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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2013-05-05 | |
Entre l’être et la tétée, je fus,
Tiraillé par cette succion de ventouse entre le ciel et la terre Le passé et l’avenir... Au présent je suis Lèvres ouvertes à la vie Entre une double contrainte un double sentiment De perdition et de transition De danger et d’opportunité... Partout les images et les sons fusent Tout se cause, tout se casse C’est la classe ! L’allaitement télévisuel. (…) Avant-propos Un manque de vitamine peut-il nous rendre stupide et dépendant de la TV réalité ? Du Top Chef à La Grande Librairie, sur les médias "on cause" beaucoup de tout et de rien, comme s’il fallait absolument causer des causes de tout. Pourquoi cette inflation d'émissions littéraires et culinaires sur les radios et les télévisions ? Pourquoi ce raz-de-marée de livres autour de ces deux thèmes ? On cause beaucoup et on décause plus encore; on cause de livres parfaits et de repas tout aussi parfaits ; alors, pourquoi cette double mamelle en AIRE de je(u), littérAIRE et culinAIRE ? Pourquoi en période de crise, la bouche qui parle et mange joue-t-elle ce double jeu de doudou apaisant et électrisant ? Jeu de rôle, jeu drôle, ou même les sportifs se droguent. En période de crise, les jeunes générations mettent tout à la bouche, c’est un signe qui ne trompe pas, un symptôme parmi bien d’autres, mais s’agit-il vraiment d’un signe d’éveil et de développement, ou la phase cannibale d’une société de consommation décadente ? De mémoire de tétines, la bouche qui cause et mange est bien à l’origine de tous les plaisirs ; la phase « orale » n’est-elle pas le propre des cultures et des civilisations « orales » ? Si l’objet transitionnel est un objet utilisé par les petits enfants pour se représenter une présence rassurante, à quelle représentation sommes-nous conviés autour des écrans plats et de la table des chefs et des auteurs ? à quoi jouons-nous comme acteurs ou comme figurants, et pourquoi ce Tout à la bouche ? En guise d'amuse-gueule, ce petit essai s'intéresse de près à nos habitus, à nos rituels et à nos objets transitionnels d'adultes, et en particulier à nos objets réalités de consommation culturelle. Autour du causer, entre l'un et l'autre il n'y a qu'une bouche, un pas de lèvres, une seule aire culinaire ou littéraire qui expriment notre être ballotté entre nature et culture. (...) LE TOUT A LA BOUCHE Chapitre 1. (...) L’oreille comme la bouche ont une forme de bouteille de Klein, une conformation qui ressemble au ruban de Möbius, et une structure un peu comparable aux anneaux de Borromée ; en plus courts, les sens(tridimensionnels) sont des espaces lacaniens, dans lesquels le langage se cause de manière multiple pour causer l’homme en cause, car la Parole seule peut éveiller l’homme à sa propre humanité. (...) « L’homme ne se nourrit pas seulement de pain, mais aussi de parole… » Peut-on lire dans les Évangiles, de cette bonne nouvelle qui sort de ce Bon Lieu-là , par le jeu et l’enjeu des lèvres et de la langue, au palais des sensations, avec toutes les palettes des mots causés, on cause ce que l’on parle, on parle ce que l’on cause, on avale ce que l’on aime, et l’on mange ceux qu’on aime avec passion (eucharistie). Celui qui cause nous convie à l’écouter, parfois il nous invite au partage comme entre les uniques que nous sommes tous, c’est ce que l’on nomme dans de rares cas et débats, vraiment « com – uniquer ». (…) « KV 835 », ce n’est pas le nom d’une nouvelle étoile, c’est l’allegro con spirito qui commence, j’en ai la larme à l’œil et l’eau à la bouche ; la preuve par l’épreuve des sens, qu’en nous, comme dans les Univers, tout communique en un délicat jeu selon les principes des vases communicants. Ce qui signifie que l’oreille,l’œil et la bouche participent plus ou moins efficacement à un processus de communication qui nous dépasse de quelques inconnues. Avec l'esprit joyeux, c’est la symphonie nº 35 en ré majeur qui vient s’enrouler dans le sens des épines du Monde autour de moi, comme une nébuleuse aux hélix paraboliques, une double spirale d’ADN, et qui arrive à frapper mes chairs en limaçon. Mozart est présent, il circule dans l’audiomètre qui mesure mes obturations. L’oreille est sérieuse et même raisonnable, mais c’est de la bouche que respire l’essentiel ; sortant de l’eau, primitive créature je m’en souviens très bien, comme si l’amphibien en moi se remémorait d’eaux et de glaises, combien respirer avec les oreilles et les narines était vital. L’ouïe est importante, mais plus encore, c’est de la bouche que viennent les vérités toutes nues, c’est bouche à bouche que viennent les mots essentiels, et du sein aux lèvres, que la langue maternelle coule de source et nous forme comme une voix lactée. Mozart fait son cirque, l’espace se creuse en moi, lui-même se fait vide pour se remplir de cérumens. J’ai la bouche pâteuse et l’œil qui se perd.L’organe de l’ouïe est cruel, de lobes et de lobules les notes et les mots s’y cognent contre mes propres bruits intérieurs. Saint Eustache ne s’y trompe pas, c’est à coup de marteau sur l’enclume que les mots s’engrangent ; comme l’œil, l’ouïe est fragile ; du reste,on ne fait pas le printemps et encore moins le monde avec du son et de simples images,il faut aussi du nez ! Les sens se font pluriels pour nous apprendre à goûter la vie, mais semble-t-il, nous ne goûtons que ce que nous voulons bien goûter ! Encore faut-il de l’imaginaire et du symbolique comme l’étrier de chaque côté de la réalité, encore faut-il un labyrinthe intérieur pour mener le son au cœur des choses, des vestibules, des chambres qui commenceraient entre deux yeux, entre deux oreilles, des couloirs graissés au cérumen précieux comme l’huile des lampes du temple. Quand palpite la vie, je dresse l’oreille, mais l’oreille n’est pas toujours domestique ! entendre n’est pas écouter, le bruit s’entend, la voie se suit telle la voix qui s’écoule et s’écoute. Comme ses timbres d’hommes des chants coptes ou basques, le bruit n’est pas musique, la musique pénètre le corps jusqu’à l’âme. L’acoustique à ses raisons que la raison n’entend pas toujours ! J’ai connu dans l’enfance en même temps que ma sœur Laurence, la douleur des oreillons, puis, dans ma douzième année, j’ai éprouvé les sifflements intempestifs des acouphènes, mais depuis, je connais surtout la surdité, celle du cœur qui ne veut point entendre, la fermeture à l’autre et en particulier aux cris qui dérangent mon individualisme. Résonnez tambours, comme la caisse claire des tympans de cathédrale, les tuyaux de grandes orgues et le jeu subtils des carillons. L’oreille est bien sérieuse et même très raisonnable, mais c’est avec la bouche que le sage respire la vie. Alors que les ventres affamés n’aspirent qu’au minimum, Le grand Tout en bouche semble dominer la Terre,certain le disent même concupiscent ; il impose sa culture, ses règles consommées et consommables, il exige des droits de passage, des offrandes et des victimes bien grasses aux bûchers des fast foods. Entre l’atelier d’écriture et le cours de cuisine, je vais et je viens, entre le papier blanc et la farine le dialogue s’installe, comme entre l’épée et le goupillon du guerrier ou du moine, comme entre le divan et le prie-Dieu du psy ou du prêtre, ou comme entre l’oratoire et le laboratoire de l’alchimiste… des conciliabules s’opèrent à raz d’encriers, de fourneaux et d’alambics. Les outils du lutrin et ceux du maître-coq se mélangent pour faire chacun de sa propre matière, sa propre cuisine. Les plats se préparent comme les chapitres d’un livre, bureau ou cuisine c’est toujours des lieux de travail. De la table des matières à celle des convives, l’écriture comme les repas se servent chauds ou froids. Culinaire ou littéraire, c’est toujours l'aire des Mots qui pointe sur les i et roule les aires. (…) Quand la chair se fait chaire, la bouche se fait d’or. Le Verbe, ne le cherchez pas, il est partout et en tout, il se fait chair du Monde, textes, graphies, chais de mots signifiants dans la rutilance du phrasé ; il est dans le mouvement, dans le rythme, et il est clair comme une théophanie flashante ; lumineux comme une fulgurante transfiguration et limpide comme l’eau de Cana, que Dieu, celui que l’on dit Le Père de tout et Le Tout Puissant, ne parle pas et qu’il n’a jamais parlé autrement qu’à travers les hommes, ces étonnants mammifères bavards en chemin d’humanisation. Tout comme le Ciel est à l’intérieur de Lom, Lom est sur terre et dans le ciel, l’unique causer par lequel Dieu vient à nous comme la parole vient aux enfants. En lui, par lui, avec lui… Le verbe se fait chair, en l’homme ordinaire et au quotidien des maux, du plus banal des zumains aux plus humains des êtres humains, Lom est un porte-parole, un messager des dieux, par qui, en qui, avec qui et pour qui, le langage est donné comme Le Bon Lieu, chemin par lequel Dieu vient à l’homme comme une pensée profonde et par laquelle Lom va à Dieu comme une fragile réalité. Contenu contenant, contenant contenu de tout « ça », Lom est le seul causer par lequel Dieu peut avoir été, peut être et peut encore devenir si l’homme le cause comme un Bon Lieu (1) pour tous, et c’est bien là pour Lom a une responsabilité terrible ! Chaque fois que Lom ouvre la bouche pour crier, manger, partager, prendre ou donner la parole …, le monde se fait ou se défait, et c’est bien là le causer et la cause de tout ! N’en déplaise aux fondamentalistes pour qui Le Bon Dieu à un cœur et des mains pour porter nos malheurs, si causer est un mal pour l’animal, il se pourrait qu’il soit d’un plus grand bien pour les Trumains, mais de causes en effets, que causons-nous en définitive ? Comme le dit avec pertinence Maurice Zundel : « De quel Dieu et de quel homme parlons-nous » ici, en ce lieu du causer ou du chater ? (…) (1) En hébreu, le terme Mâqôm qui correspondant au terme grec Topos (cf. la topologie du Bon Lieu), peut aussi signifier Dieu, l’ailleurs et le partout, comme demeure, lieu du cœur et de la fondation du Monde. Le tout à la bouche - essai (extrait) |
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