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Une bonne foi pour doute
prose [ ]

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par [Reumond ]

2013-10-30  |     | 




UNE BONNE FOI POUR DOUTE

Quand le castor utilise le bois, ça ne fait pour cela de lui un maître ébéniste ; quand nous écrivons, cela ne fait pas de nous des littérateurs ; mais le verbe prend chair malgré tout, et toute notre matière ou notre manière d’écrire va dépendre de notre propre capacité d’incarnation au monde.

C’est pourquoi je pense faire de la métaphysique et pas de la littérature !

Entre deux Univers, je m’en confesse devant vous, je ne crains nullement les paradoxes et les contradictions pur bœuf, car je suis un être du milieu, et dans l’entre-deux un bon navetteur de chicanes, un médiateur parmi tous les entremetteurs de ce Monde. Ceux qui n’ont rien compris me disent « Poète », mais ma véritable identité reste aléatoire !

(…)

L’écriture ne connait point d’épilogue, elle s’épanche comme l’univers s’épand, comme je m’éprends des mots en des logorrhées infinies, au revers des lignes et à la pointe des pages.

Il faut toujours dégainer à temps les porteplumes et les stylets pour se mettre à jour et à nu ; il faut brandir la plume comme un sexe souillé pour ceinturer le texte à coup de gros mots crus : métaphysique, transvaluation, phénomène, dichotomie, herméneutique, casuistique, quantique …, jusqu'à ce que se voilent les aiguilles du temps.

Il faut, il faudrait… mais les épigraphes s’écrivent plus vite que les renaissances ; il faut, il faudrait… mais tout éphémères les idées s’envolent dans l’épouvante des pertes blanches. Pour pourfendre les lignes, il faut, il faudrait, mais les idées se s’écrivent pas encore à la vitesse de la lumière, elles ne sont que de petites loupiotes accrochées à leur ligne comme des poissons argentés gesticulants.

C’est la souffrance lancinante des plumes qui se rappellent sans cesse à l’encre, et ce flot de sang d’encre qui se rappelle sans cesse aux plumes, dans un va-et-vient qui n’a rien à envier à celui de l’amour ! Écrire, ce n’est pas jouer de mots, de style ou faires des vers remarquables et remarqués ; s’écrire éperdument, c’est cette quête de sens en cette recherche perpétuelle d’équilibre entre les extrêmes, dans le corps même de nos contradictions ; c’est aussi ce triple jeu de sens, des matières entre l’encre, le papier et la plume

(…)

C’est l’errance des billes de stylos sur le champ des polysémies, à l’épreuve des verbes, c’est éprouver ce que l’on dit et dire ce qu’on éprouve, sur le fil funambulesque des lignes, là où mon thème de prédilection : « Les graphes » s’exprime au pluriel.

Avec des lettres qui se font cursives, comme se tordent les mots cherchant la justesse qui est la justice du phrasé, en la coursive des marges trop étroites et trop droites pour tourner autour des mots dans le bon sens ; comme se tordent les pendus au bout du nœud sans parvenir à marquer la verticale la plus juste ; comme se boudinent les spirales d’ADN sans faire de nous des gens biens et heureux.

Entre les calligraphies tirées au couteau et les traits ajustés au stylo, je cherche mon chemin !

Autour de nous, les quelques Voyants et Shamans survivants deviennent vedettes de Télé réalité et sur les écrans plats la platitude s’étale en couleur.

Dans l’empreinte des bêtes, nous ne voyons que des bêtises !

« Vous ne savez plus écrire et lire de récits comme au temps des dieux ! Essais, roman et poésie, tout devient vénal »

Me souffle un vent qui vient d’Orient.

Effectivement, les mots, les symboles et les mythes semblent avoir perdu de leur puissance et de leur mystère. Nous ne savons plus écrire et lire entre les lignes comme les anciens dans les boules de cristal, les os de poulet ou les carapaces des tortues ; nous sommes devenus comme insensibles au sens des osselets et à l’oracle qui pourtant nous parlent toujours dans la pluie, l’éclair et les nuages. Et pauvres de nous, par négligence ou sottise, nous avons même perdu la clé des portes de l’arc-en-ciel !

Entre vice et sévices, comme l’aigle des dieux fourrage le foie de Prométhée, je fourrage les mots pour trouver le bonheur !

À l’instar du livre de la romancière américaine et auteure de Sagas modernes, Stephenie Meyer, Les âmes vagabondes , notre monde tout entier a été envahi par un esprit de mort qui prend possession de notre corps humain. Dans ce monde qui semble si peu le nôtre, il faut malgré tout trouver à s’incarner, même si rien ne nous ressemble, si rien d’essentiel ne nous attire vraiment, il faut, il faudrait… trouver le bon lieu comme les anciens avaient un Bon Dieu pour apaiser leurs craintes.

(…)

« Je souffre de métempsychose »

Me disait encore hier Gilberte mon analyste.

Mais demain j’arrête !

Promis, juré, j’arrête de rêver l’utopie, j’arrête d’écrire en me réincarnant de même chaque matin, je stoppe tout, je me retiens en rétention d’encre, en paralysie hystérique de plume, j’arrête « Une bonne foi pour doute » de me faire du mouron de mots afin de devenir silence ; j’arrête même de penser, à moi en particulier ; je coupe le contact avec ce monde pour m’en aller ailleurs en soi.

Je m’immobilise, la main gauche dressée, prête à écrire, mais sans déposer le moindre mot ; je me fige dans une posture inconfortable, mais ontologiquement favorable, comme une statue d’intérieur, un bibelot parmi mes meubles et mes livres je me fais ou plutôt je me défais ! J’arrête de me faire des idées fixes et de réincarner de nouveau mes plaintes et mes désirs, dans l’esprit d’un texte, dans le corps d’un écrit ou dans la peau humaine ou animale d’un nouveau matin sur ce monde en furie.

(…)

Sans papier, sans domicile fixe, sur mon mur Facebook j’écrie, comme on tague la surface bleutée de son être, entre les veines apparentes et les chemins invisibles du corps ; cherchant la fissure qui aspire ou fixe l’encre, en profondeur, jusqu’à l’intérieur des choses. Facebook ou autres, qu’importe la porte ! il n’y a pas de bon créneau ! rien que des tranchées pleines de sang d’encre et de sens, entre les lèvres terreuses des vides béants comme ceux des blessures, et les trop-pleins nauséeux des excès insensés que déploie notre monde. Facebook ou un autre, il n’y a pas de créneau meilleur qu’un autre, il n’y a que des sillons ou l’encre se mêle à la boue des mots pour engendrer la vie et aller jusqu’au bout des phrases…,

Tout est lien et tout est lier : Les traces et les marques, les traits et les faits, les grâces et les causes du causer, tout ce que je nomme « Graphes » faute de mot plus juste pour extraire l’essentiel de ma pensée.

(…)

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