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■ Magnolia
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2016-08-01 | | Une immense pièce blanche sans mur tient lieu de salon au bon Dieu. Cette pièce est vide de toute chose, de tout être, de tout angle et sinuosité, ce salon n'a pas de limite. N'y demeure que la lumière et l'espace! En son centre, s'il existe un centre dans cette infinité blanche, est encré un poste de télévision bien rétro et un vieux canapé rose. Non pas qu'il y ait une raison au fait d'être rose mais parce que le bon Dieu aime les singularités. Mais la chose la plus remarquable est cette télévision... Quand il ne s'affère pas à la création, le Divin vient s'offrir sur cet objet somme toute on ne peut plus banal la contemplation de ses œuvres. Il prend sa télécommande universelle et zappe à tout va, oscillant d'une émotion à l'autre. D'image en image, il observe ses mondes et créatures, passant d'une époque à l'autre d'un simple clic de bouton. Il scrute de son œil-qui-voit-tout les vies en devenir, les histoires passées... pour le démiurge le temps n'a pas de prise, comme sa télévision d'ailleurs. De l'épanouissement d'une simple fleur à la naissance d'un enfant, de la magnificence de l'évolution guidée par la sélection naturelle à l'accouchement d'étoiles dans d'immenses pouponnières, en passant par le cancanement d'un canard boiteux en rut dans la solitude des steppes de la Tchouïa, le Seigneur des mondes ouvre grand ses yeux (et oui il a plusieurs yeux ça peux servir quand on regarde la télévision aussi assidûment que lui). Il rit à gorge déployée en regardant les hommes d'esprits, les comiques troupiers, les clowns qui trébuchent et particulièrement les hommes qui désespèrent à la moindre embuche et ne s'aident que par la prière. Pourtant parfois ce triste sire se met à pleurer. Quoi? Pensiez-vous que l'inventeur des émotions en était lui-même dénué? Il regarde les "sorcières" mises au bûcher de Salem, l'esclavage des peuples d'Afrique et d'ailleurs, d'hier ,d'aujourd'hui et de demain, les camps d'exterminations nazi, khmer, les sacrifices mayas, l'inquisition et sa question, l'anéantissement de peuples et d'espèces soit disant inférieures, la servitude des plus faibles et la présomptuosité à se croire supérieur jusqu'à jouer les humbles, l'ignominie des massacres perpétrés en son nom! Et des noms on lui en avait donné tant: Elohim, Yahvé, Jésus, Allah, Krishna, Vishnu, Shiva, Brahma, Quetzalcoatl, Huitzilopochtli, Tlaloc, Gitche Manitou, Wakan Tanka, Sedna, Zeus, Jupiter, Mithra, Gaia, Eros, Mithra, Isthar, Baal, Amon Ra, Odin, j'en passe et des meilleurs! Comme si nommer l'incertitude allait permettre à l'homme d'acquérir la quiétude! Comme s'il avait créé l'univers afin qu'une partie de celui-ci en anéantisse une autre! Quand sa tristesse atteint son comble et touche à la colère, il se surprend à pester contre ceux qui nient son existence sous prétexte que de telles horreurs existent... Mais se montrer directement ou agir sur la vie des êtres du monde serait leur enlever leur bien le plus précieux: leur liberté. A présent le démiurge hurle devant son écran: "seriez-vous libre de choisir si vous vous saviez regardé?" Dans un sanglot il change de chaine et d'époque. Il s'émeut devant l'espoir que d'autres hommes peuvent donner, du cœur qu'ils peuvent offrir, de l'abnégation, de la force de tous les animaux face à l'adversité. Le voici remplit d'allégresse lorsqu'il regarde ces enfants jouer ensemble sans faux semblant ni gravité, ces amoureux qui s'bécotent sur les bancs publics en s'foutant pas mal du regard oblique des passants honnêtes (le bon Dieu aime particulièrement George Brassens), ou ceux là encore se serrer une dernière fois sous les cendres de Pompéi. Le bon Dieu s'arrête sur chacune de nos vies, qu'il parcourt en avant, en arrière et admire autant qu'il ne réprouve. Il se plaît à observer une simple main tendue, comme il s'émerveille de l'imagination humaine et de sa propension à explorer de nouveaux horizons. Parfois son œil rieur s'attarde sur les écrivains qui tentent vainement de le conter, parfois il s'étonne encore de cette quête perpétuelle à le chercher plutôt qu'à vivre simplement l'instant. Mais voici qu'il change de chaine une fois encore et se met à sourire sur le présent d'une personne. Cet individu qui sur l'écran à l'air si incrédule et perplexe tandis qu'il lit une nouvelle contant les tribulations d'un Divin Zappeur. |
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