Israël est. C’est là aussi un fait, qu’on le veuille ou non. Et l’événement dont nous sommes aujourd’hui témoins, celui de ce retour aux lieux d’où il fut chassé par les guerres d’occupation, est sans doute l’un des plus prodigieux inscrits dans les annales des peuples. On ne peut s’empêcher de voir dans cette continuité  et non pas dans cette résurrection  une vitalité conquérante, une volonté d’être puisées dans les données essentielles qui figurent dans le génie d’Israël préservé, renouvelé sans cesse en marche avec le monde en marche. Sans doute parce qu’il a refusé d’abdiquer devant les mille tentations offertes à sa dégradation intérieure  celle de l’hellénisme, de Rome et de la chrétienté  mêmes celles d’échapper à la haine dont il était la proie désarmée. On peut arrêter le cours de l’histoire, mais on ne peut pas le détourner. Et Israël est une réalité historique qui se fait chaque jour davantage. Il n’y a pas de vérité doctrinale sans cesse égale à elle-même, donnée une fois pour toutes, mais seulement une prise de conscience par l’homme des événements de l’histoire et des moyens de les dominer. Jamais Israël n’a déformé ni trahi la doctrine de son humanisme, mais il n’a cessé de l’actualiser, d’en offrir le tranchant efficace. Ce qui a été dit il y a des siècles n’est plus vrai pour d’autres siècles. Israël a repris, retouché, recréé sa culture, fidèle à l’esprit qui vivifie et non point à la lettre qui tue.
C’est pourquoi l’Etat d’Israël n’est pas un commencement, mais un recommencement dans la trame des événements mondiaux qui se succèdent et dont celui-ci n’est qu’un chaînon. Le peuple juif continue son histoire avec l’Histoire. La signification de cette rentrée dans Sion, après ce périple chaotique, aux tribulations millénaires, perdrait de sa grandeur si elle ne présageait pas un avènement futur, celui qui accomplirait l’une des plus claires aspirations de sa culture : la fraternité entre les peuples. C’est pourquoi aussi l’Etat d’Israël, après les années nécessaires pour sa consolidation, ne saurait devenir un Etat comme les autres. Ile doit continuer de se « singulariser », en se transfigurant en Etat-témoin, dans le sens des plus hautes préfigurations auxquelles son ethos le prédestine, celui d’être le combattant de la justice et de la paix, non pas en dominateur, mais en serviteur avec les autres peuples. Ainsi, le courant de l’histoire dans lequel Israël est emporté, en passant de nouveau par Jérusalem, ayant rétabli son raccord, reprendra sa poussée de fleuve avec une charge nouvelle où tout le passé se trouvera solidaire avec le jeune esprit de cette civilisation israélienne qui vient de reprendre son élan en se renouvelant.

(1) Fragment d’un texte publié dans Aspects du Génie d’Israël, numéro spécial des Cahiers du Sud, 1950. Elian-Joseph Finbert (Feinberg) est né en 1899 à Jaffa et décédé en 1977 en France. http://fr.wikipedia.org/wiki/Elian-j._finbert



Continuum No. 5, Revue des Ecrivains Israéliens de Langue Française