Ô Pivoine, muse royale,
En mon jardin, noble vestale,
Ton charme fait gonfler les cœurs
Et frémir tes adorateurs,
Ces vaillants princes agenouillés
Devant ta divine beauté.
De tes atours, de tes soupirs,
Tu aurais inspiré Shakespeare ;
Bienheureux soit le ver galant
Qui voudra te prêter serment.

Séductrice aux sombres pétales,
Ma fleur de chairs sentimentales,
De ton subtil parfum musqué,
Tu sais la bête intoxiquer.
Enjôleuse au minois joufflu,
Dans ton suave écrin velu
Chatoie un délicieux bijou,
Exaltant, exultant joujou,
Resplendissant de mille feux
Quand chatouillé d’un doigt joyeux.

Et te voilà d’amour gorgée,
De tant de désir affligée
Qu’une chenille d’un baiser
Sitôt fait perler ta rosée.
Tu sais t’y prendre, enfant coquine !
Dans ton calice, la cyprine,
Plus fin nectar que l’ambroisie,
Promet l’ultime frénésie.
Ô Pivoine, ma cannibale,
Ton plaisir est douceur fatale
Dont s'abreuve si bien ta proie
Que folle d’ivresse, elle s'y noie !

--------------------------
Blason : genre poétique du 16e siècle ;
poème élogieux ou satirique qui décrit
en détails les qualités d’un être, d’une
partie du corps ou d’un objet.