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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2004-09-08 | |
Jafar Panahi a beau être l'un des réalisateurs de cinéma iraniens les plus estimés à l'étranger, il se demande s'il ne va pas être forcé de renoncer à son art par la censure qui sévit dans son pays.
"Ils tuent la motivation", dit-il de ceux qui traquent, avant d'autoriser la diffusion d'une oeuvre, la moindre image ou le moindre mot qui transgresse les valeurs islamiques ou révolutionnaires. "Ils rendent les choses si compliquées pour les réalisateurs que ceux-ci n'ont pas d'autre choix que de faire leur films en dehors d'Iran", dit-il à l'AFP. Mais pas question pour lui de filmer ailleurs que chez lui. Jafar Panahi, 44 ans, a connu la consécration à l'étranger: caméra d'or à Cannes en 1995 pour "le Ballon blanc", prix du jury encore sur la Croisette en 2003 pour "Sang et or", lion d'or à Venise en 2000 pour "le Cercle". En Iran même, "le Cercle", qui touche à de nombreux tabous sociaux, a été proprement interdit. Quant à "Sang et or", les ciseaux de la censure y ont entaillé une dizaine de scènes. "Je ne couperai pas une seule de mes prises, je ne les laisserai pas y toucher, ce ne seraient plus mes films", déclare l'artiste. "Mais cela veut dire que je vais peut-être devoir dire adieu au cinéma, parce que je ne veux faire de film ailleurs qu'en Iran. On ne me forcera pas à partir. Mes films parlent du peuple iranien et au peuple iranien". De nombreux films iraniens ne sont jamais projetés en Iran. Ils trouvent ailleurs la reconnaissance, quand ce n'est pas l'enthousiasme, pour leur acuité sociale ou une cinématographie qui peut couper le souffle. Mais, accuse le cinéaste, les censeurs se considèrent investis d'une sorte de "sagesse divine" et ont leurs listes noires de réalisateurs. Le plus acclamé des réalisateurs iraniens au-delà des frontières, Abbas Kiarostami, n'a plus été montré en Iran depuis 1997. Les autorités lui ont demandé de procéder à de telles coupes dans un film récent, "Dix", que celui-ci menaçait, selon la boutade de l'auteur, de devoir être rebaptisé "six". "Ils sont sensibles aux cas de certains d'entre nous et avant même qu'ils n'aient vu le film, ils ont déjà pris leur décision. Alors ils s'évertuent à trouver la plus petite faille", explique Jafar Panahi. Alors que, dans ses deux premiers films, "le Ballon blanc" et "le Miroir", des jeunes filles commentaient de manière plutôt gentillette le monde des adultes, "le Cercle" empoignait à bras-le-corps la discrimination sexuelle, l'avortement, la prostitution ou l'abandon d'enfants. "Sang et or" se colletait avec le suicide, le meurtre, les inégalités sociales. S'ils n'ont pas passé l'écueil de la censure, ces films sont disponibles sur le marché noir pour ces Iraniens qui, paradoxalement, en entendent souvent parler par les médias étrangers. Ils ne se reconnaissent pas nécessairement dans ces oeuvres, trop sombres, trop elliptiques ou trop esthétisantes à leur goût, quand la société est avide de plaisirs. Jafar Panahi, qui ne touche guère d'argent sur ses films, en a commencé un cinquième "l'an dernier, mais j'ai arrêté au bout de quelques mois. Je ne sais même pas si, un jour, on projettera en Iran mes films précédents, alors pouvoir croire qu'il y en aura un cinquième...". Malgré ses frustrations, il ne s'éloignera pas totalement du cinéma. En dernier recours, dit-il, il parcourra le pays avec un projecteur et montrera ses oeuvres à quelques enthousiastes. mercredi 8 septembre 2004, AFP.
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