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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2018-01-23 | | Elle dort ma petite sœur dans son lit tout blanc. Elle, si petite, à peine cinq semaines et elle s’est endormie pour l’éternité le 2 mars 1959, la journée même du 43e anniversaire de ma mère. Cette dernière avait accouché de son 11e enfant le 23 janvier 59 après un repos bien mérité de sept ans. En effet, son dernier accouchement remontait au 29 février 1952 où notre sœur cadette était née. Grossesse pénible et à risque, mais dans les années 50, la pilule anticonceptionnelle n’existait pas et, de toute façon, dans ces temps de grande noirceur où la vie quotidienne était dictée par le curé et la religion, il aurait été impensable d’empêcher la famille, ce qui aurait été une grave faute : un péché mortel ! Enfin, autre temps, autre mœurs. Me croiriez-vous, si je vous disais que de tous mes frères et sœurs, c’est l’être qui m’a le plus marqué, influencé. Pourtant, cinq semaines de vie, c’est si bref et éphémère mais c’est ce qui s’est passé. Lucie a été la première personne que j’ai pu « voir » avec mes yeux car je portais mes premières lunettes depuis peu. C’est elle qui me dévoila les mystères de la vie et de la mort. En effet, à dix ans, je ne savais même pas que ma mère était enceinte et qu’elle attendait un bébé. C’est incroyable, n’est-ce pas ? C’est notre institutrice de l’époque, Laurette Rodrigue, la sœur aînée de ma belle-sœur Agathe, qui m’avait appris la nouvelle car un peu avant que ma mère donne naissance à notre petite dernière de la famille, elle nous avait fait prier en classe afin que notre mère ait un accouchement facile. J’avais vu que ma mère engraissait à vue d’œil mais je n’avais pas fait le lien entre son embonpoint et sa grossesse ! (rires) Quelle ignorance avais-je des choses de la vie !? Puis la petite Lucie fit irruption subitement dans notre vie. Ce petit être nous apportait tellement de joie et pour ma sœur Francine, ce fut un cadeau et une grâce car ma mère l’obligea à arrêter l’école pour s’occuper du nouveau-né. Une grâce et une délivrance pour elle qui détestait au centuple l’école et les études ! C’est mon frère Denis qui fut choisi comme parrain et Francine, sa marraine. Je me rappelle que je m’approchais de son petit lit et quand elle pleurait, je mettais mes mains au-dessus de sa tête et aussitôt, elle s’arrêtait de pleurer et elle s’endormait presque immédiatement. Vint dans les semaines qui suivirent cette épidémie de grippe sévère. La personne la plus affectée de la famille fut ma jeune sœur Odette qui n’avait que 7 ans et qui était à l’article de la mort. Je crois que sa température oscillait entre les 104-106 degrés Fahrenheit !!! Lorsque Lucie attrapa elle aussi cette grippe, on fit venir le docteur qui lui administra une piqûre de pénicilline. Elle ne survécut pas, peut-être, était-elle allergique à la pénicilline comme on le découvrira plus tard pour moi. Il me semble voir encore défiler devant sa tombe dans le salon de notre maison toutes les gens venues la voir une dernière fois. Puis, le jour de l’enterrement, je n’avais pas arrêté de pleurer. Non, je n’ai jamais pu oublier ce petit ange trop tôt envolé et toute ma vie j’ai essayé de la retrouver dans la peau de d’autres personnes que je croisais. Ma première blonde se nommait Lucie, même mon épouse s’appelle Lucille, c’est-à -dire, « petite Lucie ». J’essayais sans cesse de ressusciter son visage, sa présence. Je la sens toujours présente mais je suis incapable d’y apposer une image. Plus de cinquante années plus tard, j’écrivis ce poème en son honneur. Peine perdue, Lucie est toujours présente en moi et elle dort sur mon cœur. Tu dors, petite sœur ? Tu dors, petite sœur ? Toi qui roupilles paisiblement et de tout ton saoul Dans cet étrange et intrigant lit ouaté Je vois un couple d’hirondelles Déposer ton âme sur un perchoir d’ivoire Tu dors, petit ange ? Tu rayonnes comme l’arc-en-ciel en plein ciel On dit que là -haut dans ton éden azuré Personne ne meurt, ni ne souffre Et que tout est silence et beauté Tout est blancheur et pureté Comme une nuée d’oies blanches en mai Une volée de bruants des neiges en décembre Tu dors, petite fée ? Est-ce bien vrai tout ce que l’on dit De ton paradis doré ? Que tout est somptuosité et éternité Tout est tendresse et douceur Comme le sourire de la personne aimée Le baiser de l’être aimé ? Tu dors, petite dame ? Toi qui roupilles paisiblement et de tout ton saoul Emmitouflée dans ce cercueil blanc Moi qui me réjouis de te savoir heureuse là -haut Parmi la parade des oiseaux La danse des anges La valse des étoiles Et les levers de lune… Tu dors, petite sœur ? |
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