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Măsor
prose [ ]

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par [D-na Gheo ]

2010-10-02  |     | 



L’hiver fait ses préparatifs de départ sans trop se hâter. Il va nous quitter et regagner son royaume, au Pôle Nord, pour nous revenir l’an prochain, car il aime bien nos contrées, surtout notre ruelle peuplée de braves gens et d’enfants sages. C’est le dernier jour de février et demain, premier mars, c’est le premier jour de printemps. L’hiver est bien décidé: il va partir même si le chemin est ardu; il lui arrive parfois de n’atteindre le Pôle Nord qu’au mois d’avril, car il est souvent obligé de revenir sur ses pas afin de récupérer en route des neiges oubliées, des tempêtes obstinées. Alors les gens lui en veulent. Comme si lui, l’hiver, était content!

Măşor regarde par la fenêtre et cherche à deviner quel temps il fera le jour suivant – le premier mars, début du printemps! Il lui faut accueillir la belle saison chaussé de ses souliers flamboyant neufs et coiffé d’un joli béret préparés par sa maman. La neige a fondu mais le froid persiste. Sur une petite table, à côté de la fenêtre, grand-mère a rangé l’amulette. Măşor jette des regards affectueux tantôt aux souliers, tantôt au béret et à l’amulette qui va décorer le col de son pardessus.
- J’aimerais qu’il fasse beau demain et qu’il y ait un peu de soleil, se dit Măşor; je pourrai ainsi mettre ma toilette de printemps!
À peine ébauchée sa pensée, Măşor sursaute à la voix de sa mère:
- Au lit, mon petit, tu vas prendre froid à rester comme ça, devant la fenêtre! Au lit!
- Ouf, ces mamans, elles savent tout! Comment la mienne a-t-elle deviné que je ne dormais pas, puisqu’elle était dans sa chambre!!
Mais maman connaissait bien l’habitude de Măşor de s’attarder à la fenêtre.

Toujours rêveur, s’imaginant dans sa nouvelle tenue, Măşor finit par s’endormir.

Le lendemain, une lumière douce inonde la chambre du garçonnet. Un rayon de soleil joue déjà avec l’amulette, un autre essaie de réveiller l’enfant, le troisième se plaît à caresser les chaussures neuves.
C’est maman qui, finalement, réussit à réveiller Măşor qui dormait comme un bienheureux, ayant oublié tous ses petits soucis.
- Debout, ma puce! On t’attend à la maternelle! Il faut savoir se couchet à temps pour se lever tôt.
- Oh, maman! Voilà, le soleil est là…!
- Oui, Măşor, c’est le printemps.
- Alors je peux mettre mes souliers neufs! A la bonne heure!
- On ne sait pas encore. Attends! Le premier jour de printemps est souvent trompeur! Il faut se méfier.
Maman ouvre la fenêtre, la referme et dit:
- J’ai raison. Il fait encore frais. Ce n’est pas un temps à sortir en souliers.
- Mais si, mais si! Je prends mes souliers neufs!
- Măşor, tu es un enfant sage, tu vas obéir à tes aînés, surtout à maman.
- Et le soleil, maman…!
- Oui, mais il ne fait pas chaud, pour autant… Maintenant, vite, va dans la salle de bains pour la toilette. Nous t’attendons dans la cuisine. Le petit déjeuner est prêt.
Pour ses cinq ans, Măşor est un garçon raisonnable mais, voilà, il avait tant rêvé à ce jour, le premier mars! „Tous les enfants auront quelque chose de neuf, sauf moi…” „Mais non, je ne prendrai pas froid, je suis déjà grand” se dit Măşor en se dirigeant vers la salle de bains. Dans sa chambre, les chaussures, le béret et l’amulette attendent impatiemmment.
- Comment ne pas aller à la maternelle, aujourd’hui, nous les souliers neufs, comment rester à la maison par un jour pareil!?Non, il faut sortir, pour se faire voir de tous les autres souliers, discutent les chaussures neuves de Măşor.
- N’oublie pas, tous les parents ont acheté des chaussures pour leurs enfants; pas aussi belles que nous, mais…
- Et maintenant, les autres vont sortir tandis que nous…
- Ce n’est pas possible, c’est même inadmissible!
- Moi aussi, dit le béret, je veux voir mes amis, achetés en même temps que moi. Je ne les ai plus rencontrés depuis un mois. Au magasin, on était tous logés sur le même rayon et on s’amusait bien ensemble.
- Toi, tu fais ce que bon te semble, cher béret, disent les souliers, mais nous, nous nous battrons pour sortir; nous n’abandonnerons pas la partie.
- Moi, non plus.
- Taisez-vous! J’ai mal à la tête, votre bavardage m’étourdit, dit l’amulette. Vous ne voyez pas? Malgré le soleil, il fait froid.
- Tant pis! Plus tard il fera chaud. Et puis, toi tu sortiras de toute façon, c’est ton anniversaire. Tu te moqueras de nous qui restons enfermés dans la maison, lui répondent les souliers révoltés.
- Faites comme vous voulez, je ne conseillerais pas à Măşor de désobéir à ses parents.
- Ne parlez plus à cette amulette! Elle nous envie, ça crève les yeux, intervient le béret.
- Entre temps Măşor est prêt. Il n’a plus qu’à mettre son béret et ses souliers avant de partir à la maternelle.
- Măşor, lui dit doucement sa mère, n’hésite plus! Prends tes bottes bleues et ton béret chaud.
- Non, réplique Măşor contrarié.
- Non, répètent en chœur les souliers et le béret. Nous t’accompagnons.
- Tu vois bien, maman, eux aussi ils sont impatients de prendre le soleil.
- Quel soleil, demande l’amulette, mais sa voix se perd dans le vacarme.
Elle se voit planter sur le col du manteau de Măşor où elle est d’ailleurs très à l’aise. Pourtant, sa bonne humeur disparaît à la pensée que les souliers et le béret sont vraiment inconscients. Elle, elle sait très bien que le premier mars il fait un temps capricieux, changeant. Si Măşor attrape un rhume il faudra faire venir le médecin, toute la maison sera empestée de l’odeur des médicaments! Mais l’amulette est trop petite pour qu’on lui prête attention.
Măşor, paré de ses plus beaux atours, fait son apparition dans la rue. Il regarde de tous les côtés pour que ses camarades puissent admirer sa tenue. Tous les gamins portent une amulette, mais Măşor est le seul à porter un béret et des souliers, si bien qu’il est sur le point de rentrer pour se changer.
- Pourquoi reculer? demandent les souliers et le béret.
Plein de courage Măşor se joint au groupe de copains et se met en route. Personne ne semble remarquer son béret et ses souliers.
- Tout le monde n’a d’yeux que pour les amulettes, nous, nous passons inaperçus; dit le béret vexé.
- Tu as raison, reconnaissent les souliers, qui pour se venger marchent sur les bottes de Tori.
- Eh, Măşor, tu ne vois plus où tu marches? Ah, c’est ça! Regardez-moi ça: Măşor a des souliers vernis neufs!
- Ah bon! Comme ils sont chouettes. Mais si le temps se gâte et les abîme! La neige peut tomber à tout instant.
- Tais-toi! Touche du bois!
- Et si on lui marchait dessus? demande l’un des souliers neufs de Măşor.
- Ne t’en fais pas! Nous sommes de loin les plus beaux, répond l’autre.
Et voilà tous les enfants arrivés à la maternelle. Ils y restent jusqu’à une heure de l’après-midi. Tout peut arriver dans cet intervalle. C’est ce qui se passe: vers les dix heures du matin, il se met à neiger comme au début de l’hiver.
Au revoir soleil. Au revoir, ciel bleu. Les enfants ne peuvent plus contenir leur joie: encore une bonne partie de luge en perspective! Seul Măşor, isolé dans son coin, regarde tristement ses souliers qui vont tremper dans la boue.
- Qu’est ce qu’on va devenir? pleurnichent les souliers.
- Măşor, tu ne viens pas admirer la neige? Regarde les jolis flocons! Ce soir on se rencontre sur la colline, avec nos luges! ajoute Sori.
- Moi,… tu sais… je n’aime pas l’hiver, chuchote Măşor.
- Mais le jour de la première neige tu éclatais d’enthousiasme.
- Oui, … c’est vrai….
Le programme fini, la clochette sonne et les enfants retournent chez eux par petits groupes. Măşor ne se dépêche pas. Il traîne dans les couloirs de la maternelle et ses souliers ont déjà perdu leur éclat. Aussitôt rentré, Măşor constate les dégats: le vernis des souliers a craqué, le béret est mou, son propre nez est rouge. Le garçon éternue et il a froid. Ses amis dans la rue, ils ont organisé une bataille de boules de neige. Măşor garde le lit. Il a de la fièvre. Sa chambre est encombrée de médicamentsa, de sirop, tisanes, de tas de mouchoirs. A côté du lit de Măşor gémissent les souliers vieillis de dix ans ; quant au béret, tout dégonflé, il est oublié sur le dossier d’une chaise. Par contre, l’amulette est toujours aussi brillante.
- Je prendrais volontiers un cachet d’aspirine si cela pouvait réparer mon v ernis, se plaint un soulier.
- Moi, je me ferais faire un massage avec ce qui est dans le flacon rose, si je savais que la peau me serrait moins , complète l’autre.
- Et moi, je m’étendrais sur cet oreiller chaud, soupire le béret. J’ai tellement froid…
- Je regrette pour vous, mais il m’est impossible de vous aider; je suis trop petite et puis je vous ai avertis; et vous n’avez pas voulu m’écouter.
- Qui pouvait te croire quand le soleil brillait à nous aveugler!? Après tout, nous sommes coupables et nous méritons notre sort. Pourvu que Măşor recouvre sa santé! Quand à nous, on s’en sortira…
Le garçon emmitouflé dans ses couvertures transpire et souffle à grand- peine.

Comme je suis entrée dans sa chambre- j’étais venue lui apporter une boîte de chocolats pour le 1 Mars – il m’a tout raconté: son désir de mettre ses souliers neufs et son béret le premier jour de printemps , mais aussi combien il regrettait d’avoir désobéi à sa mère.
- Vous savez, Mme Gheo, ce n’est pas que moi qui suis malade. Les souliers et le béret le sont aussi. Vous croyez qu’ils guériront?
- Certainement, Măsor ! Ce sont tes souliers, non? Et ton béret.


Traduction faite par Coroiu Simona et Dolcu Emilia

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