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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2005-11-10 | |
AVEC MES MOTS
La vie se perd dans l’économie. On ne vit plus, on compte. On ingère la pensée comme un pain de famine. L’âme se perd dans l’appétit des choses. Je marche avec mes mots vers le silence qui m’a fait naître. On ne part jamais vraiment, on emporte avec soi tout ce qui nous a fait. On vit des arbres et des oiseaux, de l’air et des rivières. La terre nous enseigne la patience des pas. La mer nous apprend la force du désir. Je porte sur l’épaule un baluchon d’émois, un carré de sable dans le cœur, une île sur la peau. À force de lire avec les yeux du silence, j’ai fini par planter mes dents sur les blancs de la vie. J’écris avec mes pas, mes gestes, mes blessures, mes joies. Je laisse couler dans la mémoire de l’argile la main inquiète du semeur, l’algèbre des syllabes. Mes mots ont de la terre collée au bout. Ils respirent en s’écrivant. Ils titubent et se noient. Ils apprennent la nage avec les poissons, les algues, les coraux. La pluie est une immense oreille. Elle écoute les racines et la soif des pierres. Les étoiles brûlent sans fumée. Tout arbre sait où trouver ses racines. La sève communie aux frissons du feuillage. Dans son église minuscule, le poussin rêve déjà du ciel. Dans chaque mot, il y a une place pour chacun. Il y a de l’inaudible, des sons et du silence. Il y a de l’invisible et des images autour soulignant la présence. Il y a des retraits, des seuils, de la vitesse et du courage. Un seul mot contient tout et c’est le mot amour. Les mots ne tracent aucune route. Ils remontent du puits. Ils ponctuent l’inconnu. Ils jappent quelque fois devant les muselières. Ils crèvent les poumons. Ils répondent à l’appel quand les larmes débordent. La pluie est une mémoire verticale. Nous sommes la volonté des gouttes, la buée de la soif. Le cœur contre un mur se protège du froid. Il gèle sous les chiffres et répare sa laine. Il pousse dans les veines l’odeur du jasmin, la paille du soleil, le passage du vent. Sans rêve, le réel n’est qu’un oiseau sans ailes insistant pour voler. Mes yeux péninsulaires agitent les images pour en cueillir le fruit. Du silex à la plume, de la boue jusqu’aux mots, je porte la lumière. Il n’y aurait pas de musique sans silence. L’intimité du souffle est peuplée de rumeurs. Le chemin se rétracte ou s’agrandit selon les mots sur le papier. Je voudrais écrire des phrases fragiles comme l’air, accéder aux étoiles et aux arbres avec un seul mot, peindre du bout des lèvres un peu d’éternité. Pourquoi le soleil et la lune ? Pourquoi la faille entre la terre et nous ? Quand le présent confond l’avant avec l’après, le passé est aveugle et l’avenir masqué. Parfois je m’échappe du temps pour lire sur le sable et m’avancer dans l’eau, là où commence l’horizon du cœur. La persistance du rêveur déplace l’horizon. On peut brûler mes routes, mes images, mes mots, mes lignes d’encéphale; mes cendres en garderont l’espoir. Le corps a d’autres yeux, d’autres mains, d’autres pas. À l’instant où j’écris, la lumière est plus pure. La peau des substantifs a la couleur du ciel. Tout s’allume dans l’eau qui cherche ses prières. Les quatre points cardinaux se croisent dans l’humble bruit d’un pas. D’un continent à l’autre, il nous faudrait parler la langue de la mer. Je ne crois pas à la durée des choses mais à celle des mots. L’heure n’est jamais la bonne. Les images, les traces de la mer, les timides végétaux, les fleurs qui poussent sur le roc nous transportent avec eux. Je connais mieux l’abeille que la piqûre du monde, la plainte sous le sable que le froid du béton. Je suis né simplement dans le ventre d’une mère, celle qui m’enseigna la première parole, les débuts de l’aurore, les régions colorées où vivent les oiseaux, la connivence intime de l’arbre et de la terre, du vent avec le feu, la musique de l’eau. La vie ne dure qu’une seconde, autant souffrir d’absolu. Rien n’apaise l’espérance. Le mot est un retour à l’instant disparu. Le mot est une marche inventant l’escalier. Il suffit d’un parfum pour qu’un aveugle voie. Certains mots ont la senteur du silence. Il y a sûrement des routes qui ne se perdent pas, des loups qui hurlent au soleil, des rêves qui s’accouplent, des crayons de couleur sous l’aile des corbeaux, le moule d’un pied nu sur une île déserte. Le jour est un visage. La nuit est un regard. Les yeux se perdent quelque fois quand on compte les heures. Au moment de mourir, le corps importe peu. C’est le silence qui oriente les mots. Les mots ressemblent à l’invisible, à l’espace, à la vie. Ils créent de la musique dans le vide sonore. Ils percent les paupières et tout ce qui rend sourd. La mer se dessine dans le creux des rivières. J’apprends à écouter un brin d’herbe au soleil, un flocon dans sa neige, un cœur dans ses veines. Les jours n’ont qu’à se suivre, les rêves s’en écartent. Un soldat privé d’armes retrouve la parole. Il cherche des jouets qui servent à rêver. La tendresse prend naissance pour retrouver l’enfance. Je mets le feu aux mots. Des syllabes s’embrasent pour réchauffer le cœur. Des étincelles de phrases éclairent dans la nuit. Je fouille dans la cendre pour en saisir le sens. J’avance encore d’un pas pour remuer la pierre. J’adhère à la racine pour comprendre les feuilles. Le regard vient à nous à travers les images. Mes mots sont assis en lotus sur la natte des pages. Ils gonflent comme un pain sur la nappe des jours. Il y a dans la parole l’extrême du silence, la pure présence au monde. Le regard s’ajuste au moindre mouvement comme le rêve à la nuit. C’est à flanc de parole que je monte à la vie. J’agite sur la page un feuillage d’images, un arbre virtuel où grimpent les idées qui ne sont pas reçues. Du silex au stylo, je soulève par couche le temps sédimentaire. L’été revient toujours sous la forme des neiges. Les épines en hiver gardent l’odeur des roses. Le caillou sur la route est un morceau d’étoile. 10 novembre 2005 |
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