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Corp vitreux (extrait)
prose [ ]

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par [Reumond ]

2024-10-09  |     | 




Jour pour jour, il y a exactement 20 ans.


Corp vitreux (extrait)

(...)

« Je vois », me disait dernièrement le Voyant de Charleville ; dans un rêve.

Les voyants ont-ils les vitres sales ou le corps vitré qui fait des chiennes ?

J’ai moi-même des poussières d’étoiles dans les deux yeux et des vents stellaires dans les oreilles.

Mais cela se sait, on ne fait pas d’un chat un chien.

Si des liens très forts unissent le Verbe aux mots, c’est que des liens très forts unissent le corps aux étoiles et aux planètes. Mon astrologue me le confirmait, je suis Cancer ascendant Vierge, avec du Lion dans la crinière et de l'encre dans les veines, pour faire la différence entre le bon sens et le mauvais sang.

Mais bien souvent entre l’encre et le papier, il y a des incertitudes comme disait Heisenberg, des indéterminations, comme des antipathies entre les chats de Schrödinger et les chiens de Pavlov.

Parfois les poètes sont des non Voyants, et les aveugles peuvent faire de grands Poètes… Tout est incertain, surtout les certitudes religieuses ou idéologiques, comme celles de gauche ou de droite.

Mon ophtalmologue me dit que j’ai des pupilles de chat, qui sont comme des trous noirs qui capturent les mots les plus lumineux.

Mes iris en doutent ! Eux qui perçoivent l’aura lumineuse des mots comme des émanations du Logos et des poussières du Cosmos.

Mais il faut rester vigilant ! Bien souvent, l’opacité des choses peut dissimuler le ciel comme la transparence peut cacher des transes de l’œil, des croyances erronées ou des idées fixes ; comme un transatlantique peut cacher un océan de réalités diverses, ou comme l’arbre peut occulter toute une forêt de sens.

Si j’ai des migraines, des images et des acouphènes depuis ma noyade il y a 66 ans, ce n’est pas pour ça que je fais du « nombre de la bête » mon algorithme préféré pour écrire des poèmes.

Chiffres et lettres, bout à bout ne font que des boutades pour boute-en-train, comme je pourrais publier 666 plaquettes de poésie sans être vraiment poète, c’est-à-dire, au sens étymologique : sans être réellement « créateur ».

Composé à 70 % d’eau, à 99 % de vide et à 80 % de croyances, d’idées fixes et de préjugés, comment puis-je encore avoir 1% de jugeote ?

Tout n’est qu’illusion, Mana, et particulièrement « Illusion optique », et quand on parle de voyance ou de voyant ; tout se situe entre l’esprit et l’humour.

C’est-à-dire que si vous et moi avons dans la cornée de l’œil, des feuilles elles-mêmes cornées par les vents de l’esprit ou par le nouage des mots, c’est peut-être que, vous et moi, voyageons entre les mondes, par l’esprit et l’humour, comme entre les feuilles cornées de nos propres poèmes qui ne sont en réalité que des plagiats d’étoiles mortes depuis bien longtemps.

Ce qui me permet de souligner la nécessité de discerner entre les écrivants comme moi, et les écrivains comme les autres ; comme d’entrevoir la différence entre les spectres visibles dans le fond de l’œil et les fantômes qui viennent titiller mon porte-plume ; ou encore, l’utilité de distinguer la différence entre les corps flottants du vitré et ceux de la pure lévitation littéraire et littérale.

Les auras de l’œil ne sont pas des auréoles de Saints, comme les phosphènes ne sont pas des phares sur le rivage des sens, ils sont des livres écrits par la poussière des étoiles.

Il existe une énorme différence entre les rêves et les songes, mais seuls les rêves peuvent expliquer les songes, afin que les songes révèlent les rêves. Parce que les idées les plus lumineuses sont bien souvent les plus obscures.

Faut-il vraiment distinguer la disparité entre les visions hallucinatoires et les intuitions frauduleuses des sciences, les fantasmes d’artistes et de poètes, ceux des politiciens et des contes de faits divers ?

Tout n’est qu’une histoire recomposée par des poussières d’étoiles éparpillées sur nos écritoires, dans nos temples et nos observatoires.

Quel est le lien ténu entre les stigmates de la Terre polluée et les stigmates de Saints ? Puisque dans l’univers tout est lié comme l’encre et le papier, par des analogies et des métaphores, qui ne sont en réalité ou quelque part, que des doryphores de dictionnaires.

On a beau avoir des éclairs de génie comme des flashs de photographe, il y a toujours des doutes, des contradictions, des paradoxes et quelques opacités dans le sens des substantifs, dans la forme des verbes, ou même, dans la mesure et dans la démesure des adjectifs.
Les poètes font-ils des odes à la vie ? Les myopes font-ils des presbytes comme les bits font des programmes ?

Tout est incertain !

Un exemple que je vous livre à l’œil.

Ce matin, d’humeur vitreuse, je me questionnais.
Mon génie cologue me dit que j’ai comme des ombres bizarres sur l’écran rétinien…

Mon œil, ce n’est que du cinéma !

Dans ses mains moites, son spéculum n’est qu’un miroir à alouettes, comme un miroir déformant une réalité, qui, c’est sûr, n’est pas le Réel tout nu, tout cru, tout net et vif.

Si les formes se transforment, c’est qu’elles ont en elles la capacité de se transformer de métamorphose en métamorphose ; comme j’ai en moi ou en soi, la capacité de voir au-delà et entre les mots et les images, de discerner entre les dires du monde et mes intuitions profondes, entre lesdites « Mouches volantes » et « les oiseaux de mauvais augure ».

Quand, entre les marges de mes carnets, j’étale de la poussière d’étoiles pour réécrire le Big Bang, mes rétines décollent comme un avion de ligne, pour répondre à la tour de contrôle de mes espaces tempes, tout en zigzaguant sur les coursives de ma cursive.

Les droites de mes feuilles quadrillées sont des courbes de parturientes, ce qui ne fait de moi, poussières d’étoiles qu’un voyant sachant voler, doublé d’un voleur tentant simplement de voir au-delà des apparences.

(…)

Fragment de Corps vitreux (9 octobre 1997).

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