Essayiste, professeur de littérature, poète, critique littéraire, Max Bilen s'est inscrit dans la mémoire de tous ceux qui l'ont connu comme une personnalité à multiples perspectives.
Sa réflexion sur l'écriture nous a marqués – nous, ses étudiants à l'Université de Haïfa ou de Tel Aviv. La rigueur de sa pensée, qui nous conduisait vers les difficultés du raisonnement pour dépasser les lieux communs de la réflexion, était doublée de son attitude tellement humaine face à l'élève qui s'efforce de pénétrer les enchevêtrements d'un chemin difficile à parcourir. Les perspectives peu communes, voire non-conformistes sur les thèmes analysés nous ont appris à ne rien accepter sans observer de très près les phénomènes, à nous méfier des idées reçues, à retourner les lois et les préceptes éthiques et esthétiques pour y situer les valeurs véritables.
L'écriture et le mythe, le génie, le sujet de l'écriture sont autant d'idées autour desquelles s'organisaient rigoureusement les cours de Max Bilen. L'enseignement lui était aussi important que la réflexion sur l'acte d'écrire vu de toutes les perspectives, y compris de dedans: le vécu de l'expérience créatrice lui servit de matériau dans l'élaboration de son oeuvre théorique. Le critique littéraire ne cesse pas tout à fait d'être un poète et le poète ne cesse pas d'être un critique: Baudelaire ne disait-il pas que les poètes sont les meilleurs critiques?
En poésie surtout, Max Bilen nous a appris à ne pas nous laisser enfermer dans les limites des analyses arides, des discours plats, trop rationnels, sagement corrects et opaques, mais à descendre vers les profondeurs de l'écriture même, traversant à rebours les étapes de la naissance du poétique. C'est l'unique moyen de découvrir le principe selon lequel ce qui ne saurait être rationalisé se retrouve encodé dans l'expérience poétique tout comme dans le mythe, qui se serve d'images et de figures.
D'Instanbul sIstanbuls à Tel Aviv, de Tel Aviv en Europe et aux Etats-Unis, pour revenir toujours à Tel Aviv, le parcours existentiel et poétique de Max Bilen a la complexité et la richesse du cheminement d'un être antonyme. Fidèle toujours à Blanchot et à Jabès, à Bataille et à Artaud, à Proust et à Kafka, l'essayiste Max Bilen ne se contente pas uniquement de s'interroger philosophiquement et esthétiquement sur l'imaginaire, sans vivre l'expérience poétique ; tout comme le poète Max Bilen ne se contente pas non plus de son écriture sans la dimension de la réflexivité et même d'une poésie auto-réflexive. Le regard critique sur la littérature se double de l'expérience de l'œuvre vécue dans sa naissance, et, avec elle, naît aussi l'être qui s'écrit et se crée à travers la découverte d'une nouvelle expression de soi, dans l'intemporel de l'espace du poétique; et dans l'espace du poème nous retrouvons toujours la présence du poète.