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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2011-11-14 | |
La conscience provient du physique, mais ne peut être expliquée par réduction au physique. Pour bâtir une théorie ayant cette idée comme pivot, David Chalmers part de lois non fondamentales, qui expriment des régularités macroscopiques dans la dépendence de la conscience sur les processus physiques. Ces lois, de leur côté, imposent des contraintes sur les lois fondamnetales sous-jacentes. La théorie de la conscience est ainsi vue comme un ensemble de lois psychophysiques qui, tout comme les lois de la physique, font partie du “mobilier fondamental de l’Univers”. “Les lois physiques fondamentales expliqueront les processus physiques; les lois psychophysiques expliqueront les expériences conscientes qui leur sont associées; et tout le reste en résultera.”p.303
Les chapitres VI et VII de l’ouvrage L’Esprit Conscient sont consacrées aux lois non fondamentales, au nombre desquelles se trouvent le principe de cohérence et le principe d’invariance organisationnelle. Par le biais des jugements phénoménaux, l’auteur révèle la cohérence entre la conscience et la cognition, le fait que l’une n’évolue pas indépendamment de l’autre. Et là il est important de préciser qu’il distingue trois types de jugements: ceux qui portent sur l’objet de l’expérience consciente et qu’il appelle jugements de premier ordre, (Exemple : C’est un livre rouge !) ceux qui portent directement sur l’expérience, ou jugements de deuxième ordre (Exemple : J’ai une sensation de rouge) et, enfin, les jugements de troisième ordre qui sont les jugements sur l’expérience consciente en tant que type (Exemple : Les sensations tiennent plus du phénoménal que du psychologique). Prenons d’abord la relation entre la conscience et les jugements de premier ordre, plus précisément entre la conscience et l’aperception, en tant que corrélat psychologique de la conscience. L’expérience d’un livre rouge sur notre table s’accompagne d’une perception fonctionnelle du livre. Les contenus de l’aperception correspondent ainsi aux contenus des jugements phénoménaux de premier ordre. Et cela vaut même pour les hallucinations et les autres cas de sensations où aucun objet réel n’est appréhendé. S’il en était autrement, le contenu de l’expérience ne pourrait pas être reflété dans le comportement, et les comptes rendus verbaux. Et la réciproque est vraie aussi: quand nous apercevons quelque chose dans notre environnement, il y a une expérience consciente correspondante. Le lien entre la conscience et les jugements de second ordre est plus indirect, mais il n’est pas pour autant moins évident. Ainsi, quand une expérience a lieu, nous avons généralement la capacité de former à son propos un jugement de second ordre et ce jugement est, dans l’ensemble, correct. C’est ce qu’on appelle les principe de détectabilité et respectivement de fiabilité. Et ces principes, sans être absolus, résument des régularités importantes. L’auteur va plus loin et parle d’un principe de cohérence structurelle selon lequel la structure de la conscience se reflète dans la structure de l’aperception, et réciproquement. Notre champ visuel , par exemple, est une structure qui englobe une masse de détails. Chacun de ces détails est disponible pour jouer un rôle dans le contrôle du comportement. Plus encore, des structures plus spécifiques de l’expérience, comme l’intensité ou la résolution, se reflètent également dans l’aperception. Il suffit de penser à la différence entre une douleur intense et une douleur légère. « Il est clair que l’intensité fait une différence sur les processus postérieurs et doit donc être représentée d’une façon ou d’une autre dans la structure de l’aperception. » p.314 Le principe de cohérence peut être utilisé comme présupposé dans des travaux portant sur la conscience. Ainsi, pour expliquer certains aspects de l’expérience consciente, il suffit d’expliquer l’aspect correspondant des processus physiques. Le principe de cohérence se charge du reste. Il agit comme « un levier épistémique ». Concernant les corrélats physiques de la conscience, l’auteur tient à préciser qu’un état physique plus spécifique peut compter pour un corrélat de la conscience seulement dans la mesure où il joue un rôle dans l’aperception. En non réductionniste, il pense donc qu’il n’est pas possible d’inférer quelque chose à propos de l’expérience à partir d’un corrélat neural, « sauf si celui-ci nous donne une raison de croire qu’une espèce d’aperception est présente. » p.341 Autrement dit, les corrélations plus spécifiques sont dérivées de la corrélation générale. Le principe de cohérence permet aussi d’inférer l’existence de la conscience en dehors du genre humain, dans des organismes plus simples. Tout cela confère à ce principe le statut de loi de la nature. Et même s’il ne s’agit pas d’une loi psychophysique fondamentale, elle fournit une contrainte forte à laquelle les lois psychophysiques fondamentales doivent se plier. Dans le chapitre VII, David Chalmers fait l’hypothèse que la conscience provient de l’organisation fonctionnelle du cerveau et que le substrat physique n’y est pour rien. Le cerveau comme tout système physique est doté d’une organisation fonctionnelle à différents niveaux mais ce n’est qu’à un niveau suffisamment fin que l’expérience consciente survient et que l’organisation détermine les capacités comportementales. L’auteur soutient également un principe d’invariance organisationnelle selon lequel des systèmes partageant la même organisation fonctionnelle ont des expériences identiques. « Que l’organisation soit réalisée dans une puce de silicium, dans la population chinoise ou dans une canette de bière et des balles de ping-pong importe peu. Tant que l’organisation fonctionnelle est la bonne, l’expérience consciente sera déterminante. » p. 349 Ou bien « Même si nos neurones sont remplacés par des puces en silicium, tant que les états de ces puces partagent la même configuration d’interactions causales que celle présente dans les neurones, le système produira le même comportement. » p. 348 Contre le principe de cohérence, qui ne fait pas l’unanimité, on utilise généralement les arguments des qualia absents et des qualia inversés. Dans le cas des premiers, l’organisation fonctionnelle se réalise dans des systèmes comme la population d’un pays, ce qui rend vraiment peu probable la présence de l’expérience consciente. D’après les seconds, si l’organisation fonctionnelle se réalise dans un substrat physique différent, le système peut avoir une expérience, mais d’un type différent. David Chalmers ne s’intéresse pourtant pas à la possibilité logique des qualia absents et inversés, mais à leur possibilité naturelle. Contre cette possibilité, il présente les arguments des qualia évanescents et des qualia dansants. Le premier argument repose sur une expérience de pensée impliquant le remplacement graduel des neurones par des puces de silicium qui accomplissent exactement les mêmes fonctions locales que les neurones. A chaque étape, un groupe plus large de neurones est remplacé, de sorte que dans l’étape finale, chaque neurone du système a été remplacé par une puce. A chaque étape, soit les expériences conscientes sont préservées, soit elles s’évanouissent, soit elles disparaissent subitement. La dernière hypothèse, l’auteur l’écarte, car il n’existe aucun point précis de disparition subite qui ne soit arbitraire. « Dans toutes les lois fondamentales connues à ce jour, la dépendance d’une grandeur sur une autre grandeur continue est continue de cette manière, et il n’existe aucun moyen de composer la continuité a partir de la discontinuité. » p. 358 Pour établir que l’hypothèse des qualia qui s’évanouissent est tout aussi invraisemblable, il examine un système à mi-chemin entre un humain et son zombi (qui traite le même type d’information que l’humain, a un comportement indiscernable du sien, mais est dépourvu d’expérience consciente). Ce système, qu’il appelle Joe, parle de ses expériences comme parle l’humain, mais ses expériences n’ont pas la même vivacité. Comme Joe se trompe complètement sur son expérience et comme les êtres conscients sont en général capables de former des jugements corrects sur leurs expériences, l’auteur conclut à l’impossibilité des qualia évanescents. Pour établir que l’organisation fonctionnelle détermine non seulement l’existence ou l’absence d’expérience consciente mais aussi la nature de cette expérience, l’auteur propose l’expérience de pensée suivante : un humain éprouve une expérience rouge, son système inversé, que l’auteur appelle Bill, une expérience bleue. Les deux systèmes diffèrent également en cela que dans le cerveau de Bill il y a des puces de silicium au lieu de neurones. Dans un deuxième temps, dans la tête de l’humain, on installe un circuit semblable à celui de Bill et un interrupteur. Le circuit, fonctionnellement isomorphe à un circuit présent dans la tête, est auxiliaire. En appuyant sur l’interrupteur le circuit neural devient inopérant et le circuit de silicium prend le relais. Ainsi, le traitement qui était accompli par le circuit neural est accompli par le circuit de silicium. Seule l’organisation fonctionnelle est la même que si on n’avait pas appuyé sur l’interrupteur. La suite : l’humain qui avait une expérience rouge a maintenant une expérience bleue, mais il ne remarque pas le changement. Si on appuye sur l’interrupteur plusieurs fois de suite, les expériences de l’humain passent du rouge au bleu et du bleu au rouge plusieurs fois de suite, mais l’humain ne remarque toujours pas de changement. Comme, d’autre part, il est plus plausible de soutenir que, lorsque notre expérience change de façon significative, nous devons être capables de remarquer le changement, l’auteur renonce au présupposé selon lequel un système fonctionnellement isomorphe en silicium pourrait avoir une expérience de bleu tandis que l’ humain aurait une expérience de rouge et conclut à l’impossibilité des qualia dansants aussi. Et si les qualia dansants sont impossibles, les qualia inversés le sont aussi. Il s’ensuit que l’expérience est totalement déterminée par l’organisation fonctionnelle. Mais si la conscience provient de l’organisation fonctionnelle, elle n’est pas pour autant un état fonctionnel. La conception que l’auteur défend est celle d’un fonctionnalisme non réductionniste. Les principes de cohérence et d’invariance organisationnelle ne constituent pas à eux seuls une théorie complète de la conscience. Ils ne font que sous-déterminer la nature de la connexion psychophysique. Le dernier chapitre de l’ouvrage est consacré à l’information vue comme l’élément adapté à ce genre de connexion et capable de fournir l’ensemble de lois psychophysiques fondamentales pour une théorie ultime de la conscience. La notion d’information qui y intéresse est sémantique et non pas syntaxique. L’information n’est donc pas l’information au sujet de quelque chose, mais un état sélectionné dans un ensemble de possibilités. Cette idée, reprise à Shannon, l’auteur la formalise au moyen du concept d’espace informationnel. «Un espace informationnel est un espace abstrait consistant en un grand nombre d’états, que j’appellerai états informationnels, et en une structure élémenataire de relations de différence entre ces états. L’espace informationnel non trivial le plus simple est l’espace qui consiste en deux états entre lesquels il existe une différence primitive» p.387 Dans le cas des espaces informationnels plus complexes, chaque état a une structure interne, et chaque élément de cet état appartient à un sous-espace ayant sa propre structure. Les espaces et les états informationnels peuvent être réalisés partout dans le monde physique. Un interrupteur, par exemple, réalise un espace informationnel à deux états. Il peut, il est vrai prendre un nombre infini de positions dans une gamme continue, mais la différence entre les deux états, « abaissé » et « relevé », est la seule qui fait une différence pour la lumière. De la même façon, on peut traiter l’information réalisée dans un thermostat, un livre, un CD, une ligne téléphonique, etc. En général, l’espace informationnel associé à un objet physique est défini « par une trajectoire causale (dans ce cas, la trajectoire qui va de l’interrupteur a la lumière) et un espace d’effets possibles au bout de la trajectoire (dans ce cas, l’état allumé/l’état éteint de la lampe). » p.391 L’information peut également être réalisée phénoménalement. Toute expérience entretient des relations de similarité et de différence avec d’autres expériences, et ces relations produisent la structure d’un espace informationnel. « Une expérience de couleur simple donnée correspond à un emplacement particulier de cet espace. Une expérience particulière de rouge est un état informationnel phénoménalement réalisé, une expérience particulière de vert en est une autre. » p.394 Le traitement de l’information révèle un fait crucial : le même état informationnel est réalisé à la fois physiquement et phénoménalement. La double réalisation de l’information peut être la clé de la connexion entre le physique et le phénoménal, suggère l’auteur, qui érige en principe le double aspect de l’information. D’autant que ce principe est compatible avec les deux autres qu’il a déjà développés : le principe de cohérence strcturelle et d’invariance organisationnelle. Il montre ensuite comment l’explication des jugements phénoménaux implique la base explicative de la conscience. Et c’est là un point crucial, car l’auteur montre implicitement qu’une explication non réductionniste de la conscience est compatible avec une explication réductionniste des raisons pour lesquelles nous jugeons que nous sommes conscients. Pour cela il se concentre sur le système de traitement cognitif du point de vue de la troisième personne. Quand le système perçoit un objet rouge, ce à quoi il a accès c’est l’emplacement de la couleur dans l’espace informationnel. Quand le système fait un compte rendu verbal de la situation, il ne peut pas proposer un compte rendu du genre : « Cette zone est saturée de réverbérations de 500 à 600 nanomètres », puisqu’il n’a pas directement accès aux structures neurales. Un tel système, « capable de connaître directement sa position dans un espace informationnel, sans avoir accès à aucune autre connaissance, classera simplement les états comme purement et primitivement différents, différant par leur « qualité » . p. 403 Ces états, à leur tour, sont immédiatement disponibles pour des jugements sur la nature des qualités et pour d’autres jugements sur l’expérience consciente. « Une expérience consciente est (ainsi) une réalisation d’un état informationnel ; un jugement phénoménal s’explique par une autre réalisation du même état informationnel. » p.404 Cette base explicative commune à la conscience et aux jugements sur la conscience peut, selon l’auteur confirmer une approche informationnelle de la conscience. Le problème est qu’une information omniprésente, dont la réalisation est double, laisse entendre que l’expérience est omniprésente aussi. Cette idée, si « excessive » qu’elle paraisse, l’auteur la prend au sérieux et, pour l’examiner, il part des humains et descend vers des systèmes de moins en moins complexes comme les chiens ou les souris, les poissons ou les limaces pour arriver à des systèmes très simples comme le thermostat. Son constat : l’expérience est partout dans l’Univers, « les systèmes très simples ayant une phénoménologie très simple, et les systèmes complexes une phénoménologie très complexe » p. 411 Une dernière question à laquelle l’auteur répond concerne l’ontologie de la conception du double aspect de l’information. Et la réponse ? Il y a un ensemble d’espaces microphénoménaux, un pour chaque propriété physique. « Chaque fois qu’une caractéristique comme une masse ou une charge est réalisée, une propriété intrinsèque est sous-entendue : » p. 420 Sa réponse est étroitement liée à une idée russellienne selon laquelle les propriétés intrinsèques du monde sont des propriétés phénoménales ou protophénoménales. Voyons pour finir comment David Chalmers justifie son « ontologie du double aspect » : « La physique requiert des états informationnels, mais se soucie uniquement de leurs relations, non de leur état intrinsèque ; la phénoménologie requiert des états informationnels, mais se soucie uniquement de leur nature intrinsèque. Cette conception postule un unique ensemble fondamental d’espaces informationnels unifiant les deux. Nous pourrions dire que les aspects internes de ces états sont phénoménaux et que leurs aspects externes sont physiques » p.420. L’Esprit Conscient est fait d’intuitions et de « contre-intuitions » et répond à autant de questions qu’il laisse ouvertes. N’empêche, la théorie qu’il renferme est l’une des plus complètes qui existe à ce jour. Bibliographe Chalmers, David, L’Esprit Conscient, Éditions Ithaque, 2010 |
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