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Les écrivains irakiens ont retrouvé la liberté mais perdu leurs illusions
article [ Société ]
AFP

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par [NMP ]

2004-08-31  |     | 



L'écrivain Hamid Moktar a passé plusieurs années en prison pour avoir critiqué Saddam Hussein. Le poète Khazal al-Majidi a choisi l'exil avant de revenir il y a un an à Bagdad après l'arrivée des Américains. Mais tous deux se disent aujourd'hui désenchantés par le nouvel Irak.

"La liberté de parole n'existe toujours pas en Irak. Je peux écrire ce que je veux sur le gouvernement, mais si je critique certains partis politiques ou la religion, je risque de me faire tuer", lance d'emblée M. Majidi.

Ce poète, dramaturge et essayiste, âgé de 53 ans, est rentré il y a un an dans son pays qu'il avait quitté au début des années 90 pour des raisons économiques et "parce qu'il ne pouvait écrire comme il l'entendait". "Dès que j'ai su que le régime de Saddam Hussein était tombé, j'ai fait mes bagages et je suis rentré avec ma famille", dit M. Majidi qui enseignait l'histoire ancienne dans une université libyenne.

Cet homme trapu aux yeux mélancoliques, de confession chiite, a choisi comme spécialité les domaines de la mythologie et de l'histoire ancienne, "une époque antérieure au christianisme et à l'islam sur laquelle on peut écrire sans problème".

Quant à sa poésie, "elle parlait d'amour, jamais des hommes, jamais de la réalité". Aujourd'hui, il rédige une pièce de théâtre, "Le Pillage du Paradis", qui fait clairement référence aux événements ayant eu lieu après l'arrivée des Américains en avril 2003 à Bagdad, pour marquer sa désillusion.

"Les Américains ont fait beaucoup de mal à ce pays, ils ont laissé le chaos et la violence s'installer", dit M. Majidi, également directeur de la programmation culturelle d'une chaîne de télévision.

Cet auteur d'une quarantaine d'ouvrages, qui rêve de vivre un jour de sa plume, avoue songer "sérieusement à repartir en exil". "J'ai quatre enfants. Je doit assurer leur avenir. Et la situation ici ne sera pas stable avant quelques années".

Le regard clair et vif, Hamid Moktar, 46 ans, qui a grandi dans le faubourg misérable de la capitale, Saddam City, rebaptisé aujourd'hui Sadr City, se rappelle aussi avoir "accueilli la chute de Saddam comme une libération".

Egalement chiite et travaillant dans un journal pour gagner sa vie, cet écrivain raconte avoir été condamné en 1999 à huit ans de prison pour avoir critiqué ce "régime de terreur".

Incarcéré dans la sinistre prison d'Abou Ghraib, il a été libéré grâce à une amnistie décrétée juste avant l'intervention américaine en mars 2003.

"Je peux maintenant écrire ce que je veux. Mais j'ai du mal à m'habituer à cette liberté. J'ai gardé mes vieux réflexes et je ne me permets toujours pas de parler de la réalité de façon directe", explique ce romancier qui dit avoir retenu de l'écrivain argentin Jorge Luis Borges cette petite phrase amère : "la dictature est la mère de la métaphore".

"J'ai peur que cette liberté ne dure pas. Il suffit de regarder la situation actuelle pour être pessimiste", poursuit-il en précisant avoir "perdu ses illusions sur le gouvernement intérimaire" après les combats dans la ville sainte chiite de Najaf (centre) entre l'armée du Mehdi de Moqtada Sadr et les forces américaines.

Son grand projet littéraire, qu'il espère terminer d'ici trois ou quatre ans, raconte justement l'histoire romancée de Mehdi, l'"imam caché", vénéré par les chiites, qui "revient enfin sur terre pour sauver tous les hommes, sans distinction de race, de couleur ou de religion".

"Koufa devient la capitale du monde", ajoute-t-il en balayant du revers de la main l'idée que cette histoire puisse déplaire à des religieux.

lundi 30 aout 2004, AFP.

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