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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2010-05-15 | |
Djamal Mahmoud féconde les mots comme il féconde la femme. Ravi par l’amour, ébloui par la naissance - ce processus grâce auquel il réalise pleinement sa mission d’Homme - le poète accomplit sa mission de créateur, accédant ainsi au rôle de démiurge. Et c’est à la femme qui accouche, qui donne vie, qui met au monde, la Femme – épouse et mère - initiatrice de la vie qu’il rend hommage.
„je suis entrée en travail maintenant je serre les dents et je me tais (Frénésie) „mais ton cœur est la cloche qui bat éternellement m’annonçant chaque résurrection”… (Lala) Sa mère est le personnage central de nombreux poèmes, entrant en symbiose avec la nature, une nature fertile et authentique, qui est souvent source de nostagie, tel un paradis perdu. „et lorsque je commence à m’assoupir il tire l’ombre de maman bien cachée dans ses racines il me la tend et appelle tous les oiseaux pour qu’ils chantent jusqu’à ce que je m’endorme dans ses bras…” (L’ombre) Plus que le résultat d’un désir, l’enlacement des corps n’étant pas absent de ces poèmes, la naissance conduit à cet accouchement de soi-même, qui se transforme peu à peu en une initiation, ponctuée par la mort à chaque étape de cette croissance nécessaire au processus de vie. „dans mon arche gémit une femme en travail ce n’est pas son premier accouchement et ce ne sera pas son dernier (...) je suis impatient j’ai hâte qu’elle accouche de moi-même” (L’épitaphe) „Elle gémit gémit en moi tout en me faisant naître” (La naissance) Ces étapes de la vie sont autant de rites d’initiation visant à devenir Homme au plein sens du terme, à réaliser l’oeuvre de Dieu et par là-même à se rapprocher de l’infini. La mort n’est pas exclue, mais incluse dans le processus vital, tout comme l’ombre n’est pas en opposition mais en complémentarité de la lumière, mettant en relief le paysage et procurant par là-même plus de hauteur et de profondeur aux textes poétiques. „ton corps ondule en moi délicat et innocent il danse la valse de ma mort et de la résurrection des eaux mortes” (Tête) Le poète se promène dans un paysage séculaire chargé d’histoire, décryptant les formes et les contours de sa géographie particulière. „tenant en main le barrage érodé par les rats et par les gens nous nous heurtons à l’eau restante” (Mareb) (Evocation de la digue de Marib au Yémen, symbole de l’Arabie heureuse, ancienne capitale du royaume de Saba). „dans mes bras se lève un chevalier arabe il te récite la peau écrite en lettres d’or sur le mur de la Mecque” (Duel) Il s’agit là d’un espace ouvert, où la terre attend l’eau, cet élément vital qui la féconde, cette eau de la crue qui la nourrit. L’eau, élément essentiel de la vie, symbole de fécondation, tout comme à la naissance la femme perd les eaux. „elle me regarde voilée on ne voit que ses yeux comme ceux d’un faucon enchaîné d’eux s’échappe le désert en quête de la pluie” (Pont) Tout au long de ce parcours, entre silence (du désert) et attente (de l’eau), le poète fait un retour aux origines, se dénudant complètement, cherchant l’enfant intérieur, éternel visionnaire de la pureté originelle où le corps n’est que le réceptacle, périssable, de l’âme éternelle: „entre mon âme et l’air il y a un corps et une camisole de force” (La toile humide) Le poète se transforme ainsi en un „berger de rochers”. „comme la majorité des prophètes je m’imagine en rêve chaque nuit avec des troupeaux de rochers derrière moi broutant des vagues” (berger de rochers) Pourtant l’espace infini est offert à chacun de nous, qui naît dans la liberté de s’écouler sans opposer aucun barrage au cours naturel du fleuve et sans craindre l’ennui et la vanité du monde. Pour traduire cet infini, cette liberté intérieure, le poète a recours à la poésie, tout comme le grand poète roumain Nichita Stanescu, qui était en quête du mot créateur de mondes, le mot „lumière”: „Fiat lux !” „Dieu me manque je veux le voir juste maintenant cueillir la lumière de tes battements d’ailes…” (Timbre) Pour Djamal Mahmoud, la poésie est cet art qui repose en lui, attendant d’être fécondé, et c’est lors de cette mise au monde révélant l’écriture, que le poème l’accouche en tant que poète. A la gestation de l’un, se superpose la révélation de l’autre. Le cercle est parfaitement clos. L’Homme se réalise alors au plein sens du terme, il réalise l’oeuvre de Dieu en se rapprochant de cet infini. Telle est la mission du poète: dépasser ses ombres particulières, accomplir la mission humaine et au moyen de la poésie, langage universel, atteindre Dieu. „séparé de mon ombre je quitte les rochers blottis je sors des murs abrupts” (Le premier cercle) Nicole Pottier |
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