Avant propos:
Tout ce qui est stable se retrouve dans la profondeur et ce qui est instable, à la surface. Les profondeurs cherchent la perfection, et la surface change au passage de chaque brise. Les eaux de la profondeur soutiennent les eaux de la surface, et les pierres de rivière donnent la forme au cours d'eau à la surface.
Chaque âge a ses repères.
Nous connaissons tard la Voie, la Vérité et la Vie, dans un seul point de repère.

3. En route vers le Bosphore, dans la cabine, nous avons le plaisir de prendre un verre de rhum et une tasse de café. À la poupe, professeurs et étudiants échangent des impressions sur les repères de la falaise que nous avons laissée en arrière et sur la digue du port que nous venons de quitter. Il est 23 h 50 et nous dépassons le dernier phare. J'apprends que, dès maintenant, nous serons payés en devise forte. Devise forte…

Le ciel, parfaitement serein, me rappelle celui de mon enfance, quand, avec les frères et les parents, étendus sur l'herbe devant la maison, je regardais les constellations. Alors j'avais appris de mon père " le Chemin de Saint-Jacques", l'Étoile Polaire, la Grande Ourse, la Petite Ourse et le bouquet d'étoiles "la Poussinière", que, souvent, je prenais pour la Petite Ourse. Je me rappelle aussi le ciel que j'ai regardé à l'Observatoire Astronomique de Timisoara, mais les souvenirs en sont moins distincts. Je réalise que bien des constellations sont effacées de ma mémoire. Je me demande ce qui aurait pu prendre leur place? Je me rappelle le ciel à Cheia, et j'ai l'impression de sentir l'odeur de foin fraîchement fauché. . Je réalise que c'est à Cheia que se trouve le seul endroit où tu arrives à toucher les étoiles de la main.


Misu, l'officier 2, dialogue avec les étudiants sur l'astronomie. Ils connaissent quelques repères sur le ciel. Misu paraît être un mordu de l'astronomie.

Vers la fin du dialogue, l'échange prend un ton légèrement didactique, dans le but de réveiller l'intérêt des étudiants pour l'astronomie. Je me souviens du cours d'astronomie du professeur Ioan Curea, le fondateur de l'Observatoire Astronomique de Timisoara et dont la mort nous a tous affligés.

Misu fait quelques pauses dans son discours sur Notre Galaxie. Les données sont assez exactes: 150 mille millions d'étoiles; la forme d'une lentille convexe - établie par William Herschel - si toute la masse de la galaxie était distribuée uniformément, à un kilomètre cube d'espace galactique reviendrait seulement un millionième de milligramme de matière... remplie de souvenir d'astronomie populaire.

Le fait est très drôle que, parce qu'on la considère comme une menteuse, la Lune a été choisie comme muse pour les rêveurs amoureux. Comme ça, la Lune est en retard de 50 minutes chaque soir. De plus, sa forme de C ou D est opposée même au sens de décroissance, respectivement à celui de croissance.

Misu raconte aussi l'histoire des systèmes d'étoiles, les plus grands. Les Galaxies se réunissent en donnant naissance aux Essaims de galaxies et aux Super-galaxies.

Notre Galaxie fait partie, avec 20 autres, du Groupe Local, une sphère dont le diamètre est de 6 millions d'années-lumière.

Andromède, la plus grande de ce Groupe Local, se trouve loin de nous à deux millions d'années-lumière et son diamètre est à une approche de 1,5 plus grand que celui de Notre Galaxie.

À proximité du Groupe Local, à 40-50 millions d'années-lumière, se trouve l'essaim Virgo, qui fait partie de la constellation "la Vierge", et qui se constitue en milliers d'autres galaxies. Cet essaim, la Hypergalaxie Locale, a une forme aplatie et un diamètre s'approchant des 100 millions d'année-lumière.

Notre Système Solaire se trouve à une distance de 30 mille années-lumière du noyau de la Galaxie.

J'ai entendu aussi des sornettes, les plus drôles étant celles avec le docteur et "le Marin et le phare" et Misu, avec celle du bateau des pirates où tous bredouillent, même les canaux.

Je ne sais pas comment ces vers me viennent à l'esprit, les vers que j'ai écrits après la séance d'acupuncture chez mon ami, le docteur Groza, pour renoncer à l'habitude de fumer.

Les sensibles inquiétudes, par des points nous les extirpons
Pour nous diriger vers des androïdes pour ne plus rien aimer
Et, si par erreur, nous nous auto - programmons
Des milliers de sophistes vont crier après toi: on va t'annuler

Je monte sur le pont du bateau et je regarde vers la proue. Je ne vois rien. En regardant vers la poupe, je vois les lumières étincelantes de Tomis. Les seuls repères distinctifs sont le Phare et le Casino. Je ne peux pas croire que ma ville, Constanta, ne serait réduite qu'à ces deux repères au bord de la mer.

Je ressens le désir de revoir ma maison. Je décide d'occuper mon temps pour ne plus y penser. Je réalise que je vois Tomis de la mêne façon que Ovide l'a décrit lui-même - un port sur la falaise de l'ouest du Pont-Euxin. Pour la première fois, je me rends compte qu'Ovide a été contemporain de Jésus Christ.

Jésus s'est sacrifié pour notre Rédemption. Ovide, pourquoi a-t-il été sacrifié? Pour que les "Tristes et Pontiques" existent!

Ovide ressent la relégation (je dirais - la plus légère forme d'exil) comme une punition très sévère, même si le poète a gardé ses droits civils et ses biens. J'ai la sensation qu'Ovide est resté un exilé même après sa mort. Voilà, 2000 ans après, on ne connaît pas la raison exacte pour laquelle Auguste, très fâché, a exilé le poète. En plus, même après la mort d'Auguste, Ovide n'a pas réussi à retourner à Rome, malgré le fait qu'il avait écrit souvent pour être pardonné et que son aimante épouse avait employé
tous les moyens dans ce sens.

Témoin oculaire des liaisons incestueuses de l'Empereur avec Julia Major (sa propre fille), la connaissance qu'Ovide avait concernant les relations incestueuses de Julia Minor (la nièce de l'Empereur) avec son propre frère, Agrippa Postumus, ou l'accusation que l'œuvre d'Ovide avait un caractère érotique - toutes ces "raisons" auraient contribué à un environnement favorable à la dépravation.

Le procès de 1967, qui a eu lieu à Sulmona, n'a pas réussi rompre le silence sur les causes, mais les juges ont considéré que la punition appliqué par l'Empereur au poète Ovide a été injuste et drastique.

Le symbole d'Ovide devrait être visible de très loin. Maintenant je ne vois plus rien. Je me rends à l'évidence que je suis sur le pont.

Je descends dans la cabine. Je regarde ma montre. Il est 1 h : 45, le 15 mai 1991. À la radio j'entends "le Mur" (the Wall). Je me souviens du rôle du mur dans la Citadelle de Saint-Exupéry. L'homme est à l'image d'une citadelle. Il démolit les murs pour retrouver sa liberté, mais il n'est plus qu'une forteresse anéantie, ouverte vers les étoiles.

Exupéry n'arrive pas à me convaincre. Il fait souvent l'apologie de la perte de la liberté et de la soumission aveugle pour éviter l'anarchie. Le mur chinois. Le mur de Berlin. Des murs, des murs, des murs. Quand sont-ils nécessaires? Je ne crois pas qu'il existe un seul symbole. En effet, les objets n'ont pas toujours une valeur pratique, mais une valeur de symbole, le sens du symbole étant donné par les circonstances.

Dans ce sens, il suffit de penser au "Petit Sapin de Noël" qui, après l'Épiphanie, est abandonné et écorché entre les immeubles d'habitation.

Toujours sous l'influence de l'album "Le Mur" (the Wall), je réfléchis aux déficiences de l'école. Que fait l'école pour le développement de l'individu? Souvent, l'école désoriente l'étudiant. Quand même, nous avons tant d'olympiques de mathématiques, physique, chimie! - Bon, mais souvent, ils sont comme des plantes qui poussent en serres, la suite est qu'ils vont se retrouver brusquement sur des territoires stériles.






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note: traduit du roumain d'après le début du "Voiajul" (Le Voyage) de Ioan Mircea Popovici - livre paru chez Muntenia, 1994