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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2012-06-24 | | Avant-propos Biochimiste, à travers l'urine, le sang et les biopsies, j’ai analysé cet espace du vivant, là même où la biodiversité et la différence pouvaient s’épandre dans le vide, s’étendre et s’exprimer dans toutes les nuances des formes et des couleurs. En ma qualité de psychothérapeute, j’ai vu de mes propres yeux, les cicatrices se refermer sur les plaies, en cet espace laissé libre pour que les blessures se pensent pour se panser, et pour que les plaies d’hier y fleurissent en lendemains féconds. J’ai observé ces zones de réconciliation qui sans le moindre vide seraient restées vides de sens et vides de vie. En cet espace vide, j’ai pu entendre le cri pousser, j’ai vu les larmes couler, les souvenirs revenir et les pardons se donner de par le monde. De même, entre la pression des multiples dieux et la répression des hommes et des religions, comme théologien et philosophe, j’ai contemplé l’absence, discerné le vrai silence et adoré le Verbe, ce logos qui dans les vides épars sème la vie gratuitement et en abondance. Je l’ai vu de mes propres vœux, étendre son amour sur qui voulait bien l’accueillir, car le vide à cueillir est plus nécessaire que le plein de croyances. En tant que plasticien et poète, j’ai considéré de long en large l’espace des toiles et des pages, la profondeur des traits, l’absence ou la surcharge de matière et de mots. En vain, car le vide est un art difficile ! Entre vide et plein, j’ai travaillé avec maladresse et retravaillé la matière et les textes, non pas par le vide de Parménide, mais par celui des peintres orientaux. " Ce vide qui participe du nouménal" et qui " est le fondement même de l'ontologie taoïste " tel que le définie François Cheng (1)de l'Académie. Comme Démocrite, j’ai vu là , le principe de toute chose, car n’en déplaise à Aristote, les Univers ne sont pas des espaces "clos", ils sont au contraire plus nombreux que les étoiles dans l’œil de l’enfant ; mais ils sont aussi des portes ouvertes qu’il nous faut franchir, des fenêtres béantes sur des vides nouveaux, des Mondes où la vacuité va et vient, où les vides se jouent des formes corpusculaires et où les énergies s’amusent de nous et des informations en des vides et des pleins sans nom. Car il y a en chacun de nous un espace qui attend d'être rempli, un Bon Lieu qui aspire à se réaliser, à croître en vide et en bonheur, si nous acceptons de nous vider de nous-mêmes, et de nos idées pensées erronées. C’est comme le blanc de la toile et celui de la feuille de papier, qui attendent d'être peints ou écrits ; c’est tout un potentiel de traits à tirer, de formes et de couleurs à peindre; c’est toute une virtualité de matière explosive, une puissance de vie et de mouvements qui est là dans ce vide béant. Vanité des vanités ! Français, grand et blanc, biochimiste, philosophe ou poète, qu’importent les apparences ! Il y a en moi plus que moi, et en vous plus que vous. En réalité, je ne suis rien de tout cela, rien de mes monstrations et de mes démonstrations, rien de mes expériences et pensées les plus intimes, rien de mes preuves les plus éprouvées et de mes écrits les plus publics, rien de mes œuvres et de leurs expositions, rien de mes représentations sociales et culturelles, et rien c’est encore beaucoup trop ! Qu’elles me remplissent de joie ou d’horreur, c’est toujours trop de pleins, trop d’émotions et trop d’apparences ! C’est quand je ne suis plus rien du tout que je peux enfin m’offrir à tous et m’ouvrir à tout ! C’est quand je suis libre de tout que je peux enfin respirer en profondeur ; c’est quand ne suis plus rien de ce que j’ai acquis, étudié, travaillé, quand je ne suis plus rien de ce que j’ai cru apprendre ou faire, quand je ne suis plus rien, plus que l’ombre de moi-même, en dehors des obscurcissements de l’égoïsme et des vertiges de cet égocentrisme qui donne le tournis, que je suis enfin confronté au vrai vide, hors simulacre, en dehors de l’illusion même d’exister. C’est quand je m’efface à ce point là , à l’ultime pixel, à en devenir transparent, transparent au point d’offrir la chair de ma trame à l’acidité de l’espace-temps, transparent à passer outre, à en perdre la mémoire et les images ; quand de vide en vide, je me dépossède jusqu’à l’âme des choses à en perdre jusqu’à la trace de moi-même, jusqu’aux empreintes les plus gommées du trait, c’est là , là enfin que je suis proche du vide ! (...) L’éloge du vide, c’est la sacralisation de l’espace, c’est le bleu entre le ciel et l’ennui ; c’est le lieu même du souffle, l’abîme à contempler le regard vide, et tout le mystère des solitudes froides à sonder. L’éloge du vide, c’est celui des intervalles, celui qui me permet de te regagner ou de rejoindre le tout autre, c’est celui qui va-et-vient, flux et reflux d’ici et d’ailleurs ; car le vide c’est le réel au-delà de l’illusion, le grand écart entre moins d’apparences et plus de réalité ; le vide c’est le trajet à réaliser, la marche à monter, la porte à franchir…, c’est-à -dire l’espace pour le dégorgement, pour la purification, le ressourcement, tels ces lieux de pèlerinages et de respirations profondes au-dessus d’une montagne, au creux d’une vallée ou au plus évidé d’une cathédrale, c’est-à -dire au cœur du monde ; là où les chœurs chantent à se vider les poumons l’éloge de la vacuité. Les bas-reliefs et les baromètres à mercure en témoignent et le racontent, le vide c’est du gothique et du solide ! Et puis, tout vide comme tout accueil ouvrent des brèches bleues vers des avenirs insoupçonnés. Ainsi, dans la famille ou même dans la vie quotidienne, on s’efface pour laisser la place aux plus jeunes, aux plus rapides ; on s’émerveille de la place qu’ils prennent, comme les gros galets qui se roulent de mers pour laisser la place à l’écume, comme les gros mots qui cèdent volontiers la place à de belles métaphores, ou comme les compléments d’objet concèdent aux sujets toute leur attention, avec l’intention de les vider de leur substance. C’est la vie ! C’est la vie qui se vide pour faire de la place au changement ! C’est le vide qui s’avise, qui nous apprend par sa disponibilité et son accueil qu’il est la vie même, qui s’abandonne à l’espace et au temps, pour se vider de lui-même pour mieux nous remplir de joie et d’espérance. Fauchés en pleine phrase, en plein bonheur…, les poètes et les mots eux-mêmes sont remplacés par quelques contemporains et des néologismes au goût de bacon ; le vide se fonde sur l’extraction et le déblaiement ! Il est tout le contraire des mots de tête et des migraines farineuses ; le contraire du poids et des obstacles, c’est l’ouverture, le dégagement, la légèreté…, c’est le plein air ! Comme ce que je donne au tout-venant, le plein c’est ça que je ne saisirais plus ! C’est l’espace de liberté retrouvé, le lieu des opportunités à venir. Sans vide on ne peut tisser de liens entre les fils de la trame, comme sans espace respectueux de l’autre, on ne peut créer des liens entre le fils et le père. Sans espace vide il n’y a pas de choix possible ! Alors dégagez-vous, détaxez-vous, déshypothéquez-vous, faite de la place, débarrassez-vous de vos éternels clichés, mettez aux vestiaires vos préjugés…, Pour qu’il y ait une « médiation » ; entre les gens, les choses, les images comme les sons, il faut une certaine disposition du cœur, un espace médiatique, tels le vide sur la toile, le blanc sur la photo ou dans le phrasé, ou encore un silence dans l’adagio. Que serait la raison sans caisse de raisonnante, et le génie sans un espace pour la folie ? Que serait la présence sans l’absence et le bruit sans le silence ? Que serait le regard sans le recul, le texte sans l’interligne et les pieds sans les vers ? Le vide c’est la différence qui va et qui vient, parce qu’elle le peut, c’est la différence et la nuance qui rendent tout possible ; tels l’utérus ou la matrice qui se prêtent aux jeux des formes et des gestations les plus improbables. C’est la vie, l’amour, la mort…, où le vide s’étend, s’épand, se propage à la vitesse de la lumière, là où tout semble comme en suspens ! En l’homme et hors de l’homme, c’est l’espace qui permet à la biodiversité d’être et de se disperser ; qui consent à ce que l’âge advienne, à ce que la chair croît, que pousse la plante de pousser, que le cri fende l’air pour atteindre l’oreille, que l’écho se réverbère entre falaises et vallées, pour se jouer des grands espaces panoramiques. Le vide, c’est ce qui permet à la plume encrée de poursuivre sa course, son chemin d’écriture à travers des zones margées, c’est la zone qui permet d’accéder à de nouveaux territoires, entre la totalité de l’intériorité et le tout extérieur ; c’est la vacance comme immobilisée entre la pesanteur et l’apesanteur, car en ces Bons Lieux, la plénitude des vides n’a d’égale que l’intégrité des pleins ! Le vide, ce n’est pas rien du tout, c’est cet espace qui permet le tout ! Comme contenant ou réceptacle, comme aspiration ou comme logement, le vide se fait l’hôte de quelque désir ou de quelque rêve, c’est du vide que peut dépendre l’usage des choses, et c’est le vide qui participe à leur habitation. Si l’éloge du vide se fait aussi approbation de l’effacement, c’est bien parce que derrière les turbulences de la vie, il y a de l’espérance, comme derrière les apparences il y a des nuances et de la transparence. Il faut bien de la place pour la graine en nos ressources. À faire trop le plein, nous épuisons nos ressources et celles de la nature. Car, le fil à plomb en témoigne, l’animal parlant, l’homo erectus n’est pas vertical et pas droit du tout dans ses bottes de primate ! Alors, comment donner une véritable humanité aux maux alors que l’humain n’est pas encore ? Quel espace vide pour que l’homme advienne ? Quelle sollicitude, quelle humilité pour faire le vide, ce qui est un appel pour chacun de nous ! Pas d’expression, pas d’expulsion, pas d’exorcisme sans ce vide du dehors ; pas de soif étanchée ou de faim apaisée sans ce vide du dedans ; là se trouve le passage en l’homme, un Graal communiquant. Et parfois, le désert s’impose au corps comme aux sens, car beaucoup de lieux infréquentés valent mieux que certains lieux infréquentables ! Nu et libre, dans l’absence de tout sauf du vide, l’homme se cherche dans cette distance-là , dans ce néant il se cherche une âme, dans cette rue vide il cherche un homme ; vie et vide respirent ensemble, la vacuité et le principe vital vaquent conjointement. Ne faut-il pas consacrer son vide, louanger son manque, pour rappeler à chacun en quoi le vide est riche, et « rappeler à la vie » ce qui était trop-plein ? Car face aux frustrations quotidiennes, aux faux-semblants et aux faux sentiments de vide dans les mors du stress, aux manques et aux besoins insatisfaits, du matin au soir, on n’arrête pas de le combler cet espace sacré ! C’est comme un vieux réflexe qui serait celui de la survie, une réaction ancestrale qui nous vient des jours trop pleins de nuits. Alors, faute de mieux, on se gave, on se remplit, en se faisant tout « plein » de cadeaux mentaux, affectifs ou matériels, telles cette armada de sucreries et de chocolats, ou cette artillerie de munitions à consommer tout de suite, et puis toute cette imagerie mentale ou physique, qui vient boucher les trous ; ce trop-plein qui vient combler nos trop vides quand on n’a pas le moral du tout. Le vide s’oppose à tous les abus, aux débordements et à toutes les formes d’envahissement et de possession, le vide ne détient rien au sens où il est un don et une ouverture oblative sur le néant. Le vide c’est l’entre-deux sans lequel il n’y aurait que de terribles dualités et d’horribles duels sanguinolents ! C’est la terre du milieu, comme entre la cave et le grenier, les déblaiements (vides greniers) font table rase et nette, à la nouveauté. Une tête, une dictature, un émondement…, le vide est révolutionnaire, il ne faut donc pas le combattre, mais il nous faut le vivre ! Vivre avec, comme il nous faut vivre de manques et d’absences. Il est complètement dépossédé de lui-même ! (...) Tant que les becs et les ongles tentent d’écorcher la réalité; tant qu’on s’efforce de résister au temps qui ride les chairs et à l’espace procustéen qui n’arrête pas d’épandre sa couche; tant que l’on est dans le faire et le vouloir, plus que dans l’être ; tant que l’on s’use dans l’effort et le devoir ;tant que l’on continue à se consumer d’encre et de plume en de vaines graphies ;tant que l’on tente ou que l’on se laisse tenter d’avoir toujours plus, de vouloir plus encore donner forme ou colorer le monde avec nos propres couleurs, de pouvoir davantage ou de savoir à tout prix ; tant que l’on n’accepte pas humblement les évènements et les choses que l’on ne peut pas changer. Tant que l’on fait ou que l’on pense dans l’effervescence et la tension des jours ; tant que l’on manque de cette modestie qui fait voler les feuilles en automne, rire les enfants ou couler l’eau des ruisseaux dans cette simplicité d’une goutte qui perle ; tant que l’on use de stratagèmes pour survivre au manque, en oubliant de puiser plus en profondeur dans notre réserve de silence et de paix ; tant que l’on ne se fait pas tout petit devant les grands mystères de la vie et tout timide face à notre impuissance et à notre inconnaissance… Et tant, et tant, et tant que…, et ainsi de suite jusqu’à l’effacement total, on reste des êtres « possessifs » ! Et l’effacement, c’est tout le contraire de la « possession » ! Si l’effacement du moi, débute avec le « tu », il gomme aussi les « on » et les hontes; il efface les « nous », et continue dans les profondeurs mêmes de la chair et du papier à gommer, de plus en plus profond, jusqu’à la trame de l'être, dans un gommage des idées les plus fixes, des clichés les plus incrustés, des souvenirs les plus douloureux, jusqu’aux pardons les plus conséquents ; jusque dans les images les plus heureuses, dans un oubli qui n’a rien du déni d’exister, rien de la fuite, rien du sacrifice ou de la lâcheté de vivre, mais d’un oubli qui se gomme de lui-même, dans une « dépossession » qui ressemble davantage à un défi de l’être ; dans un effacement des désirs intempestifs du moi, qui commence par ces traits de caractère que l’on gomme peu à peu dans un grand geste libre ; c’est l’effacement progressif des attentes, des mots et gestes réactifs, et celui des demandes que l’on arrête à mi-chemin pour contempler le vide ; c’est le mot que l’on ne prononce pas, la phrase qui jamais ne s’écrira pour laisser place à un silence de cristal. (…) Conclusion (extrait) Et si l’avenir des poètes et des hommes en général se jouait entre deux marges, dans l’entre-deux des rives et des pleins ? L’air de rien, j’aspire à l’air de tout ! Les mamelons de Mammon saturent l’Univers, la planète se meurt et se meut de ses trop-pleins, ils étouffent toute respiration ! Contrairement aux plumes érectées parmi tous les produits de consommation, par solidarité ma plume se met en berne, avec les drapeaux des multiples indignations. Alors, sur ces bons mots, je baisse ma plume au-dessus du papier blanc, et au sommet de la feuille pour non-écrire durablement, je pose les armes devant la flamme éteinte du Bic inconnu. C’est pour moi le sommet de la dernière chance, celui du dernier mot, vu l’état inquiétant des trop-pleins de surconsommation et de lecture. C’est dur ! mais que serait le plaisir d’écrire sans le manque, sans cette page blanche, sans cet entre toi et moi ? Que serait le dehors sans un dedans ? Le lieu de l’entrée sans celui de la sortie ? Que serait le temps sans l’espace du temps, et l’entre-deux sans son trait d’union ? Rien qu’une mort lente ! Alors, à la suite des mystiques d’Orient et d’Occident, je préfère exécuter le grand « Eckart », à travers les vides et le bleu du ciel ; et en définitive, suivant l’inspiration de François Cheng et de ces admirables peintres chinois, j’opte en premier lieu, pour « Ce vide qui participe du nouménal ». Ce vide, qui est juste avant le Ciel, juste avant la Terre ; ce vide qui est aussi juste avant l’homme, car « le rien » n’est pas séparable du « virtuel », le « déjà là » n’est pas dissociable du « pas encore », le « le non-avoir », n’est pas différent de l’être. Dans l’espérance, l’attente et l’espace du vide, tout est et reste accueil, et aux abords de l’accueil, tous horizons confondus, il y a mille possibles encore et encore mille raisons d’espérer. L’Éloge du vide (Extraits) (1) François Cheng, Vide et plein - Le langage pictural chinois (aux éditions du Seuil, Paris, 1979). |
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