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Le Berger de rochers, Editions Clapas, Millau, France
article [ Livre ]
Livre

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par [Djamal ]

2010-05-26  |     | 



Je vous signale la parution du livre de poésies ,"Le Berger de rochers" Editions Clapas, Millau, France.

Le volume a été traduit en français par Nicole Pottier.

Préface:Nicole Pottier et Eugen Evu.

Postface:Angela Nache Mamier.

Editeur Christophe Liron

ISBN: 2-914616-89-9
EAN: 978-2-914616-898



Préface

Berger de rochers”: de la conception à l’infini.
Djamal Mahmoud féconde les mots comme il féconde la femme. Ravi
par l’amour, ébloui par la naissance - ce processus grâce auquel il
réalise pleinement sa mission d’Homme - le poète accomplit sa
mission de créateur, accédant ainsi au rôle de démiurge. Et c’est à
la femme qui accouche, qui donne vie, qui met au monde, la Femme
– épouse et mère - initiatrice de la vie qu’il rend hommage.
„je suis entrée en travail maintenant
je serre les dents et je me tais
(Frénésie)
„mais ton coeur est la cloche
qui bat éternellement m’annonçant
chaque résurrection”… (Lala)
Sa mère est le personnage central de nombreux poèmes, entrant en
symbiose avec la nature, une nature fertile et authentique, qui est
souvent source de nostagie, tel un paradis perdu.
„et lorsque je commence à m’assoupir
il tire l’ombre de maman bien cachée dans ses racines
il me la tend et appelle tous les oiseaux
pour qu’ils chantent jusqu’à ce que je m’endorme dans ses bras…”
(L’ombre)
Plus que le résultat d’un désir, l’enlacement des corps n’étant pas
absent de ces poèmes, la naissance conduit à cet accouchement de
soi-même, qui se transforme peu à peu en une initiation, ponctuée
par la mort à chaque étape de cette croissance nécessaire au
processus de vie.
„dans mon arche gémit une femme en travail
ce n’est pas son premier accouchement et ce ne sera pas son
dernier
(...)
je suis impatient
j’ai hâte qu’elle accouche de moi-même” (L’épitaphe)
„Elle
gémit
gémit en moi tout en me faisant naître” (La naissance)
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Ces étapes de la vie sont autant de rites d’initiation visant à devenir
Homme au plein sens du terme, à réaliser l’oeuvre de Dieu et par làmême
à se rapprocher de l’infini. La mort n’est pas exclue, mais
incluse dans le processus vital, tout comme l’ombre n’est pas en
opposition mais en complémentarité de la lumière, mettant en
relief le paysage et procurant par là-même plus de hauteur et de
profondeur aux textes poétiques.
„ton corps ondule en moi
délicat et innocent
il danse la valse de ma mort
et de la résurrection des eaux mortes” (Tête)
Le poète se promène dans un paysage séculaire chargé d’histoire,
décryptant les formes et les contours de sa géographie particulière.
„tenant en main le barrage érodé
par les rats et par les gens
nous nous heurtons à l’eau restante” (Mareb)
(Evocation de la digue de Marib au Yémen, symbole de l’Arabie
heureuse, ancienne capitale du royaume de Saba).
„dans mes bras
se lève un chevalier arabe
il te récite la peau écrite
en lettres d’or sur le mur de la Mecque” (Duel)
Il s’agit là d’un espace ouvert, où la terre attend l’eau, cet élément
vital qui la féconde, cette eau de la crue qui la nourrit. L’eau,
élément essentiel de la vie, symbole de fécondation, tout comme à
la naissance la femme perd les eaux.
„elle me regarde voilée
on ne voit que ses yeux
comme ceux d’un faucon enchaîné
d’eux s’échappe le désert
en quête de la pluie” (Pont)
Tout au long de ce parcours, entre silence (du désert) et attente (de
l’eau), le poète fait un retour aux origines, se dénudant
complètement, cherchant l’enfant intérieur, éternel visionnaire de
la pureté originelle où le corps n’est que le réceptacle, périssable,
de l’âme éternelle:
„entre mon âme et l’air
il y a un corps
et une camisole de force” (La toile humide)
Le poète se transforme ainsi en un „berger de rochers”.
„comme la majorité des prophètes
je m’imagine en rêve
chaque nuit
…/…
5
…/…
avec des troupeaux de rochers derrière moi
broutant des vagues” (berger de rochers)
Pourtant l’espace infini est offert à chacun de nous, qui naît dans la
liberté de s’écouler sans opposer aucun barrage au cours naturel du
fleuve et sans craindre l’ennui et la vanité du monde.
Pour traduire cet infini, cette liberté intérieure, le poète a recours
à la poésie, tout comme le grand poète roumain Nichita Stanescu,
qui était en quête du mot créateur de mondes, le mot „lumière”:
„Fiat lux !”
„Dieu me manque
je veux le voir juste maintenant
cueillir la lumière de tes battements
d’ailes…” (Timbre)
Pour Djamal Mahmoud, la poésie est cet art qui repose en lui,
attendant d’être fécondé, et c’est lors de cette mise au monde
révélant l’écriture, que le poème l’accouche en tant que poète. A la
gestation de l’un, se superpose la révélation de l’autre. Le cercle
est parfaitement clos. L’Homme se réalise alors au plein sens du
terme, il réalise l’oeuvre de Dieu en se rapprochant de cet infini.
Telle est la mission du poète: dépasser ses ombres particulières,
accomplir la mission humaine et au moyen de la poésie, langage
universel, atteindre Dieu.
„séparé de mon ombre
je quitte les rochers blottis
je sors des murs abrupts” (Le premier cercle)
(Nicole Pottier)



Le berger de rochers ou une hermeneia mondo-mioritique

Je ne sais pas comment sonne la poésie de Djamal Mahmoud en
arabe, mais dans son expression roumaine c’est une poésie vibrante
et imprégnée de culture poétique, intégrant des énoncés
philosophiques. Ce que le poète nous transmet dans un langage
post-moderniste, faisant penser à la revue Echinox de Cluj et
possédant certaines connexions avec l’expérience du lyrisme des
années 2000 et suivantes en Roumanie, provient de la profondeur
stratifiée dans la mémoire culturelle de l’Orient, mais aussi des
assimilations de la «deuxième patrie» comme dirait le critique
Dieter Schlesak. Nichita Stănescu avait également parlé d’une telle
«patrie», dans l’acception de l’humanité unitaire, quand il écrivait
que „ sa patrie est la langue roumaine”... Djamal Mahmoud, comme
tous les poètes du monde actuel, a sa patrie dans le langage
poétique, dans le logos universel.
Le syntagme „ berger de rochers” définit un „ars poetica”
suggestif, commutatif, de la syntaxe dans le discours lyrique de
Djamal, un discours fortement auto-référentiel, d’une personne -
lyrique et morale qui se prononce avec une vigueur imaginative et
un sens esthétisant accentué,- où dans cette poésie pastorale nous
sous entendons une sorte de transhumance de l’homme
contemplatif sur le Mont mythologique, où les rochers peuvent
devenir des troupeaux figés ...
Il est intéressant d’aborder sous l’aspect linguistique le talent qu’il
a d’écrire en roumain, et je serais curieux de savoir en quelle
langue le poète réfléchit (!). Mais c’est peut-être pour cela que nous
ressentons dans son livre un arta compositorum spécial, un „ goût”
parfumé des vers...Dans le laboratoire de ce dictionnaire mental
unique, Djamal Mahmoud réussit de mémorables suspens, parfois
exotiques, à l’oreille du lecteur roumain.
Alors pourquoi cette démarche apparemment surréaliste du berger
d’un „rocher”, représenterait-elle de possibles graphèmes sur des „
tablettes- poèmes” qui se veulent être des codes, paraboles,
allégories d’une personne prophétique?
L’art poétique est „ la poésie pastorale” des idées et des
affects, une „mesure” de la durée spirituelle, trans-moderniste,
agonisante.
Le berger de rochers – ces idées- affects comptent, prennent
des notes, cultivent et développent dans la modernité cette
aptitude visionnaire transcendantale post- sumérienne (...) où par
étrange manière nous retrouvons le mythe carpatique du „ troupeau
figé”, du mioritisme ...Le genre de la ballade n’est pas un genre
prosodique dans son livre mais il est transparent dans la sémiotique
visionnaire....
7
Djamal Mahmoud a une Réflexion Poétique du monde, de l’Humain
et je considère que cette réflexion est également Initiatique: voilà
le sens impérissable de l’écriture - poésie pastorale! La réflexion
poétique - re-créatrice, c’est la patrie intérieure et dans le cas de
la lyrique du syrien ( et pourquoi pas du roumain aussi?) c’est cette
même patrie – Mot-Idée, c’est une allégorie superbe: celle de
retrouver le langage qui unit l’Être selon le stigma élohimique du
« mélange des langues » de Babylone....Peut-être que le langage a
d’abord été le langage primordial , un tronc –bûche de bois
vigoureux, dans lequel l’Arbre de Vie était un Logos magique, et
c’est pourquoi illo tempore, la poésie était incantation, divination
et depuis lors nous avons cette « poésie pastorale » dans l’écriture
littéraire, que les grecs avaient nommée cathartique, à effet
thaumaturgique...
Le poète est herméneutique et ses mots „ paissent” dans les champs
élysées ou en enfer en une Vision qui nous est transférée
nouvellement, qui nous est communiquée magiquement...
Mener paître c’est désenchanter : des rochers pétrifiés revivent sous
la formule mantra du Verbe. La patrie est à la fois Matrie, le Logos
ressuscité et la mythologie roumaine a également un féminin du
Logos: Logostea !
Dans l’Antiquité, les Latins écrivaient „ ubi patria, ubi
bene”...Le syrien possède la patrie syrienne dans son sentiment,
dans les révélations de la dimension poétique de l’existence et le
fait qu’il écrive également dans sa langue d’adoption représente
une expérience utile, bénéfique parce que « être contemporain des
papillons , de Dieu” comme le définit de manière splendide Lucian
Blaga, c’est être tout au long de sa vie, pourtant, grâce à
l’énonciation poétique, dans le Temps continuel du passage et de
l’Eternel Retour, telle une Mémoire en perpétuel devenir.
Il n’est pas question ici de citer mais de laisser le lecteur
recevoir. C’est le livre de la poésie pastorale des rochers, donc de la
méditation sur la Montagne, de la poésie pastorale des pensées dans
les prairies sémantiques…La violence fruste de plusieurs poèmes
n’est autre que la sincérité d’un pathos unique balançant entre Eros
et Thanatos. Différencier l’entité poieion par la langue dans laquelle
elle s’exprime, unitairement humaine, comme écrivait Borges, en
tant qu’Entitate Unica (de fait), serait une erreur : le roumain de
Djamal résonne plus joliment et plus noblement que celui de bien
des poètes roumains!
La stylistique de Djamal Mahmoud contient également un souffle
hiératique- psychédélique, oraculaire, prémonitoire. L’offrande de
la poésie est restituée à la famille, il a le culte de la femme-mère,
femme-amoureuse, de l’union comme acte génésique que les sages
8
et les théosophes en Orient nommaient „ la chair comme tapis de
prière”
Ce volume est construit de manière circulaire, avec un sens aigu de
l’auto critique et il se peut que l’austérité, l’acuité plasticienne du
poète constitue le signe le plus révélateur d’un sentiment qui ne
baisse jamais sous la flamme blanche de sa nature: d’où la
prégnance terrifiante de la révélation, du prophétisme au sens
actuel. Le fait que le poète syrien édite en roumain, qu’il ressent et
embellit, est déjà une joie et un régal du coeur.
Djamal Mahmoud sent et réfléchit sur un mode lyrique le
mouvement de l’esprit créateur et manifeste, surtout quand il écrit
sur l’amour, avec l’empathie d’une âme généreuse, mais aussi grave
et sans hypocrisie. Dans cette sélection mature et critique, j’en
déduis qu’il possède le contour suffisamment clair d’un homme des
Muses, un chevalier de la séduction et d’un fin calligraphe des états
humains fondamentaux. Mais il a surtout les traits d’un Poète ayant
un héritage gigantesque parmi la grande poésie, la poésie arabe. La
fusion avec nos lettres, avec nos arts et notre culture paraît un
greffage des plus heureux, original avec un air de nouveauté
étonnant.
L’itinéraire de cette création est en fait un long chemin vers le Soi,
une redécouverte par soi-même, de la condition humaine. Le
registre préféré est parfois finement ironique, parfois sceptique,
mais le plus souvent sérieux cultivant les mots comme des
semences. Un livre est un séminaire, et le monologue devient
dialogue et transfert de l’émotion, de l’esthétique, et un geste
cathartique. Voilà qui est Djamal Mahmoud, qui a déjà des
admirateurs en Roumanie.
(Eugen Evu)
traduit par Nicole Pottier


Djamal Mahmoud -les étincelles d’une âme rebelle
Notes de lecture
Djamal Mahmoud est un poète original qui utilise une langue
d’étincelles avec une vision humaine qui se nourrit de la
magie de la nature.
Dans chaque poème, l’auteur, d’origine arabe, superpose un
second poème qui n’est autre que celui de la langue. Toute sa
poésie trahit une énergie créatrice contagieuse.
Sa poésie puise sa valeur, sa puissance et sa richesse de
l’intérieur de son âme.
Djamal Mahmoud atteste du point de vue sociologique et
historique une voix qui se suffit à elle-même.
Il chante les pierres, le sable, le désert car il les porte en lui.
Son désert à lui „le berger de pierres”, conserve la profondeur
et la sensibilité de la création actuelle. Le poète s’interroge
d’un poète à l’autre (Gibran, Khayam, Tagore...) pour
retrouver le fil qui nous conduit vers l’individu avant la
société , la création avant l’histoire, la poésie avant le thème
poétique.
Le poète manifeste une voix singulière, la sienne, qui n’obéit
qu’à sa propre nécessité interne, loin de toute imitation, de
toute répétition ou appartenance à l’expression commune.
„Que l’homme soit une pierre”! Cette phrase de Tamîn ibn
Muqbil est l’une des clefs essentielles de la compréhension de
la poésie préislamique.
C’est le repère qui nous permet de voir sa topologie spirituelle
et ses extensions.
Elle signifie que la vie, pour l’esprit arabe, est fragile, facile à
briser- la vie est un „vêtement d’emprunt”,”corrompu par la
mort”,qui „circule dans l’âme”,comme le „soleil circule dans
le ciel”. L’Homme est otage de l’usure aussi vrai que la tombe
est ”la demeure” de l’homme et de la vérité. Il éprouve donc
un certain malheur de vivre, car quelle joie peut éprouver „un
vivant avançant vers sa mort ? ”.
Positivement, sa poésie exprime le désir de vaincre, la
fragilité et la mort.
Djamal Mahmoud écrit sur l’absurdité du monde . Plus il
réfléchit, plus il mesure l’étendue de l’abîme qui l’en sépare.
L’auteur a une certaine soif de perfection qu’il ne peut
atteindre que par la poésie. Il sent qu’il partage avec les
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choses une existence qu’il ne vit que momentanément. Il
éprouve la souffrance mais il ne s’avoue jamais vaincu.
Le poète vit en dehors de lui et en dehors du monde : triste ,
isolé ,il attend ,il s’ennuie, risque, espère triompher du
temps, de la mort et du changement. Il espère devenir pierre.
Cette poésie dramatique est en quête d’issues ou
d’échappatoires. Il n’est pas mû par un mouvement religieux
vers le divin.
Il reste suspendu au sol, quêtant à travers la poésie une
élévation d’un autre genre, une espèce de hauteur terrestre.
Il demeure fidèle à la terre, à la mère, à la femme, au désert,
au sable,aux pierres, à tout ce qui revêt pour lui la
signification du dehors.
Les lieux choisis sont ou attractifs ou angoissants.De ces lieux
viennent toutes les chutes. Ces lieux avec le vent, le sable,
sont circulaires, labyrinthiques cet espace- là où tout est
perte et confusion, errance. Ce lieu est l’endroit d’où à l’abri
on observe avec regret la dissolution et la destruction des
éléments.
Le poète voit la vie solitaire comme le meilleur des
compagnons. Mais le poète parle beaucoup du plaisir du corps,
offre une joie de possession et de perfection qui permet au
poète de goûter au paradis terrestre.
La femme est oasis, eau, beauté entière, symbole de la
fertilité et de la sécurité, de ce qui crée et ressuscite, de ce
qui demeure haut et sublime.Lorsqu’il possède la femme, il
sent qu’il domine la nature elle-même. Pour le poète la
femme recèle une force qui influe sur le corps et l’esprit. On
peut penser à un triomphe de la femme sur l’homme. En
s’approchant de l’amour charnel,le poète connaît une telle
transformation qu’il pense, lui, né de la femme, la créer à son
tour.
Le poète nous introduit dans une dialectique du plaisir et de la
douleur, placée entre renoncement et la possession, entre la
joie et le regret.
Le temps de l’amoureux n’est pas le temps ordinaire. Nul
amour n’existe sans la mort et sans la douleur.
Sa poésie est un témoignage, sans aucune intention de
changer le monde, de le dépasser ou de le recréer
différemment.
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Il s’entretient avec le réel, le décrit, témoigne pour lui. Il
aime l’univers qui l’entoure et tente rarement de voir dans le
réel son au-delà.
Son regard est simple, clair, limpide.
L’univers est un miroir de ses expériences. Le poète dissémine
tout au long de ce recueil, ses instants de vie et souvent ses
vers émanent d’une âme rebelle.
Djamal Mahmoud suit le sentier de l’émotion avec finesse,
emporté par un sentiment qui ne cesse de se transformer.
Avec les mots , le poète devient le peintre inspiré de l’espace
– labyrinthe - désert. Ce sont des faits et des pensées au
ralenti ,mais d’une monotonie”extraordinaire”. Il refuse une
existence limitée par l’attente.
Angela Nache Mamier


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