puis en recouvrir l’ondulation des sables, les marées végétales des forêts, bouleverser la vision d’une version irréversible du monde.






Sur l’arche des hauteurs

(pour Danilo Romero)

Ou bien demain, ce sera l’autre rive,
nu passant les chutes vers l’ombre violette,
effleurant l’ondulation des feuilles,
averse qu’aucun tableau ne peut esquisser.

De l’eau s’écoule la forme de la jarre,
l’humus de la pluie. Des mains
la formule sèche tendue de la soif
des chants de couleurs pour attiser la venue
du serpent d’émeraude aux écailles liquides.

Qui espère, aveugle sur l’ondulation andine
et les éboulis des roches cyclopéennes,
l’arche de l’arc-en-ciel détissant
la trame des voiles des navires.







Art mineur : quatorzième forage


La liberté absolue, l’absence de toutes règles ne permettent pas plus l’émergence de poètes, que la capacité de s’astreindre, de se contraindre, sans se restreindre, ni s’opacifier ; Moins encore que sous la férule, les fourches caudines et dans le carcan des normalisations. Ce n’est pas un paradoxe, il manque le plus souvent un supplément, de « l’âme » ou du souffle, qui s’accommodent de toutes les situations. Ce qui vaut pour la forme est valide pour la thématique, puisque la liberté absolue relève de la vacuité. Pourtant, il faut tendre vers cet absolu chimérique, surtout lorsque sa réalité est menacée. La poésie française contemporaine pratique un art évanescent, une écriture de la dilution, parce qu’elle n’a pas de défi à relever et se perd en joutes stériles entre une noirceur de convenance et un lyrisme emprunté. Elle n’ose plus.


Du moins les poètes n’osent plus affirmer tous leurs droits de distorsion de la langue, de la forme et du fond, préférant la pauvreté plutôt que de risquer l’hermétisme, l’heur de plaire au lieu du risque de choquer et de petites manigances en guise de ritournelle pour éviter les brisants. Cet enfermement dans le minuscule, sans prise de risque ne produit que de ternes éclats que les contempteurs s’amusent à saluer, puisqu’ils n’éclipsent pas les lueurs de leurs propres bluettes. Au bout de la chaîne de cette mystification, ne sortent que des produits manufacturés, frappés de l’estampille rituelle de la convenance et de l’indolore. Tout y sonne faux même le mot Révolte qu’il est de bon ton de placer à des endroits stratégiques pour la jouissance du frémissement d’avoir transgressé en sous-main l’ordre établi.


La poésie ne fait sens que lorsqu’elle appartient, non par ce qu’elle décrit, considère on tente de décrypter. Faut-il dire je suis le caillou de la rive qui roule sous mon pas, la conscience de l’imminence de la chute et transcrire demain ce mouvement de l’eau pétrifiée par le gel, ce passage ouvert de l’à vif.






« J’habite des naufrages»
Louis Calaferte



Ecoute le verbe respirer, siphon qui aspire typhons et plaines rases et l’élan arasé alors qu’allait prendre son essor, dans le sentier, l’espace infini où se jetait l’avidité des geais à travers les miroirs au cœur des myrtilles et des baies, le sang noir des dérives.

« On », toi ruisselant dans les lœss des soleils et les plantes arrêtées dans les pans des remous, revenant prendre pied à l’extrémité des noyades dans lesquelles, haleine éperdue, ce geste d’atteindre l’air impalpable des remontées à travers branches et poumons, forêts, étreintes, mousses et mâts de cocagne renversés, ton navire retourné au profond.

Tu nages vers le fond.

Où brillent dans les coffres, l’algue des sommeils, ses anneaux, ses saturnales. Tu tournes autour de toi-même, te brûles au feu de tourbe de tes propres questions.

Déserte ton naufrage, ses sables mouvants en toi s’enlisent, élident le mouvement d’être, souffle, entre les pierres, un langage d’effraction, dans le creux des maisons. Ici le temps n’est pas figé, mais en souffrance entre deux rives louvoyant, vers plus loin, au-delà même du doute, ses barrières de corail et la mer en transit, au vague amarrée.





Art mineur : quinzième forage


Si j’écrivais un poème, là, maintenant, qu’aurais-je saisi, cet instant ou les fragments de tous les autres, cette chaîne de moments qui font et défont une vie. J’ai écouté les nouvelles du soir qui ne sont déjà plus qu’une page tournée et qui pourtant déjà génèrent d’autres événements. Il faudra bien que j’avance en assemblant une partie du puzzle de l’immédiate réalité et que je m’inscrive non pas en témoin, mais en acteur d’un cycle auquel j’appartiens, quel qu’en soit le partage, fut-il dérisoire. Le champ d’action de la poésie, celui de la parole trouve parfois des échos insoupçonnés. Toujours cette pierre, inutile semble t’il, jetée au fond de l’Océan, mais dont le cercle rayonne et s’amplifie fracturant l’uniformité. Ce sont de rares paroles, la pluie cassant ses épines sur la peau épaisse des granits. Mais rien n’est pire que le silence bâtisseur de néant et d’incompréhensible.


Ici je suis sur le franc-bord, entre l’affirmation et le questionnement plus encore qui désagrège toute certitude puis amorce le principe d’une conviction consistant à dire : Je sais ce que cela n’est pas. Le « Reste » c’est ce précipité d’eau, de feuilles déchirées et de gravier qui demeure. Je ne cherche pas l’or du temps, mais les choses ténues qui n’ont nulle adresse dans l’art de briller, quand bien même parfois je m’autorise à enluminer de dorures inutiles, un verbiage très vain que j’aime et me réjouit exaspérant à la fois les puristes, les virtuoses du minimalisme et tout ceux qui font du dérèglement une règle.





Effleurer



C’est comme aller pour ne pas revenir et plus loin s’éloigne projète ses lueurs. Qu’est-ce que tu vas retenir des mots, qui passent des vaisseaux dans la glue des fumées, tendre la main pour toucher les nuages qui bougent le paysage. La nuit descend accrochée dans ses toiles d’araignées danseuses, dévoreuses d’éphémères et de temps plus encore.


Ondes, feux, cordages, coulent embrasent glissent des étreintes dans le corps le sang, rassemblent pièces et morcels perdus dans les mers gelées. Banquises et radeaux congelés avec la nuit et le silence des cuisines, les pieds nus sur le carrelage, ses tours. L’impatience des cavaliers, graisses et rouages articulant des départs cernés d’attentes pour traverser, d’une main défaisant l’ordre enchevêtré en ses capillaires, ses vagues de gels repeignées d’immobile sur l’échiquier.

*Les fleurs d’arctique germent au plus près de la nuit verglacée dans les bacs de vanille, framboises et rhum-raisin, tutti-frutti des grands magasins désertés, vitrifiés par les néons dans les boites de chaussures avec les pas qui franchissent les gouffres minuscules du quotidien dans la même attente d’un billet de train investissant avec la gare le désir d’aller plus loin encore, au-delà d’une étroite ruelle où se coulent ces pas. Résonne sur le tympan des portes le bruit sourd du voyage.

Toi, séisme et Océan déchiffrant le roulis interminable, tes ressacs revenant déchirer sur la ligne des brisants leurs parcelles d ‘écume et le vent des embruns fécondant les nuées qui t’emportent puis te laissent épuisé, sur les franges du rêve et de tout ce qui fut possible de savoir, là, comme une main d’affleur effleurant des bouquets, gorgones et frissons endormis.




*« Les fleurs d’arctique (elles n’existent pas) »
A. Rimbaud




Art mineur : seizième forage


Ce que l’on dit du poème est sujet à caution. L’acquiescement consensuel est un véritable naufrage. Le vrai poème coupe le souffle. Il y a deux temps du silence, celui qui condescend à ne pas ajouter la risée à l’effort et celui qui ne sait dire pourquoi, à force d’être soulevé en même temps que submergé et désarmé, dans l’incapacité d’exprimer pourquoi « cela » fonctionne, sans rime, ni raison apparente. Pourtant, c’est simplement que le poème n’est pas, ou plutôt est exorbitant, de la rationalité. Il s’y inscrit de la plus limpide des manières, en la sublimant, sans développer un argumentaire, une philosophie déroutante à travers une imagerie convulsée, ni une équation incontournable, mais avance dans l’économie d’une quintessence, l’exacte totalité de toutes ses fractions.


Souvent, l’on ne retient que quelques saillants, que l’on met en avant comme une figure de proue, ou bien un morceau de bravoure pour preuve que s’est accompli, la grâce d’un instant, le privilège d’avoir côtoyé le sublime. Quelquefois, la fluidité du texte, son pouvoir d’étonnement ne laisse pas de pause et l’on peut parler d’harmonie, puisque ce qui semble discordance, s’emboîte parfaitement dans l’architecture nécessaire du texte, écartant le regard des ossatures monocordes, les châteaux de cartes de l’illusionniste. Car le poète tend les arches aériennes de vrais ponts dans et au-dessus l’éphéméride du vide.





Stratégie des grands vents


Je te parle de la pluie d’avant la pluie couchée,
piment des bourrasques, sur la peau
le sel des cristaux, brûlure des froidures.
C’est une autre saison, dans la saison des mots
avant l’orage.

Peut-être qu’il fallait rentrer le jour
au creux de la lumière
et fermer la porte sur la tiède chaleur tenue
jusqu’à l’autre matin la braise et la respiration.
Mouvements des corps à peine rêves ondoyés
dans la venelle du lit
serrés entre les houles sans limites des laines
les murs emmurés, les vents derrière la fenêtre.

La route éppleurée au bout de son chemin
où s’achève la terre échevelée par l’automne.
peut-être grise camaïeu de beiges cavalcades,
averses de la mer grosse de vagues retournées,
ce qui brise pour naître et se grise,
alcool des soirs tremblants.
Tu tombes dans le sens qui plonge sur,
surnage vers, les Sargasses de l’in fini,
le chant brisé et ses fibrilles aériennes,
l’alchimie, les formules du voyage.

Puis.

Il n’y avait place pour la beauté qu’on assemble,
chaque geste déployé faisait l’ample solitude,
élan pour rassembler, miroir pour aller
dessus les océans fragiles du possible,
glisser vers, mirages d’îles d’ambre et d’écume.
La terre liquide délivrance des marées,
d’autres socles d'argile, les pieds dans le sang
et le cri qui commence aux racines de l’échine





Art mineur : dix-septième forage


La proximité d’une présence aurai-je répondu, si par un moment d’égarement, le coin d’une table où l’on parle à mots feutrés de choses insignifiantes, je puisse céder à quelque accès de mélancolie qui ne n’est pas coutumière. Ayant dit cela je n’aurais rien résolu, mais disposé d’un peu de latitude afin de démêler l’écheveau, bien que le mot soit un peu obsolète, de ce facteur irrationnel qui pourrait se nommer convergence émotionnelle, ou peut-être conscience commune d’être partie prenante, dans une même jachère du temps, de la concrétisation de soi-même, dans l’appropriation légitime des écrits d’un « autre » qui ne le sera jamais plus, devenant une part de soi-même. C‘est un leurre, un mythe rassurant. Le poète, l’écrivain n’atteint que rarement la « perfection » de ce qu’il dit, mais si ce qu’il touche dépasse ses limites, est-ce le hasard qu’il faut invoquer ? Ou bien d’avoir rapproché intuitivement les extrêmes ; la vulnérabilité de l’humain et l’apparente indestructibilité des éléments, le monde friable qui nous entoure.


Qu’est-ce qui a changé ? Ceci n’est pas du domaine de la perception, mais de celui des évidences, la terre n’est qu’un infime point, destructible, dans l’in-fini, ce ne serait qu’une question de temps, relativement court à l’échelle du Cosmos. Mais irrémédiablement c’est l’homme qui finalise cette destruction, avec une constance, un acharnement qui relève du suicide collectif. Puis, ce qui est plus aléatoire, mais devient chaque jour plus tangible, c’est que l’homme n’est pas le centre de l’Univers, ni le but ultime de la Création. Lorsque l’on se place dans cette perspective que l’on peut trouver rassurante ou désespérante selon son propre « sentiment » il n’est plus guère possible d’écrire hors de l’urgence d’être.







Une allée dans les herbes perdues

Au bout la session de la rue annonce un cul-de-sac,
Je ne sais pas s’y j’entre ou je diverge
Chaque fois et c’est toujours la même
Je sais que ce n’est pas une ruelle mais une vague
Irrésolue qui fomenterait des émeutes foudroyantes.
Et cette écume, cette lactation des chimères

Ce lais amniotique aussi instable que dire, bain d’orages
dans l’amniocentèse, ainsi ce n’étaient pas des fruits
ce mélange indigène sur l’étal, mais les formules du voyage.
Des chants océaniens déjà dans les cris des sirènes sur le port
soulevant le rostre des navires.

Tout se tient, la terre ronde, femme ceinte, la paume pour épouser.
Voilà que j’écrivais la forme du mot, le cercle écarté jusqu’à la ligne droite.
Sans doute même, la rectitude exacte de la courbe du ricochet.
Cette soudaine lenteur de la pierre devenant
l’eau, la porte, la clef, le ciel et ses serrures.
Je ne disais rien, j’attendais que la rue prenne feu, prenne langue
la configuration d’un cri, une liane seule incendiée par le silence
ou submergée.

Si je fermais les yeux, pour voir plus loin qu’aujourd’hui je ne peux
ces rondes billes aveugles tellement écarquillées jusqu’au blanc
ce vertige, cette profusion.

Sous les pierres aussi les songes soulevés et cette lente succion
de la boue, aspire les reptations d'anguilles, la gémellité des mots.

Il fallait prendre élan ou bien appui sur une rame plus vaste,
Un chant à répons et chacun son chemin.
Il venait de si loin, d'une faille commune.

Aux gouffres les bras tendus du fond des millénaires
humectant les lèvres à la coupe d'argile.
En chaque goutte resurgit le fleuve.
J'entre dans le rythme, le seuil d'une maison, cristal effroi.
Bohème des lampes tamisées sur la forêt des vitres
et la peau se souvient des frissons.




Art mineur : dix-huitième forage

L’espace de la poésie, c’est celui du souffle et de la respiration et l’accident de la mort, cette panne immense dans l’urgence de vivre, lorsqu’on y pense, mais qui cravache le multiple plus encore. La poésie devient alors protéiforme par nécessité et hors-champ de toute règle applicable. Mais, surtout rien d’autre que ce que l’on est, à travers les distorsions du langage, non pour celer mais comprendre un peu ce qu’il en est de la lumière qui stagne au profond, son brouet d’étincelles. Quelquefois je traduis, est-ce dire je pèse l’incertitude, puisqu’il s’agit du temps qui nous est imparti, ce qu’il en est de nous :

Verres de couleur peints à la grisaille

Je ne suis pas de ce village sous la pluie, à peine de ce pays, par les mots, aucun temple, nulle église, même si devant les torsades flamboyantes de la Commanderie, je puisse m’étonner que sur cette lande la foi lance vers le ciel figé les flèches mouvantes de ses pierres.

Dans le jardin des simples, les feuilles sont gelées, l’angélique, l’ellébore, les menthes devenues noires, enserrées par le givre. Quelques pommes rétives s’atrophient, le puits est muré. Tout est pétrifié dans l’immobile, sauf les enfants de l’école, leurs cris désarçonnent le temps qui n’a jamais cessé de ne passer dans la lumière fracturée, l’étrange reflet apaisé d’un vitrail.

En réalité, ce n’est pas que les poètes n’aient rien à dire, ni que ce qu’ils disent soit sans objet, mais, ils n’ont que peu de prise sur la réalité, s’égarent dans le cours des « choses » qui leur sont étrangères et qui portent des noms fulgurants, devenant thèmes, exercices d’éblouissement, vaines pâtures d’eux-mêmes insignifiants. Cette humaine et dérisoire tentative, « laisser une trace » ne me fait pas rêver. Je croise tous les jours des personnes penchées avec frénésie sur leur généalogie évanescente, pour comprendre cette peur d’aller vers la dilution de soi-même et la vanité de croire que l’on puisse s’ancrer dans les sables limoneux du passé et y fonder l’avenir.

Il en va ainsi de tous ceux qui pensent que se retourner vers des valeurs sures conforte les lendemains, alors qu’elles les pétrifient, Genèse une fois de plus, inversée cependant. Dessillée. Finalement, la seule vérité c’est d’être lisible de soi-même, élément singulièrement acceptable d’un tout, apparemment sans objet qu’une continuité discordante.







On passerait de l'un à l'autre...


Une pierre brûlante pour effacer la mémoire
de ce qui fut la neige les sables urticants
allant à ta rencontre par les Gémonies du temps
Il aurait fallu, aurait, aurait, miroir des échos
traverser les rivières de glace vive
quelquefois quand se grise de morne
aux fenêtres la pluie d’étoiles morcelées


Ou bien caillou du ciel effondré pour lancer
l’étrave poussive des nuages ou des mots
ensommeillés par l’hypnose des rimes.
Voilà que j’ai brisé l’alliance de la chute
et la rotondité des graines du sommeil
soudain le soleil n’en finit plus de tomber
poussière dans les cendres du mimosa.


On passerait de l'un à l'autre je ne sais quoi
sans doute un silex où dormirait le feu
ou peut-être une lampe, un outil de lumière
la grande patience du geste qui le constitue.






Art mineur : dix-neuvième forage


Ancrer le poème dans la réalité par le biais d’un langage que tout porte à la dilution, l’évanescente et le ravissement ; ne pas sombrer dans l’approximation des caricatures grossières d’une provocation systématique sans objet. L’enjeu de cette navigation à vue, la cible contre laquelle paraît se liguer le plus grand nombre, semble parfois inaccessible. Je suis plus proche de la dague acérée de François Villon que des lamentos de Verlaine.

Je ne veux pas rendre compte, pourquoi faut-il toujours tout expliquer ? La poésie ne sauvera personne, ce n’est pas une thérapie. Mais le lieu ou se rassemble à travers la parole, l’infime et l’infini, d’un seul regard embrassés. Lieu d’être dans l’espace physique de la traversée. A une image biblique, à la mer écartée, je transpose les circonstances de la rue, faisant tomber le domino « des vagues de briques » puis se referment les murs. Je ne possède pas les clefs, j’entre par effraction, sans doute de connivence, peut-être que le mystère n’a de cesse d’être fracturé.

Là où j’accède ! Comment entendre cette phrase tronquée, ou bien plutôt comment la concevoir, sinon comme mouvement désordonné de balancier, entre refus et réfutation. Peut-être, je n’ai pas tranché, que le poème me nie, parce que je ne veux en accepter la redoutable offrande, qu’il ne soit que ce je suis, une violente écharde d’absolu enfoncée au cœur du réel. Non qu’elle le déforme où le transfigure mais infuse les couleurs de l’orage. Qui dira le chant qu’assemblent les couleurs ?







Il faut être vagabond ne serait-ce que le temps de l’illusion d’un départ sur un quai entre les caisses de bois portant des noms étranges d’Hélios, de Macassar et des langues qui tour à tour écorchent ou assouplissent leurs sonorités dans l’air iodé lorsque le ciel paraît plus bleu qu’au Sud endormi dans l’écume figée des mangroves. Avoir rêvé les cycles immuables du soleil tandis que tous les noms de la pluie déversent leurs froides litanies en resserrant l’espace au point de le brouiller avec la démesure qu’il porte en lui, ses appels de sirènes.

Il y a beaucoup de voyageurs en panne dans le monde qui n’auront eu pour unique traversée que la fumée des usines dépliant le journal du lointain qu’ils ne liront jamais, à moins qu’une guerre ne les mènent plus loin que leurs perspectives détruites par l’immobile vers d’autres paysages dévastés. Le bateau va partir ou se désagréger dans son ultime tentative de sillage et celui qui le regarde va se figer parce qu’il n’a su choisir entre deux violences. Le navire va se couler dans la lenteur de couleurs improbables d’ocre et de sépia, se fondre dans la mer effondrée dans ses encres et le rêve ce soir trop grand qui ferme ses fenêtres et retire les clés.

Demain peut-être je mettrais à la voile, les mots et leurs vaisseaux, leurs béquilles célestes dans les hoquets d’un jour balbutiant des chemins épineux et d’étroits sentiers enlisés par l’instant pris entre la nuit, ses sommeils et la lumière qui descend sur la Terre aveugle et sans mémoire.





Art mineur : vingtième forage


Je devins non pas devin, mais poète, aiguilleur, du ciel tombé ici bas. J’avais accepté la démesure du risque funambule, travailler sans filets. Je m’étais reconnu, cessant de refuser l’irrémédiable. Ici le poète est un fou, une lèpre. On m’enfermait dans les hautes tours du silence, disant que j’en avais construit les murs par délires et déviances supposés, puis muré en moi-même l’escalier. Alors que je tissais, dans le charbon des nuits, entre les mailles, la clarté, les dentelles de transparence. Rien qui ne soit une ligne de fuite.

Non par principe refusé la beauté, mais le vide à l’excès qui en fait silence et lorsqu’on la retourne, devient muette à l’infini. Gant je dirais, lorsque la main n’épouse que la forme veloutée du vide. Peut-être un silex à l’affût plus vif que son ombre ? Gazelle ou feutre d’ocelot, pluie d’éclairs. C’était aussi un oiseau de ciel et de fer blanc qui ne devait tomber, suspendu dans les limbes, retenu par son cri tirant un fil d’équinoxe vers là-bas, la pierre où se poser

Je ne me lève pas avec l’envie d’être poète, ni la sensation de l’être. Je n’en parle que rarement et pourtant je rencontre des gens qui étalent volontiers le patchwork de leurs amours défaits, ou en cours, à renaître, des enfants qui sont des monstres d’amour, de fracture sociale et de la pluie et du beau temps. Je ne prétends pas parler d’autre chose, mais l’écriture poétique sublime le réel, lui donne une dimension qu’il possède sans doute, mais seulement en gestation ou bien éparse, dispersée. Les mots en sont le lien et le liant sans concession, il ne s’agit pas d’une attitude, ni d’un exercice de style. L’écriture poétique requalifie le fait-divers, lui redonne un sens concret et concertant dans l’univers et sa véritable dimension d’évènement. Il suffit parfois d’un gravier pour faire trébucher l’histoire.






Je n’ai pas détourné de la vitre le sable,


Je n’ai pas détourné de la vitre le sable,
la rémanence des reflets, les voyages
ni ciselé une Genèse des flammes,
du feu posé la vacillante torpeur
qu’épèlent les pluies, ensorcèlent,
égrènent les soirs d’orage
où versent les mélancolies.

Ni dressé de hautes tours
crénelées d’écume, litanies
de silence et d’ors factices
lierre et plantes saxifrages,
ascendance de pierre transpercée
dans la lenteur tactile retenue,
cascade de feuilles dévidées
tout au long de l’échine.

Frisson en marge de l’hiver,
abandon intense dans l’averse.
Est-ce de toi qu’il pleut,
de tes strates de sel revenu
jaillissent myriades d’étincelles
limites où le bord se tient
dans le juste milieu
entre les deux faces du vide
trop de nuit ou trop de clarté
qui cèlent l'évidence.







Art mineur : vingt et unième forage


L’Arc de résilience


J’ai préféré au mot de Résistance celui de Résilience puisque je veux inscrire une durée qui ne sera plus mienne, la résistance est le plus souvent ponctuelle, événementielle. La résilience procède de la secrète régénérescence de toute la nature. L’histoire de la poésie n’est pas celle d’un livre que l’on puisse fermer. De même l’on ne peut pas dire voilà le monde fini. Il n’y aura jamais de dernier poète.

Pourtant je ne veux pas écarter cette notion de résistance, la rendre à son évidence, qui n’est pas le dernier bastion de quelques illuminés défendant un idéal « romantique » mais bien l’affirmation, par la mise en exergue d’un refus constructif, que la liberté ne peut être dans la compromission. La « vraie » poésie ouvre l’espace. Je ne sais si ce que voulait signifier Rimbaud écrivant « précède » comme une figure de proue va de l’avant. A cette image-arche figée dans le mouvant, je préfère une plus terrestre approche, un ancrage dans la réalité démâtée et l’air vivifiant. S’il faut archiver dans le doute, alors disons : Permanence des révoltes.







La grande roue de la mer.


Regarde se fondre une goutte d’iode
aux tumultes de la mer incertaine.
La mer c’est une longue histoire
l’excroissance d’une fièvre.
Est-ce que chaque mot fomente
un attentat ou bien une vague ?

Laisse sur la grève, rêves et sanies,
vaisseaux, voiles, cartilages,
clous, semences et le sable brûlé
du sel intraduisible.

Pourtant il faut bien commencer
par l’étrange brûlure d’un langage.

Tressé d’algues, de méduses
d’épines et d’urticants pour
irriguer le flot de la mémoire
si vaste de l’oubli.







Art mineur : vingt deuxième forage

Internet, Sargasses tristes

Il semble que la poésie française contemporaine fonctionne en permanence sur le schéma manichéen de la querelle des anciens et des modernes. D’un côté la résistible attraction des valeurs-refuges d’un regain du classicisme ahanant le pensum de ses rimes, de l’autre la déstructuration sans vergogne de la forme et du sens. Les deux produisant le même désastre, celui d’un ennui profond. Il semblerait que se font jour les révolutions nouvelles. A ce tempo le Slam serait la nouvelle recette à la mode, accommodant la poésie à la sauce du Rap des banlieues. Je vais de déception en déception. J’attendais d’Internet que soit ouverte une vaste fenêtre sur le monde et dans ce domaine, ne s’exprime que le salmigondis de toutes les redites, les doublures attiédies de copies, à peine conformes, de la voix dévaluée de leur maître.

J’aurais voulu naviguer dans des mondes étranges, se répondant d’un bout à l’autre de la galaxie, par le travers de leurs propres mystères et je patauge dans le glauque et l’obscur, l’approximatif ou le dérisoire, le vain et la vanité la plus ostentatoire. Comment de tout ce rien allons nous faire un peu ? Par quel bout commencer ?
C’est effrayant de se dire que là j’avais toute liberté, la porte la plus vaste, sur le monde, ouverte et que ce n’était rien, qu’il faut passer sous les fourches caudines de la publication, s’en retourner au Livre et complaire à la férule de quelque publicateur, admirateur des machines à sous de l’écrit. ( Je sais bien que c’est faux, en partie seulement, il reste quelques éditeurs cintrés dans leur comptabilité. Le désir de faire un coup médiatique est plus alléchant que le risque de proposer des voix nouvelles. Je veux dire discordantes dans le concert consensuel fluide et sans vague des banalités.)


Les pseudo-poètes ont réussi cette gageure de désamorcer la poésie, d’en faire un pétard mouillé, dissertant sur les stratifications cigognes du bleu, oui le ciel gisant dans la mare, le cœur transi de l’anamorphose. Tout le monde s’accorde sur cette image du poète rêveur, angélique, désincarné, un drôle d’oiseau en souffrance, dans un monde qui ne peut le comprendre. Ca c’est la faute à Baudelaire, d’autres ont tenté de réparer, Eluard, entre autres, mais l’Education nationale a enfoncé le clou, à force de récitations ahanées sur ce thème albatros « ses ailes de géant l’empêchent de marcher » D’un côté, il piétine son aile de philosophe, de l’autre celle de poète et forcément il tombe sur un bec, ou sur un os, celui de la crédibilité, puisqu’il traîne une « image » une sorte de vecteur de la grippe aviaire qui traverse les frontières, les continents.







Passage d’anomie


Le train aérien que tu as dessiné passe pour l’éternité au-dessus de la ville. On n'apprend pas à vivre, on va dans le même chaos, tout droit et sans limites. Les cartes postales ne décrivent les cahots, ni derrière l’horizon les chutes des planètes.

La mer devait bien celer ses vagues écumantes dans l’ornière du sentier et bouillir les grandes lessives des saisons. Est-ce que tu sommeillais, dans les limbes fragiles des mots, tandis que l’on menait d’effroyables troupeaux vers le centre du vide et la dissolution ?

Tu descends vers le Sud indicible, il faudrait mélanger les neiges océanes, les soies bleues des nuages, les gouaches épaisses du feu, parler des langues dravidiennes pour dire que tu fus toujours là, dans ce temps sans hier, ni demain.

Tout de suite, à jamais, dans l’éblouissante lenteur des choses, avec pour seule urgence, le mimétisme à verse, de la pluie, en soleil.








Art mineur : vingt troisième forage


L’Espace d’absolue Liberté


Puis je devinais, c’est une frustration de l’infini qui ne peut s’exprimer que par la démesure du poème, l’espace sans limite, l’absolue liberté. Il ne souffre nulle entrave dans son déferlement, nulle sonorité dans son silence, mais en même temps s’emplit des discordances, s’agrège de violentes distorsions, résiste à toutes les torsions et projette l’évidence sereine de son harmonie, sans qu’on ne puisse y trouver raison qui vaille ni ne tienne, comment expliquer cette bouffée d’Absolu ?

Je ne crois pas à cette fiction du travail remis sur le métier, ainsi que ce pensum de l’attente de la venue de l’Esprit sur la page blanche, qui nimberait soudain le poète de l’aura féerique ou bien maléfique de la création ; Ni que le poète soit subordonné à cette entrée en transe d’une vague extérieure de l’illumination frénétique. Il y a autre chose… Je suis certain que le poète sait ce qu'il fait, du moins il sait de quoi il retourne et ce n’est pas de l’ordre de l’immanence, mais de ce qu’il recèle en lui, entrant en résonance avec l’Infini. Ecrire, ce n’est donc pas ce qui le retranche, même au plus profond de sa solitude, mais bien ce qui acquiesce en lui de se savoir être au monde, même se refusant, même le refusant.

Je ne crois à ce désir humain surhumain de vouloir s’extirper de cette mortelle condition et de s’élever gonflé de l’hélium des mots au-dessus des « miasmes morbides » Je ne crois pas devoir renoncer à quelque utopie, ni pouvoir rejeter les affres du réel. J’écrirais à tout prendre et jamais ne plier. Je n’écris pas pour « me souvenir que j’existe » La poésie n’est pas une retenue de soi dans les cascades blanches de l’effroyable oubli alzheimerien. Je ne passe pas ma vie à sonder les humeurs du monde afin de m’emplir du philtre noir des mélancolies, préférant l’ambroisie des chants arpenteurs des lumières du monde et l’intense jubilation de dire. Il faut cesser de prêter allégeance aux mots, au Verbe, il faut les tordre, les essorer comme les linges au soleil. J’écris donc je suis, avec un supplément démesuré d’air pur. Ce n’est pas d’écrire que je suis, mais parce qu’a travers l’écrit, je sais m’être au monde, j’étrécis la distance.








Traversée



Je m’arrêtais, écoutant le bruit que fait la nuit mouillée de chrysalides, afin de défaire le jour, le nouant de soies et de chenilles, déjà éblouissement d’éphémères dans la distance.

Sur la page le sens désagrégé de ce qui fut parole que rien ne retenait qu’une oscillation très lente entre deux rives du sommeil. Faut-il que tu deviennes ? rivage ensablé cependant...

Le mirage d’une île au centre de la mort que chaque seconde écarte et rapproche en même temps. Quelque secret enfoui, les œufs fossiles retiennent des ailes atrophiées, ce qui fut du vol, le secret voyage inassouvi.

Là, traversée aimantée, tendue devant la mer des légendes, la nef de transparence, toujours dans et au-dessus des sombres vagues diluviennes, se métamorphose jusque dans les formes les plus profondes de la chute.

D’où s’évade au fond, entre les mailles la lumière fragile, déjà demain, merveilleux et terrible.






Art mineur : vingt quatrième forage


Bains d’orages


Nous nous sommes retirés dans La parole, ainsi que l’on rentre dans les nervures de chez-soi qui n’est pas un lieu cette fois, mais les flocules de l’attente. Je n’ai pas hiverné dans les étoupes du soleil lacéré par les griffes du doute. J’attendais de devenir propice au temps qui refusait de battre sa démesure. C’est que Dire revient à façonner dans les mots, la forme même du Temps, desquels naissent simultanément Le temps et Le verbe. Même le vide possède épaisseur, squame, derme, tentative de nommer les strates de silence qui le composent, sans détruire ses sédiments de poussière. Il ne s’agit plus de compréhension, mais de concordance et d’harmonie, de s’accorder, sans rompre, en ce qui converge et diverge en même temps. Ce que propose l’écriture poétique n’est ni de l’ordre du divin ni de celui de la féerie, mais participe d’un réel exorbitant, non parce qu’il l’excède, mais le sublime, c’est à dire se prend à toutes ses dimensions, arpente le sordide, s’exfolie dans les nues, baigne dans la jouvence, crache pour l’ébrouer dans le venin des sénescences et du conforme, toujours s’accorde- se refuse.


Ce qui passe à travers le langage de l’écrit.


Ce n’est pas la langue qui force un passage vers le sens ou son absence supposée, elle sert à forer le réel et toutes les chambres résonantes qui lui sont contiguës. Le poète ne part de la parole que comme outil indocile, celui qui lui permet de creuser les possibilités d’exprimer ses vues sur le monde. Si elles demeurent parfois obscures, c’est qu’elles passent à travers les prismes mouvants du réel. Le langage est une nuée de molécules bruissant en soi-même, non quelque véhicule que l’on prendrait en marche pour y inscrire ses propres glyphes. Je dirais que cette langue poétique existe en une dimension chromosomique du poète, dans une centrifugeuse où sont malaxés et parfois s’interpénètrent, s’incarnent rêves et réalités.













Bleu domine



Navires sur les docks, déjà très loin en soi, déplaçant l’être dans le lieu et la métamorphose figée dans l’immobile. Une nuit commencée depuis le premier jour.

Patience aux lisières, les îles assemblent le sable unissant l’océan aux franges d’archipel. Saisis, contre vents et contraires, ce qui brise et s’avance.

Le chemin n’a pas changé. Il va, sans se laisser démonter. Distance façonnée par le vent l’écume et les mousses d’une même dentelle de poussière.

L’avenir le passé, le présent infini, l’éclat fracturé d’une lampe vacillante attardée sur le seuil, la vie le gemme la durée, déliant la lumière endormie dans la pierre.







Art mineur : vingt cinquième forage



Réfractaire, qu’est-ce qui rapproche plus de la terre inerte et versatile que l’alliance muette du refus et la détermination indocile du silence. Peut-être que la poésie se tient là, juste avant que l’on ne puisse que taire, se serrer, s’enserrer dans la nuit ample des vêtements, tenter de se couvrir par l’ensevelissement de l’oubli passager, d’occulter un instant le cauchemar de la vérité. Atteindre une acuité qui exhorbite l’instant, le fait entrer dans la commune compréhension que ces mots disent une vérité qui brise à la fois la solitude, [le cauchemar nie les faits], et la remplit d’autres ombres qui rien ne peut dissiper. La parole poétique compose aussi bien l’espace du Requiem que celui du Réquisitoire s’il le faut.


Disant cela, je n’ai rien abandonné d’une image romantique de la poésie, puisque je l’ai toujours violemment voulue confrontation avec le réel parfois sordide et non pas située dans les nuées, les spores et les poudres que produisent les âmes lorsqu’elles se pâment dans la volupté de leurs propres écrits. Je ne formule pas une vue de l’esprit, je veux rendre compte et peut-être que la poésie est le langage le plus proche, dans sa globalité, de ce qu’il tente de décrire.





Si demain fait jour entre les palissades.



Je suis en moi chaque mot meuble, mobile et essor
la terre qui fonce jusqu’au remblai des vagues-lierres
et toi qui fut polder confusion entre sable et éternité.
ce serait solitude, si n’était au seuil nulle traversée.
J’amenuise le vide, je peux le nommer, traduire
les formes inconcevables proches et lointaines du rien,
les serrer en quelques lignes d’interminable visibilité:

Ce n’était rien que cela, les circonstances d'Absolu,
une construction de l’histoire, échafaudage humain
compilation de noms enserrés dans la comptabilité.
Une pierre sans identité emmurée dans le mur établi
sur les contingences du vent versatile des saisons.

La route, même la route fut disparition, vapeurs
trains dispersés par la brume chimique, poudroiement.
Résorption absorbée par des paysages démembrés.
Ce n’étaient pas des lieux mais les poulpes de l'encre,
orages lointains qu’infusait l’apparence d’une ténèbre
sans contusions crachant les bulles de soleils factices
dans les ruelles peintes des villes déliées des rumeurs.
Des humeurs, des fièvres, vers lesquelles se glissent
lentement cortèges chamarrés entre les rives des maisons
l’eau des musiques de fêtes venue de mondes inaccessibles,
se mouvant derrière le trompe-l’œil acéré des barrières.

Tant de lumières préparaient la nuit insondable,
ses paliers et ses marches vers le puits decrescendo,
devenue gouffre, tombeau d’exérèse et il n’y eut
ni avant ni après et rien qui fut ni ne demeure
de ce temps suspendu dans lequel on ne voit rien,
comme si il était possible d’escamoter tout un peuple,
le rendre à l’invisibilité affirmant puisque cela arrange

« tout le monde »


que « ces gens » n’ont finalement jamais existés.
Peut-être que le paroxysme du mensonge adoube
celui qui le profère d’une aura de vérité immédiate
tant qu’elle demeure invérifiable et surtout
humainement impensable, sauf à considérer que la folie
puisse organiser une mathématique imparable
de la destruction, génère une arithmétique des maux,
projète, légifère, programme, planifie, met en œuvre
son véritable dessein annoncé, "éradiquer le mal",
ce qui fut, paraissait, semblait dissemblance
ou pouvait devenir menace d’aller vers l’inconnu
ébranlant les piliers, ce qui n’est solide par absence
refus de confronter ses propres vérités à l’aune
de toutes celles des autres.

Ce qui résiste au fond n’est pas ce qui se ferme
mais ce qui s’ouvre aussi bien parole ou le fruit.

J’étais là, au beau milieu terrifiant de l’Histoire
désaccouplée de ses tenants, aboutissant
éparpillé au fond d’un cul-de-sac d’ossements
illuminé des mille chandelles symbolisant la vie
disparue en allée laminée essaimée rassemblée
dans les branches entremêlées mouvantes du feu.
Tisonnant le chardon de quelques mots précaires.






Art mineur : vingt sixième forage


Souvent il m’apparaît que derrière les grandes gesticulations d’apparence désordonnées du visible se cristallise un noyau extrêmement dur qui déplace les halos de la lumière vers la périphérie où il fomente des émeutes flamboyantes afin d’entretenir une terreur le plus loin possible, sur la zone des marges, les confins. Nulle raison obscure, seulement la présomption d‘un règne possible, par exérèse de ce qui pourrait s’assembler et contrarier le cours paisible des spéculations. Voilà notre Royaume, rien n’a changé, sinon que l’on y régresse désormais, par délitement, tandis que nous disent ceux qui l’ont dépecé : « Ce pays est exsangue, il vous appartient que nous puissions ensemble le régénérer. » Courage et abnégation pour relancer le cycle de leur prospérité. Voici de quoi nous pourrions aussi parler dans l’écriture poétique, sans s’y enfermer et l’acte de cette parole étayerait des convictions et non plus des suppositions.


A quoi bon une poésie du fatalisme et de la résignation qui renoncerait, dès les premières suspicions qu’il faudra une lutte de longue haleine, afin d’imposer sa propre version à la fois d’une manière d’appréhender l’art de vivre et sa transcription qui semble forcément apocryphe, puisqu’elle diffère. Lorsqu’il y a dissonance de l’écrit, c’est que les mots ne sont pas employés à dessein, qu’ils tombent sans conviction dans le vide, puisqu’ils ne sont pas portés par la force d’une pertinence. Ce ne sont pas les fruits détachés d’une manne céleste, mais le saisissement d’une soudaine et passagère éclaircie ouvrant un pan plus vaste du paysage et ce que l’on voit de soi-même, repoussant les limites réelles ou supposées.





Les villes provisoires


Voici encore des chantiers, on démonte le meccano des grues, du faîte jusqu’au pied. La ville neuve est prête et bourrée d’alvéoles de nuits et de matins vomissant l’avenir.

La maison était faite d’une colline de carte postale, d’eau souterraine et de gestes très anciens, puisés dans le temps. Le regard des chiens presse les troupeaux plus vite que le feu, juste avant le point de rupture, l’éparpillement des éclats.

Avant la ville il y avait ondulations, sédiments et nasses, abandon. L’architecture d’un non lieu. Puis la verticalité sans nom, comment tomber dans les hauteurs du vide sans issue, n’en rien dire.

Tous ces gens qui passaient refusant de passer, à qui l’on disait « Allez passez ! Passez avec vos révoltes stériles, vos mains vides, vous ne comprenez rien. » Et qui pourtant savaient.


« Lorsque le provisoire dure le temps de la vie d’un homme, il est pour cet homme le définitif... »

(Albert Camus)





Art mineur : vingt septième forage


Se dessiller plus encore qu’échancrer, disant cela je ne suis pas hors de la langue, du langage, de l’écrit, des arborescences liées entre elles et non une végétation hors moi, coupée de ses racines, qui par une ultime poussée de sève, une convulsion des terminaisons nerveuses, s’agiterait en un dernier frisson du vivant. Je n’ai rien séparé. Il ne s’agit de scission ou de dichotomie, chaque phrase est vivante de sa propre autonomie, sans qu’elle ne soit un repli autarcique en sa seule économie. Plus d‘une fois je fus tenté de dire j’écris un unique poème, protéiforme, prenant ses formes dans l’air fluctuant du temps, mêlant ce qu’il me semble être, ce que j’imagine et ce que peut-être je suis.


Ce temps questionné suit ou précède l’écriture et parfois s’inscrit dans les failles de son absence. Puis, l’action d’écrire relègue toute interrogation, puisque chaque mot avancé dissipe, dans cet instant mis en oeuvre, le doute. Le monde est là, en moi et à mes côtés, que j’interpelle toutes fenêtres ouvertes. Je suis à demeure dans cette défenestration du moi et son enrôlement consenti dans les contingences du vaste, le risque et le désir de s’y perdre. Non pas la perdition d’un naufrage, mais la confuse liesse d’avoir franchi le palier inversé d’une hauteur souterraine. Non pas l’échappée belle à travers les mailles de l’onirisme des scories, des fumées, les échafaudages d’un château en Espagne. J’appartiens à la réalité de ce que j’écris.








Que la clarté ne puisse naître que de l’ombre


laissez venir à moi Images usées jusqu’à la corde, les évidences, avant qu’elles ne coulent dans un lieu d’aphonie. Ce lieu lui même s’il fut tel que d’en moi je voyais la lande hémophile veinée d'érythrocytes ruisselantes, parcourue hérissée de coquelicots mouillés si tu veux, ou bien en indéfinition calque des lœss en noir et blanc.

Parfois l’on ramasse une pierre qui contiendrait tout ce sens d’avoir été là, temps, corps, esprit, fuite des nuages, vents emmurés dans le granule du silice ou dans la conque les chants le bruit des rames dans la nuit des vagues une parcelle de soleil.

Il faut se garder des pierres pour se souvenir et de l’ambiguïté des mots.

Je raconte une histoire depuis le premier jour. C’est toujours la même avec un peu plus de lenteur. A la fin je ne sais plus si ce que j’ai voulu dire ressemble plus à un froissement d’élytres ; l’arc-en-ciel d’un paon, le bruit d’une forge. Puis s’assemblent dans le prisme les formes du sens, même si parfois elles ressemblent à l’entropie, l’abandon.

L’Exil.







Art mineur : vingt huitième forage


Au mot inspiration j’ai toujours préféré celui de respiration et bien plus encore que cet échange dans les alvéoles pulmonaires, de conscience de l’écrit, même lorsque la forme, mouvante, paraît l’égarer jusqu’à l’écartèlement, la confusion. Le poème prend langue d’un point de combustion, le bois ou le silex même du plus vague sentiment, l’idée la plus incertaine. Il ne vient pas d’une génération spontanée, d’un embrassement soudain des nues, mais il formule le vivant. Parfois sous l’étagement de strates complexes, parfois dans une lumineuse simplicité qui ne tiennent pas à la longueur du texte, mais à la résonance qu’il rencontre, surtout lorsqu’il dénoue la complexité jusqu’à la faire devenir lumineuse évidence. Mais, il n’y a pas de règle, les mots ne différent pas de la peinture, ne portent ni plus ni moins « d’évènements » qui ne se puissent interpréter. Le « matériau » permet une relecture, un acquiescement qui diffère ou bien se refuse. S’il se solidifie dans l’immuable, que se perd sa capacité d’étonnement, il n’est plus que lettre morte.


Cer « étonnement » prend ici des connotations sidérales, considération à la fois d’être « tenu » et emporté par et vers des possibles in entraperçus auparavant, une sorte non pas de démesure, mais de plénitude d’être en et de cette lecture, en quelque sorte apparié ou bien approprié, incorporé à cette médiation consentie entre le Verbe, l’Esprit, le corps résonné. Je dis l’archet d’une main lorsqu’elle se tend et dessine les mots tels qu’ils vibrent de s’accorder, au-delà même de ce qui paraissait irréalisable aux jours les plus incertains.








Art mineur



C’est le matin indécis à la fenêtre qui décida du sort qui t’échut d’être pour toujours l’arpenteur d’un clair-obscur inachevé. La foudre parcheminait des tanins violents de l’oracle les viscères de l’aube. Nous sommes l’alliage dispersé des éclaircies, pris entre l’eau et le feu confondus, le dur degré de fusion d’alliances impossibles.

Cette porte ne fut jamais close, à quelle chimère aurais-je pu enserrer la saison pour qu’elle exulte d’un printemps perpétuel auquel elle n’était pas tenue. le chant éphémère du rossignol délie du gel les fontaines. La froide rivière dans laquelle je baignais mon visage ne reconnut ni mes mains ni mes yeux.

Avait-elle changé sa trajectoire, comète ignorante des métamorphoses, des desquamations muettes, des mues à contre-jour derrière les persiennes météoriques du temps. Ou bien sans le savoir étais-je devenu autre ? Quoi que dise, quoi que fige, mutant comme escargot, laissant une traîne bleuissante de bave, crachat fluorescent d’étoile filante et de mots.

Moi emmuré, globules lémuriennes, hagardes se regardant contempler le vide ô combien profond, qu’en creusant j’approfondis. Art mineur, sépulcre du poète tissé de trous de bas en haut, à tort et travers, de galeries déboisées et de coups de grisou, probable vin de chaumes, robe transparente des layons qui mènent par ivresse, à d’illusoires faites et s’achèvent dans les limbes des lies.








Art mineur : vingt neuvième forage


Mémoire de l’instant, passée du seuil du lisible à la maison de transparence, sans plus de lecture qu’une marche où s’avancent les pièces, l’ombre mouvante sur les rideaux détirés, les fenêtres et le ciel en-dedans qui verse ses strophes de lumière traversée. J’appréhende, je veux dire écrire est une préhension bien avant d’être une compréhension d’articulations du mouvement ou du langage. Dépecer le poème n’explique ni le vol ni ne présume de la chute. Ainsi j’entreprends de dire résonance
et vibration dans lesquels Être précipite. Ainsi qu’on accompagne, sans en connaître la partition, murmurant entre les lèvres, le rythme d’un air entêtant, un air de rencontres.


L’architecte invite les géométries variables des formes, des puits pour capter la lumière, des espaces modulables selon l’instant, les saisons, l’empathie du soleil. Son seul véritable cahier des charges, c’est que la maison tienne debout. Je parle bien sûr de l’architecture du poème, ses propres segments, ses hypoténuses, les dentelles aériennes qui maintiennent la clef de voûte, sans l’appui de détours vers des structures inchangées, modélisant une fois pour toute le mouvant dans les anamorphoses des hautes tours d’une sclérosante citadelle.


Je dis qu’il faut des failles, des brèches de silence, des redites, des scories, des lésions, déperditions de termes en fuite d’un contexte, ou bien excédant pour se prendre aux mots. [Moi E-perdu aussi bien roulant vers d’autres catachrèses, cœurs irrigués, mis là dans les thorax acides des battues. Effluents des racines, mots-neurones, songes, alluvions tandis que Je m’irrigue, deviens pulsations, résurgences, se tend, le fil de moi-même menant aux deux extrémités sans fin. Ne sais où commence ce qui se termine, etc.… Et l’inverse.]








Capillairies



… je voulais dire capillaires, frissons, adiantes, cheveux-de-Vénus, des gisements d’infimes mouvements, froissements de la laine sur l’eau, rêches copeaux du savon de Marseille, la mécanique des fluides, le soleil effervescent qui se lève, est-ce nous cette chute lumineuse, cette lente dystrophie de vivre, l’illusion ?

J’écoute les épluchures des dichotomies tombant dans l’évier et les nouvelles d’Outre-mer, les rumeurs de la rue qu’emporte le vent dans ses vibrations d'alumine et de tôles chiffonnées. Une conversation à l’arrache pour la beauté du geste, grand froid, grande sueur, mortiers et moellons pour monter les murs, le toit assembler.

Tu sais, le cerf-volant retient le ciel, peut-être même le constitue et le contient.







Art mineur : trentième forage



J’écrivais le soir, cet instant ou les arbres s’enfoncent dans la glaise nocturne des ocres des sépias. La souplesse liquide des feuilles retournées dans le feu, d’humides naissances de lumières aphones au creux des ombres limoneuses. Quelquefois, précipité d’averse, jaillissait la clarté embuée d’étincelles que la nuit enfouissait dans le puits minéral des grands fonds, les fougères fossiles des mots, l’huile, le carbone, les lampes. Sans doute le désir au cœur du labyrinthe. J’écarte l’étoffe, ce pourrait être le velours d’une pluie, la rumeur mouvante d’une onde enserrée dans ses plis. Parfois le vent, ou ce sont les orgues des phonolites ?



On s’en venait, on, moi peut-être toi également par des traverses, au plus vite bousculer toute contradiction monumentale, par échafaudages et collages à chaud d’escaliers et volutes miscibles dans l’instant violet violent, fracture de la cosse des mots qui semblaient contenir plus de sens sous l’écorce qu’elle n’en pouvait tenir apothéose et succinctement alimenter le feu, lymphes et phonèmes, syntagmes et chants de polysémie artérielle, bouillonnements et fractures de fluides étymons. Couleuvres ou saumons, à travers les échelles et toute Grande Geste de frayer passage nécessaire, sans qu’il ne soit besoin, à cet instant de comprendre ce qui traverse et ce qui est traversé.

Tout, rien de même, sans faute de vouloir un en l’autre, allant au-delà, plus loin encore, ouvrant toute démesure.






Nulle preuve



Mais, toute vérité, puisqu’il neige, se couvre d’illusion. Quelle trace, ce que tu viens à peine de dire ? Quelque scorie oubliée, ajoutant son poids d’ombre, en celle ci, tisserait enfin, une lumière plus vaste à l’oubli.

Nulle preuve cependant.

Un rêve qui lui-même fut semblance d’avoir été. Ou peut-être, puisque tu doutes même des mirages, impression d’être passé là. Ne répond que la rumeur des silences.

Tu serais une vague, lierre de sel, dissoute, branche élaguée de sa généalogie précaire, une langue incertaine de gel, d’érosion, ou quelque mauvaise planche jetée sur la boue des sentiers à venir.

Mauvaise graine, mauvais vin. Si mau dite, vie mal venue qui nous lie, même si rien n’est lisible dans le dénuement. Sans pouvoir dénouer quels sens, enroulent glyphes déroulent leurs hiers, accordent et dénient, langues mortes et saisons.

Parce qu’en nous, demain assemble déchire et diverge.








Art mineur : trente et unième forage

La forme du fond

Je ne me souviens pas d’avoir un jour été tenté d’écrire en alexandrins, ni ne m’être approché des structures de la poésie dite « classique » avec tout son décorum, ce pensum des rimes. La poésie est comme l’air, l’eau ou le feu, chose naturelle. Une musique tsigane naissant des vibrations sauvages de l’âme qu’on pourrait nommer le vent ou bien "la liberté?", une liberté toujours prête à rompre, provisoire, exigeante.

J’eus, cependant par quelque lubie passagère, une faiblesse pour l’allitération, non pas celle d’Hugo, grossièrement forgée dans l’airain des mots, emplis de circonvolutions de serpents et de tours Magnes, mais les vertigineux poudroiements de neiges et de poussières du moyen-âge. Puis, je m’en fus vers les territoires ladres et dissonants, d'une écriture déstructurée, plus proche du réel, très éloignée d’une formulation magique dans laquelle se puiserait, s’épuiserait en même temps « la beauté »

Je mêle ici ce qu’il me plait de lire, ce que j’en peux dire et écrire, ce qui me déplait de lire et ce que j’en veux verser de mots, dans le miroir inverse, puisque l’on ne dit pas dans le vide, en apesanteur, mais dans la confrontation permanente de ce « tout » le plus souvent fragmenté qui est énoncé, diffracté jusqu’au silence. Je penche (sans tomber) pour une poésie d’équilibriste, entre la splendeur du néant et les froides hauteurs, un mince fil tendu entre la vanité des absolus.


Parfois et c’est privilège, l’écriture rencontre en « l’autre » un écho. J’imagine du fond d’une solitude « ce passant » égaré à travers les écueils d’un moteur de recherche, le bruit sourd d’un navire qui glisserait dans la brume, sans destination et toucherait une terre étrange à la fois connue et inconnue et la dévoilerait toute entière dans son âpre et lumineuse vérité.


Bravo, vous avez terminé!!!

.  | index










 
poezii poezii poezii poezii poezii poezii
poezii
poezii La maison de la litérature poezii
poezii
poezii  Recherche  Agonia.Net  

La reproduction de tout text appartenant au portal sans notre permission est strictement interdite.
Copyright 1999-2003. Agonia.Net

E-mail | Politique de publication et confidetialité

Top Site-uri Cultura - Join the Cultural Topsites! .