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Unesco : Programme Mémoire du monde
article [ Culture ]
Arménie - Collection de manuscrits anciens du Matenadaran Mashtots

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par [NMP ]

2005-04-26  |     | 



Photo : Arménie: les Homélies de Mush et d'autres livres rares ont pu réchapper au génocide.

Programme Mémoire du monde
Sauvegarde du Patrimoine documentaire


Le patrimoine documentaire est le reflet de la diversité des langues, des peuples et des cultures. Il est le miroir du monde et sa mémoire. Mais cette mémoire est fragile. A chaque instant, des parties irremplaçables disparaissent à jamais.

***

Description et inventaire:Le Matenadaran Mashtots, qui est un institut de recherche scientifique sur les manuscrits anciens, et qui tient son nom de l'inventeur immortel de l'alphabet arménien (en 405) et fondateur de l'école arménienne, Mesrop Mashtots, est situé sur l'une des belles collines du nord-ouest d'Erevan, capitale de l'Arménie. La collection, qui est riche d'environ 17.000 manuscrits, touche à pratiquement tous les domaines de la science et de la culture antique et médiévale d'Arménie : l'histoire, la géographie, la philosophie, la grammaire, le droit, la médecine, les mathématiques, la littérature, les miniatures, et il existe aussi des manuscrits en arabe, en persan, en grec, en syrien, en latin, en éthiopien, en indien, en japonais, etc.

L'influence:le Matenadaran héberge une collection de manuscrits médiévaux contenant des traductions patristiques et autres traductions en arménien (Ve siècle) du grec ou du syriaque, dont les originaux ont disparu : il convient de citer notamment Six cents questions et réponses sur le livre de la Genèse par Philon d'Alexandrie, des ouvrages de Hermès Trismegistos ou Basile de Césarée et même la Chronique d'Eusèbe de Césarée qui représentent une source capitale pour l'histoire des trois premiers siècles du christianisme.

L'époque: Le Matenadaran a été fondé à Ecmiazin au début du IVe siècle, par les premiers "Catholicos" d'Arménie. C'était à la fois un centre de conservation des manuscrits grecs et syriaques et, à partir du Ve siècle, le principal centre de traduction d'Arménie. En 1939, le Matenadaran a été transféré à Erévan où le travail de recherche est encore aujourd'hui une activité centrale. Les vestiges les plus anciens de la littérature arménienne remontent aux Ve et VIe siècles. On n'a pas conservé de manuscrit complet, ces derniers nous parviennent à l'époque actuelle sous forme de fragments qui sont chacun le témoin d'un manuscrit par ailleurs disparu. Une partie de ces fragments a survécu sous forme de pages de garde des reliures des manuscrits. Les relieurs de l'époque médiévale cousaient souvent plusieurs feuilles de parchemin de manuscrits anciens ou inutilisés entre la couverture et la première page pour protéger l'écriture de tout contact permanent avec la reliure. Et c'est ainsi que beaucoup d'exemples de ces premiers ouvrages d'auteurs arméniens étrangers ont été préservés grâce à ces pages de garde, lesquelles revêtent par conséquent une très grande valeur scientifique. Une grande partie de ces fragments nous sont parvenus un à un, très souvent retrouvés au hasard ici ou là, dans des caves, des ruines ou enfouis dans le sol. Il existe des pages isolées déchirées de manuscrits écrits il y a fort longtemps, qui ont été transmises avec soin d'une génération à l'autre. Les reliures et les miniatures les plus anciennes qui se trouvent au Matenadaran remontent au VIe siècle. L'Evangile d'Ecmiazin, écrit en 989 à Noravank, contient 233 feuilles de parchemin, sept miniatures dont quatre datent du VIe siècle. La reliure est en ivoire magnifiquement travaillé et ce travail date aussi du VIe siècle.

Le manuscrit complet le plus ancien (conservé et daté) de la collection du Matenadaran est l'Evangile de Lazare, qui a été écrit en 887. Il a été conservé à Moscou, à l'Institut des langues orientales de Lazare. Il contient 229 feuillets écrits sur parchemin. La reliure est en cuir marron uni. Quant au manuscrit de papier le plus ancien qui existe en arménien, c'est une collection de travaux scientifiques et historico-philosophiques qui date de 981 et contient 359 feuillets.

Evaluation comparative: Fait partie de la collection le manuscrit arménien le plus volumineux du monde : les Homélies de Mush, dont les dimensions sont 55,3 x 70,5 cm et le poids, 27,5 kg. Il a été écrit pendant les années 1200-1203 au Monastère d'Avak, à Erzenka. Le scribe est Vardan, l'illustrateur, Stépanos. Il contient 603 feuillets de parchemin et est subdivisé en deux moitiés qui sont conservées séparément. Le manuscrit arménien le plus petit figure aussi dans la collection : c'est un calendrier d'église datant de 1434 qui mesure 3 x 4 cm et pèse 19 g. Le scribe est Agsent. Le manuscrit contient 104 feuillets de parchemin.

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Données bibliographiques relatives à l'inscription: Les travaux menés par les spécialistes du Matenadaran depuis 1959 leur ont permis de publier plus de 200 volumes, dont de précieux ouvrages arméniens, ainsi que des volumes du périodique scientifique "Banber Matenadaran" (Le héraut du Matenadaran). Pour aider les chercheurs, on a publié en 1965 et 1970 les volumes 1 et 2 du bref catalogue des manuscrits arméniens du Matenadaran avec des index détaillés du contenu des manuscrits, des colophons, des fragments ainsi que des listes toponymiques. Au cours des 20 dernières années, le Matenadaran a publié un grand nombre d'anciens monuments littéraires arméniens, dont il faut citer en particulier les "hishatakarans" (colophons de manuscrits arméniens) ; des volumes de brèves chroniques et de firmans persans (décrets) ; des oeuvres d'antiques historiens arméniens - Koriun (Ve siècle), Eghisheh (Ve siècle), Sebeos (VIIe siècle), Hovhannes Mamikonian (VIIe siècle), Kirakos Gandzaketsi (XIIIe siècle), "Histoire de Géorgie" (Kartlis Tskhovrebah) ; des traductions en arménien de quelques auteurs grecs - Theon d'Alexandrie (Ier siècle), Zénon, Hermès Trismegistus (IIIe siècle) ; des oeuvres de philosophes arméniens - Davit Anhaght (Ve-VIe siècle), Hovhan Vorotnetsi (XIVe siècle), Grigir Tatevatsi (XIVe siècle) ; des oeuvres de poètes médiévaux - Hovhannes Erzingatsi (XIIIe-XIVe siècle), Khachatur Kecharetsi (XIVe siècle), Martiros Krimetsi (XVIIe siècle), Naghash Hovnatan (XVIIIe siècle), Paghtasar Dpir (XVIIIe siècle), etc.

Historique: L'histoire de ce trésor est vieille de plusieurs siècles, et le premier noyau de ce fonds de manuscrits est constitué par le Matenadaran du patriarcat d'Ecmiazin. D'après l'historien du Ve siècle Lazar Papetsi, le Matenadaran d'Ecmiazin existait dès le Ve siècle. Il prit beaucoup d'importance après 1441, quand le patriarche suprême d'Arménie changea de résidence et quitta Sis (Cilicie) pour Ecmiazin. Des centaines de manuscrits vont être alors copiés à Ecmiazin et dans les monastères situés à proximité, en particulier au cours du XVIIe siècle. Et peu à peu, le Matenadaran d'Ecmiazin devint l'un des dépositaires de manuscrits les plus riches du pays. Dans l'un des hishatakarans (colophons) de 1668, il est noté qu'à l'époque du patriarche suprême Philipos (1633-1655), la bibliothèque du monastère d'Ecmiazin s'est enrichie de très nombreux manuscrits. Et l'acquisition de manuscrits fut aussi très largement pratiquée sous le règne de Hakob Djughayetsi (1655-1680).

Malheureusement, au cours du XVIIIe siècle, Ecmiazin fut l'objet de maintes attaques de la part d'armées hostiles. Au début du XIXe, seule une petite partie de cette grandiose collection de manuscrits subsistait au Matenadaran. Une page se tourne dans l'histoire de ce Matenadaran d'Ecmiazin quand l'Arménie orientale s'unit à la Russie en 1828. Les artisans de la culture arménienne commencent alors à réunir de nouveaux manuscrits et à remettre la collection en ordre avec une foi renouvelée. En 1892, le Matenadaran compte 3.338 manuscrits ; en 1906, il en compte 3.788. A la veille de la première guerre mondiale, il en compte 4.060. En 1915, le Matenadaran reçoit 1.628 manuscrits de Vaspurakan, Lim, Ktuts, Akhtamar, Varag, Van, Tavris, etc.

Le 17 décembre 1929, le Matenadaran d'Ecmiazin devient officiellement propriété d'Etat. Les 4.060 manuscrits qui avaient été emportés à Moscou en 1915 pour y être mis en sûreté sont restitués en avril 1922. Entre 1915 et 1921, ce sont 1.730 manuscrits qui viennent grossir la collection. Assez rapidement, le Matenadaran reçoit des collections entières de l'Institut des langues orientales de Lazar situé à Moscou, du Séminaire de Nerssesin, de Tbilissi et de la Société d'ethnographie arménienne de Tbilissi, du Musée de littérature d'Erevan, etc. Une bonne part de ces manuscrits sont originaires d'Erzérum, Nornakitchévan (Rostov-sur-le-Don), d'Astrakan, etc. En 1939, le Matenadaran d'Ecmiazin a été transféré à Erevan pour faciliter la garde des manuscrits et les recherches ultérieures. Le Matenadaran a été réorganisé, le 3 mars 1959, en institut de recherche scientifique. Il lui a été annexé des départements de conservation scientifique des manuscrits, de catalogage, de recherche, et des départements spécialisés dans la publication et la traduction des manuscrits. Grâce à beaucoup de persévérance, le Matenadaran peut désormais mettre à la disposition de ses usagers un certain nombre de catalogues, de guides, de notations et d'index sur fiches. Le Matenadaran dispose des fonds suivants : le fonds des manuscrits, les archives, la bibliothèque, et le département chargé de la publication de textes. Pour pouvoir conserver ces inestimables trésors de culture antique et prolonger leur existence, il a été installé des bureaux de restauration et de reliure ; on a aussi cherché à exploiter les progrès scientifiques réalisés sur place et à l'étranger. Historiens, philologues, scientifiques de diverses spécialités peuvent puiser largement dans les études multiples qui ont été faites de divers domaines de la culture médiévale.

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Les travaux de conservation réalisés par le Matenadaran ont immédiatement fait connaître ce grand dépositaire de manuscrits arméniens. Des particuliers, tant en Arménie qu'à l'étranger, lui font souvent don de manuscrits et de fragments préservés. Il suffira d'évoquer Harutiun Hazarian, de New York, qui a fait don de 397 manuscrits arméniens et non arméniens ; de Rafael Markossian, de Paris, qui a légué 37 manuscrits à son pays natal ; de Varoushan Salatian, de Damas qui, à la mémoire de ses parents, a fait don de 150 manuscrits ; de Arshak Tigranian, de Los Angeles ; de Karpis Jrbashian et de George Bakirjian, de Paris et de tant d'autres. Il faut aussi parler de ceux qui ne possèdent qu'un seul manuscrit et qui en font néanmoins don. En 1969, un vieillard de 95 ans, Tachat Markossian, originaire du village de Gharghun (New Julfa, en Iran) a adressé au Matenadaran un manuscrit daté de 1069, qui fut copié au Monastère de Narek sur l'évangile du Ve siècle de Mesrop Mashtots. Hovhannes Bostanian, de Lyon, en France, a vécu tout le génocide de 1915 sans se séparer de l'unique manuscrit qu'il possédait et qu'il est venu en personne offrir au Matenadaran 52 ans plus tard, en 1967. Julien Hovsepian, de New York, ne possédait qu'un fragment d'une miniature fort rare, mais il en fit don au Matenadaran.

Le moindre élément, le moindre fragment de la culture arménienne a son importance et le personnel du Matenadaran n'épargne aucun effort pour prévenir toute perte irrémédiable. C'est à cette fin que l'on renforce l'action menée en Arménie même et à l'étranger pour faire revenir les manuscrits qui sont encore aux mains de particuliers. Nombreux sont ceux qui servent ainsi avec passion la cause des manuscrits et des vestiges de l'Arménie antique et qui, jeunes et vieux, participent aux recherches et à la conservation du patrimoine culturel arménien. L'administration du Matenadaran s'emploie en outre à acquérir des microfilms des manuscrits arméniens conservés dans des musées et des bibliothèques à l'étranger pour pouvoir compléter les travaux scientifiques et les publications du Matenadaran lui-même.

Parmi les projets en cours pour améliorer les moyens de conserver les manuscrits, il faut citer la construction d'un tunnel de 100 mètres de long et de 30 mètres de large qui a été creusé au début des années 1980 au-dessous de la colline sur laquelle le Matenadaran est construit. Ce tunnel a essentiellement pour objet d'héberger les 17.000 manuscrits et les quelque milliers de fragments de la collection. Le tunnel est achevé mais il n'est pas encore utilisé parce que deux problèmes techniques demeurent sans solution : la climatisation doit être modernisée et l'ensemble de la structure doit être rendue totalement imperméable aux fuites qui se produisent tous les ans au moment de la fonte des neiges. Plusieurs solutions sont à l'étude, bien que l'Institut ne puisse financièrement en choisir aucune.

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