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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2008-05-31 | |
L’Etat d’Israël souffle ses soixante bougies, en cette année 2008. En réalité, l’Israël moderne a au moins 110 ans ! Il s’est reconstruit sur sa terre historique dès la fin du 19ème siècle et l’année 1898 peut être considérée comme la date de naissance informelle de l’Etat en gestation, qui ne verra formellement le jour que 50 ans plus tard.
La première implantation juive moderne, Rishon le Tsion (le Premier à Sion) créée par des Juifs de la Russie tsariste, remonte à 1882. Le mouvement d’immigration des juifs d’Europe continue jusqu’à la première guerre mondiale. Il s’amplifie ensuite dans les années 1920-1930, où la Palestine britannique voit arriver des milliers de juifs européens. C’est à cette époque que tout ou presque est créé depuis les conseils municipaux à la centrale syndicale en passant par l’université hébraïque de Jérusalem, le Salon du Livre, l’association des diamantaires de Palestine, la centrale électrique ou les industries de la mer morte. La question de la proclamation d’un « Etat juif » est alors largement débattue parmi les dirigeants sionistes. Seule la prudence politique leur dicte de ne rien faire. Ainsi, à la veille de la deuxième guerre mondiale, avant même la tragédie de la Shoah, tous les éléments constitutifs d’un Etat sont en place. Il est formellement proclamé le 14 mai 1948. Autrement dit, si la Shoah et la fin de la deuxième guerre mondiale ont permis, ou tout au moins ont accéléré, la formalisation des choses par la reconnaissance officielle d’Israël par les Nations Unies, il reste que toutes les structures politiques, économiques, culturelles de l’Etat, existaient avant 1948. 1898 : Année de naissance informelle Dès la fin du 19ème, les juifs de diaspora réfléchissent aux fondements d’un Etat pour le peuple juif. Le terme de sionisme apparaît en 1886. Trois éléments essentiels à l’existence d’une nation et d’un Etat – à savoir un système politique, une terre et une langue – sont au cœur du sionisme naissant. A cet égard, l’année 1898 – soit il y a 110 ans – est une année clé où les juifs, de retour à Sion, se dotent de ces trois éléments. • L’élément politique, des institutions politiques C’est l’élément le plus connu. Le premier congrès sioniste se réunit à Bâle en 1897. Le second, en 1898, parachève la mise en place de structures politiques, qui serviront de laboratoire démocratique aux quelques 300 délégués sionistes issus d’une dizaine de pays. A propos du Congrès sioniste, Théodore Herzl, un des pères du sionisme politique, écrivait : « J’ai poussé les hommes lentement dans une effervescence nationale et je leur ai inculqué le sentiment qu’ils formaient l’Assemblée nationale. » • L’élément physique, le territoire Si l’aspect territorial est avant tout perçu à travers les guerres qui opposent Israël aux Etats Arabes et aux Palestiniens depuis la Guerre d’Indépendance de 1948 (Nakba pour les Arabes), les juifs acquièrent légalement des terres en Palestine dès le milieu du 19ème siècle. A l’instar des Européens, ils profitent alors de la nouvelle politique du Sultan ottoman autorisant l’achat de terres par des non-musulmans. Les puissances européennes vont construire églises, couvents, écoles et monastères, les Sionistes bâtiront des maisons et même des villages entiers pour les nouveaux immigrants juifs. A cet effet, les Sionistes mettent en place un certain nombre d’institutions. Ils fondent d’abord la Banque Coloniale Juive en 1898, destinée à financer l’achat de terres dans la Palestine ottomane. Ils créent ensuite le KKL (Fonds pour l’existence d’Israël) en 1901. Sa tâche est claire : récolter des dons - même infimes - des juifs du monde entier pour acquérir, lentement mais sûrement, des terres pour le peuple juif, les défricher, les cultiver ou les aménager pour la construction des villages. Le KKL est une idée de Tsvi Shapira, mort en 1898, avant même de voir se réaliser son idée. Lorsque dans les années 30, les Britanniques en charge de la Palestine, commencent à ébaucher un plan de partage entre un Etat juif et un Etat arabe, ils dessinent la frontière le long des terres achetées par le KKL, lesquelles constituent ainsi une sorte de rempart naturel. • L’élément linguistique : la renaissance de l’hébreu « De même que les Juifs ne peuvent être une nation vivante à moins de rentrer dans la patrie de leurs ancêtres, ils ne peuvent être un peuple vivant , à moins de revenir à la langue de leurs ancêtres et de l’utiliser non seulement pour les livres, les choses sacrées ou pour la philosophie, mais également dans la langue quotidienne des grands et des petits, des femmes et des enfants, des jeunes gens et des jeunes filles, pour toutes les choses de la vie, toutes les heures du jour et de la nuit, comme le font tous les peuples, parlant leur propre langue », écrit Eliezer Ben Yehouda dans « La renaissance de l’hébreu ». Ce juif lithuanien arrive en Palestine en 1881 et décide que l’hébreu doit être la seule langue parlée chez lui mais aussi dans les écoles. C’est ainsi qu’il enseigne en hébreu à l’Alliance israélite universelle, où les cours sont théoriquement en français. En 1890, il créé le comité de la langue hébraïque devenu l’Académie de la langue hébraïque en 1953. Et en 1898, il fonde à Jérusalem, le premier réseau d’écoles primaires et de jardins d’enfants en langue hébraïque. Il est encore un peu seul dans ce combat. A l’époque, nombre de sionistes défendent l’usage de l’allemand ou du yiddish. Mais, le premier lycée hébraïque est créé en 1906 à Jaffa. Il est transféré dès 1910 à Tel-Aviv ; c’est le premier bâtiment public de cette nouvelle ville. Tel-Aviv est formellement fondée en 1909 et décide aussitôt que ses réunions municipales seront en hébreu. Dès lors, nombres d’institutions sionistes décident d’adopter l’hébreu comme seule langue officielle, écrite et orale. Parmi elles, il y a notamment deux partis de travailleurs (Hapoel hatsair et Poalei Tsion) ou la banque anglo-palestinienne. Dans l’entre-deux guerres, tout se met en place que ce soit dans les domaines politique, social, économique, culturel, scientifique. Chaque secteur crée ses structures et ses institutions : • des structures politiques : fondation des kibboutz, localités, villes (Tel-Aviv, 1909), partis politiques, conseils municipaux, ... • des structures sociales : centrale syndicale, hôpitaux, association de travailleurs, ... • des structures économiques : parc des expositions à Tel-Aviv, association industrielle du diamant, banques, entreprise de travaux publics, compagnie électrique, industrie de la mer morte, compagnie de thé Wissotzky ... • des structures culturelles : école des Beaux Arts, opéra, théâtre, université (l’université hébraïque de Jérusalem est inaugurée en 1925), salon du livre, ... • des structures scientifiques : le Technion est créé avant la Première Guerre Mondiale ... La ville de Tel-Aviv est le symbole le plus flagrant de l’implantation juive en Palestine dans les années 30. Elle compte 350 âmes en 1911, 46 000 en 1924, 150 000 en 1936. Cette explosion démographique va s’accompagner d’une vague de constructions sans précédent. 4000 immeubles sont construits en l’espace de dix ans dans le ‘Style moderne’ dit aussi ‘Bauhaus’, que les architectes juifs palestiniens ont découvert lors de leurs études en Europe. Ce style qui, dans les villes européennes ne peut s’illustrer qu’en périphérie car les centres villes sont construits depuis des siècles, devient le cœur de Tel-Aviv. C’est cette rencontre historique entre un style nouveau et l’expansion d’une ville nouvelle, qui fait que Tel-Aviv offre une concentration exceptionnellement importante de bâtiments Bauhaus ; c’est à ce titre qu’elle est aujourd’hui inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco. A la base de ce développement démographique, économique, politique et culturel des juifs en Palestine, le sionisme, mouvement nationaliste laïc apparu au 19ème siècle mais qui, en réalité, repose sur une histoire et sur une présence ancienne et permanente des juifs sur leur terre. D’abord, au cours des vingt siècles d’exil, les juifs ont conservé un attachement viscéral à leur terre. Le sionisme est considéré, par certains, comme un mouvement messianique laïc. Ensuite, il y a toujours eu des juifs en Palestine – dans les quatre villes saintes notamment. Enfin, à la veille de la Première guerre mondiale, à Jérusalem, qui constitue le principal centre de population de la Palestine ottomane, les juifs sont majoritaires (65 %) sur les chrétiens (18 %) et les musulmans (17 %). En conclusion, si la tragédie de la Shoah a accéléré la reconnaissance officielle d’Israël par les Nations Unies, il reste que toutes les structures politiques, économiques, culturelles de l’Etat, existaient avant 1948. A défaut de ce vote des Nations Unies le 29 novembre 1947, un Etat d’Israël aurait certainement été créé, un jour ou l’autre. Et si la Shoah a pu avoir un rôle catalyseur dans la création de cet Etat, elle en constitue aussi un handicap, hier comme aujourd’hui. D’abord, elle a amputé de 6 millions d’âmes la démographie juive de cet état en cours de constitution. Et dorénavant, elle menace la légitimité actuelle de son existence. Pour certains, Israël aurait été créé ex-nihilo à un instant ‘t’, pour répondre à la mauvaise conscience européenne. Sans plus. Cet Etat serait donc un accident de l’histoire, que certains souhaiteraient corriger. C’est la conception, qui existe dans le monde arabe et en Iran, mais pas seulement. Loin de là . Et cette idée n’a pas nécessairement de fondement antisémite. D’ailleurs, nombres d’Israéliens - parmi les laïcs - pensent, eux aussi, qu’Israël est né sur les cendres de la Shoah, même si bien sûr ils ne vont pas jusqu’à mettre en doute le bien-fondé de leur existence sur place. Les autorités israéliennes elles-mêmes utilisent la référence à la Shoah sans avoir toujours conscience de l’ambivalence de son impact. A cet égard, la visite à Yad Vashem, le musée de la Shoah à Jérusalem, imposée à tout représentant politique étranger qui se rend officiellement en Israël, est un bon exemple. Cette plongée dans la Shoah, destinée à justifier la nécessité d’un Etat juif, est la seule et unique étape obligatoire et incontournable de toute visite officielle. De là à penser qu’elle est la seule et unique matrice de l’Etat, il n’y a qu’un pas. Et la nouvelle muséographie participe de ce sentiment, puisque au bout d’un long tunnel de salles sombres et austères qui retracent ces années noires, le visiteur débouche dans un vaste espace de lumière ouvert sur la montagne boisée de Jérusalem, symbole de l’espoir et du renouveau du peuple juif, ce que la ville sainte a d’ailleurs toujours été pour les juifs en diaspora. Catherine Dupeyron : journaliste, elle a notamment travaillé pour Le Monde pendant cinq ans. Elle est aujourd’hui correspondante du Parisien et des Echos. Dès son arrivée en Israël, elle a également collaboré à plusieurs journaux chrétiens (La Vie, Témoignage chrétien, Pèlerin, Monde des religions, Réforme) et vient de publier un livre Chrétiens en Terre sainte Disparition ou mutation ? (Albin-Michel, 2007). |
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