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Peser la distance
poèmes [ ]

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par [felipe ]

2007-03-12  |     | 



Peser la distance


L’Espace ou bien la mer, à cet instant ou l’océan demeure « terra incognita », c’est la même démesure, la part d’inconscience et de courage mêlés, s’ouvrant à la découverte.

Les gens ici ne peuvent concevoir l’éloignement autrement qu’un sectionnement des racines. Une lieue, c’est déjà l’inconnu, quelques verstes de plus, ils sombrent dans la nostalgie des terres matricielles de l’enfance. Peut-être est-ce simplement un travers commun, à ce peuple de France, assujetti à l’idée de Patrie. Les hauts savoyards ont le vertige, lorsqu’ils s’éloignent du bornage rassurant des montagnes. Les plaines à perte de vue leurs sont irrespirables.

Je n’aime pas ce pays, du moins les personnes qui le composent. A peine ont-ils mené à bien une révolution, qu’ils soutiennent déjà un Empire ; subi dans les douleurs extrêmes, les affres d’une guerre, qu’ils prêtent déjà serment d’allégeance aux pires démagogues et s’avilissent dans les compromissions. Pourtant, ils ne sont pas versatiles, mais indécis et dépourvus de mémoire. Il y a peu encore, mais cela semble l’éternité, des mots, redevenus vides de sens, pouvaient les mobiliser : Ces mots gravés au fronton des édifices publics : Liberté, Egalité, Fraternité, que ressassent quelques poètes emphatiques, en mal de notoriété.

Pour que revienne le sens, il faut toucher le fond, le fond du vide, de l’absence d’espace, l’abîme des gouffres et de la solitude, peser la distance et ce qui s’amenuise entre la détresse, pour qu’elle devienne commune, partageable et se mue en revendication. Mais, avant, il faut n’avoir plus rien à perdre, que soi-même, s’abandonner et peut-être se trouver.

Le grand œuvre du Libéralisme, c’est la dissolution de l’humain, au bénéfice du capital. J’évoque volontiers une coloration fanée, mais qu’est-ce qui a changé depuis ce que Paul Eluard nommait déjà « L’internationale du profit » en 1936 ? Rien, sinon un peu plus de clairvoyance, de lassitude et de renoncement devant ce qui pourrait sembler l’inéluctable, terrifiant, lorsqu’on en accepte l’idée d’irréversibilité, lorsque la lutte paraît perdu d’avance. Comme affronter la mer, les jours de tempête, où prendre le risque d’oser traverser la rue, lorsque l’on souffre d’agoraphobie.




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