Illustration : Pas nurge ! photo-montage Roland Reumond.










Je respire votre air, je marche dans vos pas, parfois je vous précède, mais souvent je me cache !

Qui suis-je ?

Mouton farfouilleur d’horizons improbables, je laisse la digue, la croisette et le tapis rouge aux grands de ce monde ; et les glorieuses découvertes aux savants, aux grands explorateurs et découvreurs de Nouveaux Mondes : Les Nobel, les Pasteur, Freud et Polo, les Colomb et autres frères Lumières…

Seul sur la plage, question en tête et appréhension au cœur, je préfère les grands fonds où se noient les âmes scrupuleuses, et les laisses de mer livrées aux vents et aux marées violentes.

Comme Jacob, je lève les yeux au ciel, au sens propre et figuré je lève les yeux; ils sont là autant que je suis las d’écrire à court de souffle et d’encre ; ils sont bien là au-dessus de moi dans la hiérarchie des damnés de la Terre, la tête droite, dans leur habit d’alpagas et de nuages fluorescents, ceux qui ont choisi de grimper à l’échelle sociale. Tous ceux qui étaient prédestinés à la gloire en ce monde et qui ont suivi le droit chemin. Les élus, les moutons ailés autant que l’on peut zèler de droite à gauche, les zélateurs fidèles, les grands initiés du moutonnage, les arrivistes arrivés, les arroseurs arrosant, les pisseurs de grands crus, hautains comme des dieux sur le toit de l’Olympe ; des stars parvenues au septième ciel de leur célébrité.

Hosanna au plus haut des cieux ! les ovins divins sourient aux acclamations angéliques, dans le faste des plateaux de tournage aux décors de carton d’invitation. Ils sont là, me regardant de haut en bas, sur leurs écrans plats et leur Panthéon de TV.

On n’est pas couché qu’il m’observe encore, ou pire m’ignorent, ceux que l’on vent et que l’on vante dans les grandes librairies, ceux que l’on loue comme des appartements, que l’on achète et que l’on vend, ceux que l’on monnaie, que l’on prône, que l’on chante de tous chœurs ou que l’on acclame sous le feu des projecteurs, et que l’on déclame même au-delà de la mort.

J’ai cité les brillants, les éminences grises, bleues, blanches ou rouges … Les nominés aux Césars qui en ont plein les mains et les yeux, sous les paillettes et les feux d’artifice, les sapins d’académies et les harmonies tapageuses des trompettes de la Renommée.

J’ai cité encore les sommités les plus populaires comme une chanson que l’on voyage dans nos têtes ; les immortels en tenue d’apparat, au nom doré à la feuille des journaux, à la renommée sans faille, dans l’éclat des projecteurs et les fumées parfumées de la gloire, tous ceux que l’on perçoit ou que l’on entend sous de folles huées et de grandes ovations d’ovidés hystériques.

(…)

Extrait de Tout mouton de Panurge s'insurge ...