Invité d'honneur du 9ème festival du cinéma espagnol de Toulouse, Carlos Saura, 72 ans, est venu présenter dans la ville rose son dernier film "El séptimo dia" (Le septième jour) où il revient sur le thème de la violence à travers un conflit entre deux familles paysannes.

"La violence est un phénomène qui me déconcerte", confie-t-il à l'AFP. "Notre société a fait des progrès dans de nombreux domaines, mais en ce qui concerne la violence nous sommes en régression".

"Mon film - qui est inspiré d'un fait divers - n'est cependant pas une thèse et ne se veut pas porteur de message même s'il peut renvoyer à notre guerre civile, à la guerre du Kosovo ou à la guerre en Irak", dit-il.

Réalisateur de plus de vingt films - dont "Cria Cuervos" qui lui avait valu un grand prix du jury à Cannes en 1976 - Saura a été le porte-drapeau d'une génération de cinéastes et écrivains qui avaient exploité au mieux et souvent avec difficulté le peu d'espace que leur laissait le régime franquiste. "Tout était éteint à l'époque. Nous vivions de ce qui restait de l'explosion fantastique des années 30".

Il regrette aujourd'hui la banalité ou la vulgarité de certaines productions à la télévision et au cinéma en Espagne. Mais, dit-il, "je ne veux pas être un censeur".

De ses maîtres, Bunuel (Aragonais comme lui), Lorca et Dali - les personnages de son film "Bunuel à la table du Roi Salomon" -, Saura parle avec émotion. "Dans un pays qui cultive l'individualisme, la rencontre de ses trois monstres sacrés a été un phénomène rare qui a produit une explosion créatrice intéressante". "Il est probable que Bunuel n'aurait pas été Bunuel sans Lorca ou sans Dali et inversement", dit-il.

Il confie que lorsqu'il a voulu adapter "Noces de Sang" de Lorca, ses amis l'ont mis en garde. "Une espagnolade, tu vas ruiner ta carrière", dit-il en riant.

Depuis, Saura a cultivé ses passions pour l'opéra, la danse et la peinture avec "Carmen" (1983), "Flamenco" (1995), "Tango" (1998), "Goya à Bordeaux" (1999) et "Salomé" (2002).

Cette passion née dans le cercle familial - une mère pianiste, un père né en Andalousie, pays du flamenco, et un frère peintre - Saura entend s'y consacrer encore longtemps.

Son prochain film (musical) sera inspiré par le compositeur espagnol Isaac Albéniz dont les oeuvres seront "très librement" adaptées. Puis le chantier de l'an prochain sera une approche de Don Giovanni de Mozart, à travers le librettiste à la vie scandaleuse Lorenzo da Ponte.

Chantre de l'Espagne profonde, Saura a cependant toujours délaissé l'une des manifestations les plus fortes de l'identité espagnole, les courses de taureaux. "J'ai une position très divisée sur les corridas. Je peux être sensible à une bonne corrida qui peut s'approcher de ce qu'est la danse. Mais dans la très grande majorité des cas, il s'agit d'une mort inutile non justifiée", dit-il.

Les hommages - il a été fait Docteur Honoris Causa de l'Université du Mirail à Toulouse - et les rétrospectives de son oeuvre lui donnent parfois l'impression qu'on veut le pousser à prendre sa retraite. Mais, dit-il, "je suis encore là". "D'ailleurs en plus de mes films, j'écris".

Son prochain ouvrage "Ausencias" (Absences), largement auto-biographique paraîtra prochainement.

vendredi 15 octobre 2004, AFP.