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Poezii Românesti - Romanian Poetry

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Rahel Khalfi: poèmes
communautés [ écrivains israéliens d`expression francaise ]

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par [marlena ]

2004-12-10  |     | 



Une niche dans le chaos


Première niche


Je me creuse une niche dans le mur
Qui s’écroule
je creuse et je creuse
et je peins même en blanc
et j’y taille des tiroirs
et j’y enfouis
presque tout mon corps
je m’y cache
pour un court instant
je me blottis
dans
une fossette
à l’abri du torrent



Deuxième niche

Je suis trop grande
Et me plie
Dans la niche
Où se trouve
Une petite valise à roulettes
à manche
Une valise habitée
De la jeune fille en caoutchouc
Obéissante
Que
je suis



Troisième niche



Et moi la toute petite maintenant
Je tâche de me réchauffer en toi
Tâche de me frotter contre toi
Remuant la queue
Je tâche même
De te jouer un tour : Nichechaos
Que tu es

Et j’échoue



Quatrième niche


Niche innocente et chaleureuse
Petite et mignonne
Etroite et rose
Et tout autour déferlement assourdissant
Petite niche dans
Le chaos
et je voyage je voyage en toi
regardant le chaos à travers toi
pliée d’effroi
voyageuse clandestine

Traduit par Marlena Braester


Les mots écrasés


Les mots s’écrasent – caméléon écrabouillé sur la route –
Réduits à un chiffon pâteux déchiré
Quand j’essaie de les arracher
Syllabe
après
syllabe
Des lambeaux du réel
Broyé
En une plainte
Quand j’essaie de les retirer
De la nuit pâteuse
S’emparant aussi du royaume du jour
Titubant depuis longtemps déjà sur ses béquilles


Ange


Nous nous sommes rencontrés sur une terre dure
Un ange aux ailes coupées
Fatigué d’un lourd
Sommeil argileux
Grâce à son talent
Il s’envole soudain
Vers les cieux
Vers l’endroit d’où tu vois
Notre terre comme une boule de jeu
Minuscule misérable
Roulant entre les sabots d’animaux domestiques
Aux dimensions galactiques

Ange voyant si invisible
Mais louchant tellement et aussi
Suant, affamé et encore souffrant
De pressions dans la poitrine
Et bégayant
Et si humain
Ayant le don de bien flotter
Mais se noyant souvent
Dans tout ça
Si proche et si charnel
Hélas si fatigué
Et là, là où devraient être
Tes ailes –
Deux moignons
Depuis longtemps
Ne saignent plus

Amputé
Animé de tant d’espoir
Et ton regard diaphane
Et ton corps presque transparent
Et toi, esclave de ton corps
Et toi, brûlant d’un feu divin
Presque
Calciné
Attiré vers les cieux
En gravitation inversée
Tu tombes
Tu planes
Tu tombes
Esclave et seigneur de la gravitation


Traduit par Isabelle Dotan-Robinet



Organisme, chaos


La mer les rochers les mouettes –
En un éclair je sentis comment nous tous
Sommes un seul organisme
La mer la femme qui mange un kébab
A la table en face
De moi
Ou ce que j’essaie en vain de fixer
Comme étant moi
Dans le remous de la mer intérieure
La grande tasse de café chaud qui fait la cour à mon âme
Comme un petit Satan

Et surtout la mer la mer

Donc en un éclair je sentis
Mais sur le champ
J’oubliai
Ce que j’ai
Senti
Et la femme sévère penchée sur son assiette
Avec un zèle obscène

Les mouettes posées il y a une seconde sur les rochers
Se dispersèrent dans l’air comme un éventail
Et le temps que je mis à écrire « les mouettes »
Elles étaient déjà posées sur un autre rocher

Et la mer la mer est lointaine séparée
Grosse bête autonome
Organisme géant

La femme gloutonne lève son bras
Et le pose sur son ventre â â âhh
Quant à moi moi moi répugnant
A être du même organisme qu’elle

Et qu’en est-il de ce pan de ciel lumineux
D’où viennent de se détacher quelques nuages
Et alors ?

Ces lignes-ci
Plus déchirées encore que ces lambeaux de nuages
Elles aussi sont du chaos

Et alors ? alors ?
Suis-je moi aussi affalée au-dessus de l’assiette éphémère évanescente
Avec un zèle obscène ?

Là-bas en face par-delà la vitre une église magnifique paternelle-maternelle
Couleur moutarde avec une grille couleur turquoise

Et à l’autre en face
M’appelle la mer

Et où suis-je moi

Traduit par Shlomo Elbaz



Les marches de l’Obscur


Là-bas les marches de l’Obscur
Rayonnant dans un espace illuminé
Je savais bien qu’elles étaient
Les marches de l’Obscur
C’était une bribe
Dans un temps béant
Et un écho semblait dire
Les marches de l’Obscur
Et c’était un instant plus fragile que minceur
Avec la longue et douce traînée d’un blanc silence
Et un écho semblait dire
Et rien qu’un son
Raisonna
Dans les ondes d’air et de lumière:
Les marches de l’Obscur
Et j’étais là debout
Somnolente
Absente
Au pied
Ou au sommet
Des marches d’ombre et de lumière
Ne sachant
Si je devais
Monter
Les marches de l’Obscur
Ou bien les
Descendre

Traduit par Ruth Amar


Poème inédit de Rahel Khalfi

Attente


Je dis que c’est un excès de fierté
Qui pousse l’homme à s’installer dans cette attente
Comme une fillette assise sur son lit attendant
Que ses jambes
grandissent touchent le plancher

Attente douloureuse
Due à une contraction des muscles
de l’imagination
attendant
autre chose
– Mais est-ce même possible ?
attendant attendant attendant
tirant le fil enroulé sur le fuseau
de l’infini
Me tirant moi-même d’un fil…

je n’en peux plus je n’en peux plus
de cette attente
écrasée sous le flux de la lave
et le tremblement de terre a déjà cessé
et maintenant j’attends sur des amas de basalte
refroidi

cela fait mille ans déjà qu’elle a
jeté la ligne
dans l’océan de l’existence
pour pêcher un seul petit poisson de tout ce qu’elle aimerait
mais la ligne elle aussi s’est déjà figée en
pierre noire

pécheresse durement sculptée
de matière finie
sculptée à jamais
dans le temps infini

sculptée à jamais dans
le temps qui attend

la voilà
déjà
monument
de d’elle-même

Traduit par Marlena Braester










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