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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2004-07-26 | | Inscrit à la bibliotèque par lucia sotirova
Je te souris. Qu'est-ce qu'un sourire?
Une lumière envoyée à une étoile par une étoile. Une odeur qui lie les herbes en prairie bourdonnante. Une douce couleur la couleur verte de mes yeux s'emmêle dans tes doigts. Tu tiens dans ta main le corps tout chuchotant de la prairie. Le contour de l'herbe étroit et âpre raconte mes yeux qui regardent à l'infini. Tu me souris. * hier j'écrivais des poèmes comme je distribue aujourd'hui les baisers mes baisers sont moins chers mes poèmes de plus en plus rares maintenant j'écris des poèmes seulement quand la couleur d'une fleur me blesse ou lorsqu'une chauve-souris dans son vol nocturne frôle ma joue j'embrasse en toute saison j'embrasse des étudiants des médecins des poètes rencontrés au hasard ensuite ils en font des poèmes comme moi je distribue les baisers par poignées à l'étourdie à la hâte * mon Dieu aie Pitié de moi pourquoi m'as-tu créée à la dissemblance des pierres dures je suis emplie de tes mystères je change l'eau en vin du désir le vin - je le change en flamme de sang Dieu de ma douleur d'un souffle de satin habille le nid vide de mon coeur doucement - sans froisser les ailes insuffle en moi l'oiseau dont la voix argentine est tendresse * toutes les fois que je veux vivre je crie quand la vie me quitte je me colle à elle je lui dis - vie ne t'en va pas encore sa main chaude dans la mienne mes lèvres à son oreille je chuchote vie - comme si la vie était quelqu'un qu'on aime et qui veut partir - je me pends à son cou je crie je mourrai si tu pars Traduction: Isabelle Malor-Filarska Le corps féminin est une cathédrale Article et traductions par Isabelle Malor-Filarska Halina Poswiatowska, de son nom de jeune fille Myga, est née le 9 juillet 1935 à Czéstochowa, non loin de Cracovie. En 1958 elle débute avec un premier recueil de vers intitulé Hymne idolâtre. Cette année-là elle subit sa première opération du coeur. Elle publie encore deux recueils de poèmes, Le jour d'aujourd'hui, en 1963, et Ode aux mains, en 1966, ainsi qu'un tome de prose, Récit pour un ami, en 1967. Halina Poswiatowska est morte le 11 octobre 1967, quelques jours après une deuxième opération du coeur. Un recueil de vers posthume est paru en 1968, intitulé Encore un sowyenir, en 1975, les Editions Littéraires de Cracovie (WydawnictWo Literackie) publient un Choix de poèmes qu'elles rééditent en 1989. Puis en 1997-98, paraissent à Cracovie, chez le même éditeur Les oeuvres complètes en trois volumes. Halina Poswiatowska traduisit également de l'anglais et du français des poètes comme Joseph Margolis, Lawrence Ferlinghetti, Ezra Pound, Paul Eluard et Jacques Prévert entre autres. Elle fit un voyage en France, assez bref, un an avant sa mort. Huit ans plus tôt elle était partie pour les Etats-Unis, à une époque où il était quasiment impossible de sortir du pays, afin d'y subir sa première opération du coeur. Elle avait mis à profit son séjour pour suivre, malgré une santé chancelante, des études de philosophie à l'Université, dans un « Collège » pour jeunes filles. C'est ainsi qu'elle avait appris l'anglais, en commençant par Shakespeare et les philosophes. De retour en Pologne, elle enseigna, pendant le répit que lui accorda sa maladie, la philosophie à l'Université jagellone de Cracovie. Outre ses poèmes, son récit en prose et ses traductions, Halina Poswiatowska laissa une importante correspondance dont la plupart est adressée à sa mère. Ces lettres renferment nombre d'observations et de réflexions philosophiques ou intimes qui soulignent et éclairent le lien tout à fait particulier qui se noue entre sa poésie et la vie. Elles témoignent d'une certaine distance par rapport à la vie, distance du malade tenu à l'écart de la vie, distance imposée par la solitude, distance du poète, mais elles disent aussi sans relâche la passion pour la vie, physique, concrète, malgré tout, malgré la souffrance et la peur. La poésie de Halina Poswiatowska est intrinsèquement liée à la vie, physique, à son aspect biologique, concret sensuel. Elle est marquée par l'expérience individuelle de la maladie et de la douleur, douleur physique autant que morale, douleur causée par les crises du coeur, l'organe vital, qui menace de lâcher à tout instant et hantise de la mort. Cette expérience rend plus aigu chez ce poète le sentiment de la précarité de l'existence humaine, de la fragilité de la vie en même temps que de la beauté de la vie. poésie dit la débordante réalité en se concentrant sur les thèmes universels et éternels de l'amour, de la mort du corps, ce corps qu'elle chante en en soulignant la vulnérabilité et la force, le caractère périssable. La fugacité du temps humain, qui obsède le poète, est évoquée par la référence explicite à Héraclite ou des images ancrées dans la culture classique soutenant l'observation, l'investigation des éléments premiers de l'Univers. Ainsi l'eau et le feu, ces deux modes de l'être et du temps, articulent le monde et constituent une manière de s'y inscrire, dans une vue encore héraclitéenne. Le fleuve d'Héraclite emporte avec lui toutes choses dans un grand écoulement universel. Le feu embrase et consume. Le poème s'élabore à partir d'une cosmologie, ou plutôt il met à l'oeuvre une cosmologie qui a pour fondement la catégorie du devenir en tant qu'instabilité essentielle, comme procède le feu toujours vivant du penseur grec, celui qui apprend à chacun et au poète à mourir à chaque instant. Halina Poswiatowslça, qui reprend à Héraclite le motif du feu dévorant, de la consumation, de l'embrasement ou de l'éclaircie cosmique, lueurs, étoiles, illumination, choisit l'amour comme élément central dévorant à l'oeuvre au coeur du poème. Maints poèmes célèbrent l'admiration pour le corps tout en disant inlassablement la douleur enfermée dans ce corps. Le corps est le lieu d'un combat pour la vie, il n'est pas un lieu de la déchéance, il est toujours adoré, adulé, objet d'examens attentifs, en profondeur, objet de soucis et finalement prétexte à une réflexion poético-philosophique sur l'existence. Une telle réflexion n'est d'ailleurs pas dépourvue d'ironie, de dérision à l'égard du corps souffrant lui-même, et elle témoigne de la distance que prend le poète par rapport à sa propre vie. Chez elle, l'expérience de la maladie et de la souffrance, la hantise de la mort ont donné lieu à une poésie poignante et lumineuse, empreinte d'un érotisme subtil dans et par lequel s'affirme l'amour de la vie. Le corps est cette chose fragile et sensible, dotée d'énergie pour aimer, percevoir le monde concret de l'ici-maintenant vibrer et souffrir, doté d'intelligence aussi , car la prise de conscience de la condition humaine, à la fois individuelle et universelle passe par le corps. Le corps prend conscience. Au cours d'une vie rythmée depuis l'enfance par les crises et les séjours à l'hôpital, au sanatorium... De poème en poème un véritable culte est voué au corps qui devient un temple, une église ou une cathédrale. Objet et lieu de culte, le corps est aussi le lieu où la souffrance prend place, mais elle est alors transfigurée. Ainsi, le corps, si minutieusement examiné au dedans comme au dehors, se fait l'objet d'un incessant questionnement métaphysique, il établit le lien entre l'exploration philosophique de la notion de temps, préoccupation essentielle chez Poswiatowska et la propre recherche poétique d'un temps dont la mesure est le rythme du coeur. Isabelle M.Filarska |
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