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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2010-08-16 | |
Nathan Alterman (Varsovie 1910 - Tel-Aviv 1970)
Demain surprises Tel-Aviv penche, sur le point de sombrer Soir millionnaire, son or éparpillé. Une ville entière qui flambe et crie et bouge Pour découvrir soudain que tout était vain. La nuit, vieil ouvrier, Avec son balai de couchant rouge Ramasse les miettes du jour. Haute en vicissitudes une bâtisse respire le silence et le vent. « Plus de va-et-vient de voisins jusqu’à demain »… Des terrains vagues se disent : « Reposons maintenant, Même les souteneurs dorment quand la nuit vient ! » Du ballot du firmament chenu Roule un reste d’opulence, Une lune d’un sou. Nous dormirons enfin, nous aussi, sans savoir, Pourquoi nous avons fait tout le jour tant de bruit Pourquoi la ville se languit chaque nuit De fermer les yeux du matin. Au bord de la rue, orphelin, Un réverbère déchiffre sur l’affiche : « Tirage des prix : demain ; Et lots-surprises ». Traduction : Francine Kaufmann (Première version parue dans Ariel n° 77-78, Jérusalem, 1989, 154) David Avidan Les rues décollent un peu La rue belle belle s'arrêtera en fin de route le calme dur se cassera comme une croûte et le matin humide sera carbonisé dans sa foudre. Les gens halèteront comme après une course de fond la ceinture de la ville serrée serrée à fond les murs comprennent quelque chose et tombent. Sur la ville agonisante descend un soleil de feu par un temps pareil il n'y a pas de père heureux ni d'homme mort et les rues décollent un peu. Les rues décollent vers la lumière comme un tapis magique les murs tombés sont bientôt redressés (l'esprit civique) et la ville n'a ni commencement ni fin. Ses entrées sont uniqes. Et tes mains chantent du mur comme un murmure de mousse verte verte et tes yeux fleurissent comme des perles dans le cou de l'éclat mais ta tête fatiguée est étroite et ta bouche prend l'air. Traduction: Michel Eckhart-Elial Meir Wieseltier J'ai de la sympathie* J'ai de la sympathie pour l'art conceptuel à Tel-Aviv une ville sans conception le plâtre qui tombe le volet qui gémit l'autobus qui est mort j'ai de la sympathie pour les gens qui s'obstinent à Tel-Aviv une ville sans passion blanchie de plâtre désespéré balancée de bruit de tôle j'ai de la sympathie pour les gens qui désespèrent à Tel-Aviv. *ce poème a été mis en musique et depuis, il est devenu une sorte d'hymne de Tel-Aviv. Traduction: Michel Ekhart-Elial Raquel Chalfi Plage à Tel-Aviv en l'hiver 1974* Un nuage-crocodile avale un nuage-nuage. Tout est épais où la guerre s'en est-elle allée? Le quai est peint en jaune et rouge On y voit le nom de Tel-Aviv. Les tambours des abîmes sont indifférents. Dans le ciel des formes sombres s'agitent lentement. Scène d'un combat infini au rythme d'une caméra au ralenti. La grue surgit au-dessus de l'hôtel Super- Hilton. Mais où s'en est allée la guerre, un nuage-crocodile avale un nuage-nuage, où la guerre s'en est-elle allée. Là -haut dans le ciel profond des nues douces font l'amour avec des avions. L'air remplit les poumons de sel piquant et de rire. Le soleil est une photo délavée les oiseaux gris de la plage picorent dans le sable. La mer – ses muscles gémissent. Une femme solitaire, un foulard de nylon sur la tête qu'est-ce qu'elle est face à une tempête de foudres. Le tremplin aussi est peint en orange. Une vieille femme, ses lèvres tâchent: Il était un ange Il était un ange Traduction: Marlena Braester *Poème écrit après la Guerre de Yom Kippour (octobre 1973) Ronny Someck Tel-Aviv la nuit Baisse un peu la tête et montre-nous ta nuque, allume le chauffage, faisons venir l'hiver! Sur les draps d'asphalte repasse les plis des voyages, Tu as déjà peuplé les routes de clameur. Arrache le bouton de la chemise des images, Souviens-toi que la métaphore Est aussi un carton d'œufs Regarde le jaune doré comme le soleil au-dessus de Guivon, et son pair le blanc faisant pâlir la lune au-dessus d'Ayalon! Viens donc, glisse avec moi Dans la même friteuse Et dans les gouttes d'huile faisons cuire encore une phrase! Traduction: Marlena Braester King George. La nuit. Poème d'amour Celui qui a fourré une fois la main dans la cage de la lionne connaît ce frisson Si on cherche le rugissement il faut être à l'écoute d'une autre ville Ici l'âme c'est des zoos. Comment peut-on décrire les bras qui forgent des grilles si l'acier est une image qui brûle et si le clandestinité du corps t'échappe entre les doigts devant un horizon qui s'étire comme un cou et un lion de pierre gisant comme un souvenir dans une ruelle portant le nom du roi George. Traduction: Marlena Braester Haïm Gouri (Tel-Aviv 1923 - ) Le réverbère Seul au bout du quartier, l’était un réverbère. Notre petite enfance passa à sa lumière, Nos parties de cache-cache toujours s’y déroulaient Et c’était à son pied que le loup y était. Et lorsque les gendarmes tenaient – presque – le voleur, La voix de maman criait que c’était l’heure : « Viens vite à la maison, le dîner est servi, Il est déjà très tard, tu devrais être au lit. » « Juste une minute maman, juste un petit instant, Tu gâches toujours les choses au tout dernier moment. On commençait à s’amuser à peine. » Mais nos supplications restaient vaines. Seul au bout du quartier, l’était un réverbère. A côté du jardin, non loin de la barrière. C’est là que je lui dis ce que tous les garçons Disent à toutes les filles au seuil de leur maison, Brûlant de caresser ses cheveux au passage. « Pardonnez-moi, dit-elle, je me lève tôt demain, Il est déjà bien tard, et j’ai un examen. » « Juste une minute Rina, juste un petit instant, Tu gâches toujours les choses au tout dernier moment. On commençait à bavarder à peine. » Mais mes supplications restaient vaines. L’était un réverbère, les années ont passé. Une lumière différente éclaire tout le quartier. Les HLM, les rues, s’abritent dans les refrains, Mais toujours les mêmes voix résonnent dans les jardins. Et quand un môme s’appuie dehors sur son vélo Et de sifflets stridents remplit tous les échos, Je sors sur mon balcon, j’interpelle l’enfant : « Rentre chez toi, p’tit gars, ou sinon je descends. » « Juste une minute p’tit gars, juste un petit moment, Ce n’est pas grave, joue donc, crie, mais modérément. » Je voulais simplement effrayer le garçon. Jamais je ne serais descendu pour de bon. Traduction : Francine Kaufmann (Publiée d’abord dans Le Chant ininterrompu – 170 poèmes choisis, traduits et présentés par Francine Kaufmann, éditions de l’O.S.M., Jérusalem, 1984, pp. 84-85). |
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