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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2016-05-20 | | Sur mon PC, avec l’outil capture d’écran, j’ai capturé trois loups afin de les relâcher dans les profondeurs de ma forêt intérieure. Puis, avec mon filet à papillons, j’ai de la même manière capturé des mots, les plus sauvages et les moins libres parmi les mots, dont les mots homme et guerre, misère et esclavage, bêtise et pouvoir... Par la suite, des hordes de mots solidaires sont venues satisfaire mes attentes et mes désirs les plus estimables. Des louveteaux tout chauds courraient entre mes doigts, se déplaçant dans les taillis de mes idées noires, sautant au-dessus des bosquets de mes peurs les plus ancestrales… Alors, je les ai laissé faire et courir ainsi dans la tanière de mes mains, et louveter à leur guise entre les arbres et sous les écorces de mes propres résistances. De sentier en clairière, comme un enfant sauvage, j’ai couru avec eux dans la futaie, j’étais devenu l’ombre d’un loup, et dans les sous-bois qui venaient à moi comme vient l'aurore, j’étais devenu véritablement loup ; je me laissais guider par les vents, les odeurs de mousse et de plantes sauvages, et surprendre par l’inconnu. Malheureusement, dans les livres les plus sérieux, on ne parle jamais de l’odeur des mots. On dit bien leurs sens, leurs couleurs et leurs textures, mais rarement on parle de l’odeur au-delà de celle des livres, de l’odeur de l’humus des mots, odeur terreuse comme celle de nos origines ... Ma vie d’avant-loup était devenue comme un corps étranger, ou plutôt comme un corps étrange. Avec prudence, comme pour mettre en place une soupape de sûreté, en cas ou, et pour faire écran à mes propres démons humains, j’ai planté une forêt de bouleaux tout autour de mes failles. L’homme dit-on est un loup pour l’homme (un « grand méchant loup » pour l’homme, devrait-on dire pour rester dans la métaphore ! ) , et je le pense, je le vois régulièrement et je le crois vraiment; mais c’est ignorer toute la tendresse des loups que de dire cela avec désinvolture ou par habitude; c’est méconnaître les loups et l’état de nature dans ce qu’il a de meilleur, qui de comparer le loup à l’homme. À l’heure du loup, pour écrire, j’ai pris la décision de vivre en forêt intérieure, là -dedans où les idées sentent la terre et le bois sous la pluie ; la fibre encore humide des sèves précieuses ; devenant moi-même ligneux de ligne en ligne, buvant sous l’écorce aux veines des bois rares ; les plus verts, les plus exotiques et les plus noueux, à l’écoute de mon propre loup du dedans. Comment devenir l’esprit des mots comme un Chaman devient lui-même l’esprit de la bête, si l’on n’est pas en dehors des contraintes, contrebandier à la frontière des mots et des cris, sans subordination, sans assujettissement, délivré des normes comme un vers libre ou libre comme un loup sauvage ? Comment devenir soi-même esprit des mots, comme l’alchimiste transforme le plomb si l’on n’est pas capable de transmuter les évidences en fouinant avec ses griffes le sol forestier, en toute liberté, cherchant la vérité toute nue et toute crue. Dans l’écoute profonde de l’âme de la forêt et de la Terre, me remplissant comme baudruche de l’odeur des fougères, je redécouvre mot à mot, le pouvoir créateur et toute la puissance des mots. Le pouvoir des mots qui est celui du Verbe; et le loup porte le verbe comme une fourrure abondante sous laquelle je recouvre l’énergie secrète des « Voyelles » ou de « l’alchimie du verve » de Rimbaud » ; alors comment taire ces loups de l'âme, ces mots plus sauvages que des torrents, ces mots torrides qui prennent à la gorge comme un gaz moutarde, laissant là leurs nœuds, comme des accroche-cœurs qui descendent sur l’estomac; des mots, qui dans leur sauvagerie compensent les maux de l’homme et toutes ses barbaries. Comment faire taire le loup qui hurle au-dedans et au-dehors après le lune et le bonheur ? En poésie, c’est comme entre mon ordinateur et mon écran plat, il y a « des entrées analogiques ». Entre les données informatiques et les mots poétiques, il y a du ique et des cris, des vides à remplir et des trop-pleins à vider, des convulsions et des gémissements comme dans une salle d’accouchement. C’est étonnant de voir par quel trou de mot s’immiscent les sentiments les plus noueux, et par quelles veines ou déveines, les mots dévalent comme des enfants roulant dans l’herbe verte d’un pré, pour venir terminer leur course, tout ébouriffés, entre deux marges étroites et sur la ligne suspendue d’un poème, dans l’attente d’un nouveau vers ou mieux encore d’une nouvelle inspiration. « Prends-le pour ton frère, car le loup connaît l’ordre des forêts » dit un vieux poème anonyme, écrit par un vieux loup Sibérien. « Par la route plane, il te conduira jusqu’au Paradis », tel saint François d'Assise dans l'antre du loup le loup de Gubbio. Comme le « loup bleu céleste » qui dit-on créa quelque dynastie Chinoise, mon propre nom qui n’est pas romain, a d’ailleurs quelques consonances semblables avec celui de Romulus et Remus ? Ma mère était donc louve semble-t-il, et par la force des choses et des ans, à force d'écriture le soir venu, vers l’étoile Sirius que l'on dit être Le loup céleste, je suis pareillement devenu un loup gris ou plutôt un loup grisonnant. En définitive, tout poète n’est-il pas un loup trop « solitaire », appelé à devenir à lui seul une meute « solidaire » ? |
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