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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2005-08-18 | |
Dans son recueil "Quarante poèmes d'amour et deux autres poèmes d'amour pour Dieu", Admiel Kosman réunit des poèmes anciens et nouveaux ayant tous en commun l'engouement pour l'acte d'amour – L’amour d'un homme pour une femme ou de l'Homme pour Dieu. On distingue deux pans dans cette admiration, l'un pratique, l'autre sensible mais c’est l'équilibre entre l'amour terrestre et céleste qui assurera l'issue désirée. Cet équilibre n'est pas forcément tangible ; il permet plutôt l'élévation de l'âme qui, au moment du climax de l'acte d'amour, permet souvent au locuteur de se comparer à un oiseau.
Mais sous la baguette du poète, le monde devient un grand atelier où l'acte d'amour est orchestré et où les acteurs doivent œuvrer avant d'atteindre le point culminant. Dans Le tiroir de la danse il écrit : Je reviens vers toi à présent sous diverses formes : triangle, rectangle et hexagone. Sur le mur, le bois tendre, je m’accroche à toi, chevillant, contractant, raidissant. Dans cette strophe, le locuteur travaille d’abord sur la forme, le matériau encore inconnu à ce stade. Son travail est un sondage, une recherche de l’essence de ce matériau et les détails mettent l’accent sur les formes qui peuvent être vues et palpées. Dans la deuxième strophe, il passe à l’histoire de ces matériaux, à la façon dont ils sont travaillés et à leur dessein : On m’a fait de ces matériaux particuliers dans les gigantesques usines de la vie : fer dur, et plastique et acier pour être un cintre, un, encore un, sur ton crochet le tien, sur l’armoire, sur la commode alors que ta vie, entière, est devant moi comme un rappel, dans l’agitation enjouée De tes seins chéris… Plutôt que voués à l’adoration de Dieu, ces vers semblent appartenir à l’univers quotidien d’une « métallurgie » et face à ce travail colossal se trouve l’entité féminine qui est en quelque sorte absente de la scène décrite et est complétée par la mémoire du locuteur. La passion d’Admiel Kosman pour le corps féminin a un caractère profane, voire païen ; elle est accompagnée de jubilation mais aussi d’une profonde conscience du péché : Comme de fins tissus frémissants, dans le vent, ils ne me vont pas, Mais il précise de suite qu’il ne s’agit pas là d’un caprice éphémère ni d’un désir de se travestir mais de quelque chose de beaucoup plus profond : ni dans la kabbale ni dans la tradition- Nulle part, et en aucune dimension- Mais pour moi dans l’armoire, aujourd’hui – Un évènement avec chanteuse et orchestre – Dans le tiroir de la danse. Mais le lecteur tombera dans un piège car les sons, les rimes et le rythme du poème sont harmonieux. Cependant, on se rend compte que la cloche s’est fêlée quand elle a été coulée car, si dans la première strophe on remarque l’unité de sons, de rimes, de rythme et de sujet, dans la seconde, cet ordre est décalé et, en surface, on n’y trouve plus aucune rime. Ensuite, on se rend compte que si l’on recoupe les vers des seconde et troisième strophes en trois lignes, elles riment merveilleusement bien : On m’a fait de ces matériaux particuliers dans les gigantesques Usines de la vie : fer dur, et plastique et acier. Pour être un cintre, un, encore un, sur ton crochet le tien, sur l’armoire, sur la commode Alors que ta vie, entière, est devant moi Comme un rappel, dans l’agitation enjouée de tes seins chéris… (En hébreu la rime est assurée par les mots « acier », « commode » et « chéris »). En coupant les vers sans tenir compte des rimes, le poète transmet au lecteur l’excitation et l’essoufflement du locuteur « en direct ». Cette excitation acquiert un renfort thématique et idéationnel dans les mots de la strophe suivante dans lesquels le locuteur admet être déchiré alors qu’il s’abandonne de tout son cœur et de toutes ses forces à son entreprise – bien que cela ne corresponde aucunement ni à sa religion, ni à sa tradition, ni à son physique. Ce poème, où la technique est intentionnellement détruite, se relie au thème qui témoigne d’une certaine confusion et perplexité psychologique ; l’ambiance d’une usine ordonnée et organisée dans la première strophe est remplacée par l’agitation enjouée et la destruction des rimes dans les deux autres. On retrouve cette atmosphère de travail et d’artisanat dans un des deux …autres poèmes d’amour pour Dieu. Dans Le Dieu Central, le Dieu de Kosman n’est pas adoré mais plutôt un Dieu manifestant une certaine supériorité ; un Dieu qui travaille. En contraste avec le Dieu créateur de l’Homme et du monde, voici un Dieu dont l’occupation principale est de réparer ; il s’agit d’une part d’un travail de nettoyage et de réparation pratique et d’autre part d’un travail de rédemption de l’âme. Le rapport entre ces deux univers physique et spirituel est établi par Dieu le vitrier : Voici le Dieu Central tel un vitrier. Son travail est de réparer fenêtres et objets divers, tous en verre et tous nantis d’ouvertures par lesquelles on peut observer l’âme. Cette révélation divine est catégorique et comme par miracle, elle est partagée par les habitants du quartier : Chaque membre de la famille et chaque habitant du quartier, ils le voient tous maintenant… » Mais le Dieu de ce poème n’est pas seulement un vitrier, il est l’homme à tout faire qui répare tout dans n’importe quel quartier habité. Le vocabulaire employé est un mélange de sacré et de profane. Le profane est inscrit par le travail manuel et les outils de jardinage : avec une bêche, un râteau et un seau troué il creuse et arrache…. Mais pourtant, ce jardinier a des outils inhabituels : dans le jardin des voisins de gauche, il répand une poussière de splendeur éternelle… Cette comparaison de Dieu à un jardinier n’est pas nouvelle. Elle a ses racines dans la Genèse où l’on trouve un Dieu ayant tendance à détruire son propre travail lorsque celui-ci lui déplait. Tel sont les cas du Déluge et de la Tour de Babel. Le mot Yakoum (univers) également employé dans ce poème (Le Dieu Rénovateur qui établit autrefois cet univers, pur et vierge) apparaît pour la première fois dans la Genèse 7 : 4, dans l’histoire de Noé. Ce choix renforce l’idée que le locuteur envoie Dieu non seulement en tant que réparateur et rénovateur du monde qu’il a lui même créé mais aussi, nous présente, l’image d’un Dieu compatissant et miséricordieux que nous ne connaissions pas et que nous ne connaissons toujours pas. La poésie d’Admiel Kosman est séduisante, pleine d’amour pour la vie, douloureusement érotique et très sensuelle. Mis à part l’image renouvelée de Dieu telle qu’elle nous est présentée ici, il n’y a pas la moindre réflexion concernant l’enfer de nos vies. A première lecture, on peut même se demander si le poète et nous, cheminons dans la même réalité. Le poète est-il capable d’écrire de si beaux poèmes à partir de l’horreur quotidienne qui nous entoure ? Il devient alors clair que Kosman tente de réparer celui qui nous réparera sans doute tous – Dieu lui-même. Certains verront en cela de l’hérésie, d’autres y distingueront un besoin immédiat et urgent et le plus tôt sera le mieux. Alit Karp - Traduit par Isabelle Dotan |
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