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le sel des jours
prose [ ]

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par [erableamots ]

2005-11-24  |     | 



LE SEL DES JOURS


La soupe serait fade sans le sel des jours. Les jours seraient longs sans le poivre du temps. Les cendres seraient froides sans la flamme du cœur. Nous barbouillons nos lèvres avec les mêmes mots. Nous trempons nos yeux dans les mêmes images, pétale de feu, aile de neige, le sang, le blé et l’eau. Ouvre les yeux que je voie. C’est pour toi que je touche à l’azur comme on touche à la vie.

J’ai déposé des fleurs dans un coin de cervelle. J’ai nettoyé mes yeux, le silence et la paix. Dans le pays des mains, les lignes sont des routes. Les mots dorment en comptant leurs syllabes. Je les habille pour t’aimer. Le mot amour sur la table fait des caresses au pain. Le mot ciel sur toi fait rêver les étoiles. Le mot mer fait des vagues sur toutes les assiettes. Le mot chat vient griffer les voyelles endormies.

Il n’y a pas de hasard mais des rendez-vous. À plat ventre sur les mots, je tends ma phrase vers ta voix. Je veux d’un souffle réchauffer ta parole gelée et refaire les lignes sur la toile des paumes. Un bol de larmes qu’on agite se transforme en sourires. J’y tremperai mes lèvres et mon crayon de pain. Il n’y a pas de hasard mais des choix. Je marchais enfoncé dans mes poches entre la peur et l’espérance. Je cours maintenant sur la ligne d’horizon. Je te lance un ballon impossible à crever. Je dessine un sourire à chaque épouvantail, un oiseau sur la pierre, un soleil d’enfance sur le grain des nuages.

Je souligne ton île dans le sable des mots. J’ai dormi avec toi avant que tu n’existes. Je t’attendais ailleurs bien avant toi et moi. La même sève aujourd’hui fait croître nos racines. Le vent me parle avec ta voix. Les étoiles me regardent par tes yeux. Quand nous marchons ensemble, nous sommes en prière sur l’autel des pas. Il suffit que tu pleures pour embellir la pluie. Vieillir avec toi, c’est retrouver l’enfance.

Chaque matin, tes merles viennent boire à mon ventre d’écorce. Ça sent l’érable à sucre sous ta robe d’été. Avec toi, c’est la vie qui nous coud dans sa trame. On n’arrive jamais seul. Je te portais déjà avant même de naître. Du désordre du monde au recueillement de l’être, nous sommes des passeurs. À deux, nous sommes libres et plus unique qu’avant.

Si l’hiver est trop long, nous ferons des pommes et des raisins. Nous ferons des fraises avec nos mots. Tu fais de moi ce que la pluie fait d’un jardin. Quand je touche tes hanches, mes mains sont larges comme le ciel. Quand je marche avec toi, toutes les routes s’éclairent. Quand je dors avec toi, même le rêve est jaloux. Est-ce le fleuve qui s’abandonne à l’île ou l’île qui se donne ? Je me ferai de vent pour toucher ton oreille. Je me ferai de sève pour réchauffer le tronc. Je me ferai l’épine protégeant les pétales. Je ne peux plus souffrir, tu m’obliges au bonheur.


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