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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2009-01-07 | | Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt
Parmi les hommes dépareillés de ces temps
je marche à grands coups de tête à fusée chercheuse avec de pleins moulins de bras sémaphore du vide de tambour dans les jambes et le corps emmanché d'un mal de démanche reçois-moi orphelin bel amour de quelqu'un monde miroir de l'inconnu qui m'habite je traverse des jours de miettes de pain la nuit couleur de vin dans les caves je traverse le cercle de l'ennui perroquet dans la ville il fait les yeux des chiens malades La batèche ma mère c'est notre vie de vie de vie batèche au cœur fier à tout rompre batèche à la main inusable batèche à la tête de braconnage dans nos montagnes batèche de mon grand-père dans le noir analphabète batèche de mon père rongé de veilles batèche de moi dans mes yeux d'enfant Les bulles du délire les couleurs débraillées le mutisme des bêtes dans les nœuds du bois du chiendent d'histoire depuis deux siècles et me voici sortant des craques des fendes des soupiraux ma face de suaire quitte ses traits inertes je me dresse dans l'appel d'une mémoire osseuse j'ai mal à la mémoire car je n'ai pas de mémoire dans la pâleur de vivre et la moire des neiges je radote à l'envers je chambranle dans les portes je fais peur avec ma voix les moignons de ma voix Damned Canuck de damned Canuck de pea soup sainte bénite de sainte bénite de batèche sainte bénite de vie maganée de batèche belle grégousse de vieille réguine de batèche Suis-je ici ou ailleurs ou autrefois dans mon village je marche sur des étendues de pays voilés m'écrit Olivier Marchand alors que moi d'une brunante à l'autre je farouche de bord en bord je barouette et fardoche et barouche je vais plus loin que loin que mon haleine soudain j'apparais dans une rue au nom d'apôtre je ne veux pas me laisser enfermer dans les gagnages du poème, piégé fou raide mais que le poème soit le chemin des hommes et du peu qu'il nous reste d'être fiers laissez-moi donner la main à l'homme de peine et amironner Les lointains soleils carillonneurs du Haut-Abitibi s'éloignent emmêles d'érosions avec un ciel de ouananiche et de fin d'automne ô loups des forêts de Grand-Remous votre ronde pareille à ma folie parmi les tendres bouleaux que la lune dénonce dans la nuit semée de montagnes en éclats de sol tracté d'éloignement j'erre sous la pluie soudaine et qui voyage la vie tiraillée qui grince dans les girouettes homme croa-croa toujours à renaître de ses clameurs découragées sur cette maigre terre qui s'espace les familles se désâment et dans la douleur de nos dépossessions temps bêcheur temps tellurique j'en appelle aux arquebuses de l'aube de toute ma force en bois debout Cré bataclan des misères batèche cré maudit raque de destine batèche raque des amanchures des parlures et des sacrures moi le raqué de partout batèche nous les raqués de l'histoire batèche Vous pouvez me bâillonner, m'enfermer je crache sur votre argent en chien de fusil sur vos polices et vos lois d'exception je vous réponds non je vous réponds, je recommence je vous garroche mes volées de copeaux de haine de désirs homicides je vous magane, je vous use, je vous rends fous je vous fais honte vous ne m'aurez pas vous devrez m'abattre avec ma tête de tocson, de nœud de bois, de souche ma tête de semailles nouvelles j'ai endurance, j'ai couenne et peu de barbiche mon grand sexe claque je me désinvestis de vous, je vous échappe les sommeils bougent, ma poitrine résonne j'ai retrouvé l'avenir (Gaston Miron, « La batèche », in L’homme rapaillé)
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