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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2005-04-04 | | Angela Furtuna : une femme qui lutte pour la paix, avec des mots, qui milite pour une expansion de conscience dans un monde actuel bouleversé et dont l’oeuvre littéraire étonne, dérange aussi parfois, car elle puise ses racines dans la culture hébraïque, dans la Kabbale, qu’elle traduit dans un langage résolument poétique, aux images musicales et plastiques, et cependant fortement spirituelles. Témoin radicalement engagé dans son époque, Angela Furtuna ne s’est pas exilée. Elle vit et habite en Roumanie, dans cette province de Bucovine, fortement imprégnée par le judaïsme. Dotée d’un grand sens de l’humour, voire de la dérision, elle manipule un langage savant, très intellectuel, et porte sur le monde un regard empli de tendresse et d’amour. Une femme au physique frêle et fragile, qui a néanmoins une grande force, et contemple cette étoile jaune que nous portons tous cousue sur notre coeur et nous rappelle en un geste de dévotion notre devoir d’être humain. (Photo personnelle : Angela Furtuna) *** Kaddish pour rendre claire la source des regards et ceux-ci, dans les vagues glacées des utopies ce sont tes yeux projetant des lapis lazulis féeries nées d’une malédiction, comme des enfants conçus par la mariée lors de sa nuit de noces un maître me parle de garnir mes veines de bagues de fiançailles dans le développement de l’instinct avec ces yeux de cendre les chats blancs se passent les diamants d’un arc-en-ciel à l’autre tandis que tu partiras et que tu te blottiras des genoux à la gorge dans la poche marsupiale d’une pierre tombale le professeur me parle de réduire au même dénominateur les bruits qui additionnent les interrogations de l’être dans un souffle de vent les résédas emplis du lait des mamelles ouvriront pour toi la fleur sous la terre de laquelle tintent les boucles d’oreilles tu te trouveras dans le temps assorti un éclair de lumière dans un éclair de nuit il me parle timidement celui qui détient la calculatrice de la vie dépourvue d’obstination (Traduction : Nicole Pottier) (Photo personnelle : Angela Furtuna) *** Tu as publié 3 kaddish à l'occasion du 60 ème anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz: - d'abord, qu'est-ce qu'un kaddish ? - que représentent-ils , quelle est leur signification, le message que tu veux faire passer ? En 1941, les autorités allemandes obligèrent les juifs à porter bien en vue une étoile jaune à six côtés. Dans ces circonstances, le roi du Danemark, Christian X (1912 – 1947) fut le premier à coudre sur ses vêtements une étoile jaune, à droite sur le cÅ“ur, suivi en cela par beaucoup d’autres citoyens danois – non juifs. Tout comme le professeur Andreï Oişteanu , préoccupée de décrire et de révéler les rouages de la discrimination et autres terreurs, j’ai vu dans la symbolique du geste du souverain danois, un message très clair : « une obligation faite à une minorité s’est transformée en un droit pour une majorité – un signe d’infamie s’est transformé en un signe de dignité ». Le geste d’alors de ce courageux et vaillant souverain a sauvé de la mort plusieurs milliers de gens innocents. Et soudain, après des années, l’anti-sémitisme revient en force en Europe. De nouveaux dérapages en direction de l’extrême-droite – ou sur un mode absolument étonnant, également en direction de la gauche, tendent à perturber à nouveau le discours planétaire au travers d’accents discriminatoires. Voici dans quelles circonstances on commémore les évènements historiques qui mettent en évidence les horreurs des régimes totalitaires – comme ce fut le cas des génocides nazis commis envers les juifs, les génocides communistes commis dans les pays de l’est sous la dictature soviétique –et qui ont besoin d’être constamment rappelés à nos esprits doucement en plus d’y ajouter la mentalité anti-totalitaire. La commémoration du 60° anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz m’a fait souvenir que moi-aussi j’ai toujours porté bien en vue une étoile jaune. En effet, nombre des textes que j’ai publiés témoignent de ces choix qui n’ont pas seulement une seule valeur théorique, symbolique, et de pure éthique, mais aussi une attitude civique engagée. Les kaddish que j’ai rédigés composent actuellement un vaste recueil – où s’inscrivent de nombreux textes, et qui sera bientôt édité. En essence, le kaddish est cette prière d’apprentissage dans la souffrance du juif : la prière des morts. Le mot désigne encore le terme de « saint » et par conséquent d’ « hymne à la gloire de Dieu et supplique pour l’avènement de Son règne sur la terre ». En araméen, le kaddish est lu debout, le visage tourné vers Jérusalem et la présence d’un minian* est obligatoire. (*minian : Nombre de 10 juifs nécessaire à l'accomplissement des prières les plus importantes de l'office). Le kaddish est mentionné pour la première fois, comme faisant partie de la liturgie synagogale, dans un texte datant probablement du VI° siècle. Au fil des temps, quatre versions ont circulé : 1 : Kaddish complet : lu plus particulièrement par le prêtre qui sert le rite selon l’amida* (*amida : La Amida est la prière centrale du Judaïsme. Elle est constituée de dix-huit bénédictions). 2 : semi –kaddish : qui est une forme abrégée du kaddish mettant l’accent sur les différents moments du service dans la synagogue. 3 : le kaddish savant : qui appelle la charité divine sur les enseignants d’Israël et leurs disciples. Sa récitation clôt les séances d’études. 4 : le kaddish des orphelins, qui débute au XVIII° siècle, est récité surtout par les personnes endeuillées, plus particulièrement par le fils aîné du défunt, dans les 11 premiers mois du deuil. Le kaddish des orphelins, qui est donc préféré dans les périodes de deuil, ne fait aucune allusion à la mort. Sa forme et son contenu trahissent l’ancienneté de ce kaddish, tandis que sa structure rappelle que cet hymne se trouve en étroite relation avec la prédication, avec l’étude. Tel que je l’écris, moi, le kaddish est une littérature à méditer, un poème noématique (1). J’ai eu la curiosité de revêtir aussi ce vêtement, innovant dans mon Å“uvre littéraire, afin d’expérimenter un certain plan sémantique original, un lieu géométrique encore insuffisamment exploré avec les armes de la littérature et j’ai eu recours à quelques ingrédients spécifiques : le discours savant talmudique, jeu entre monde angélique, monde visible et monde élémentaire- tel que le fondent les 22 lettres hébraïques, entre aleph et yod, entre caph et phe, et relativement entre tsade et thau. Pas tout à fait en dernier lieu, mes kaddish essaient de redécouvrir le divin originel, placé depuis un angle bien moins accessible, et considérant que sous l’aspect mystique, les lettres hébraïques ne structurent pas uniquement le monde, mais lui attribuent un certain ordre , une certaine harmonie, comme celle , influente, des cieux, l’investissant de la Force pour relier l’homme autant à Dieu le Père, Dieu le Fils, ainsi qu’au Saint Esprit. *** Kaddish de la moisson du champ labouré de nuit à travers le regard d’un jeune homme ne t’enveloppe pas dans l’ombre où la feuille de vigne cache la pointe du basilic au zénith le professeur me parle de la tentation de la soie vierge dans les paumes froides tu seras cet homme qui s’endort dans le parfum d’une femme comme dans un drap de sable literie indolente sur les pieds d'avant les pyramides (Traduction : Nicole Pottier (Photo personnelle : Angela Furtuna) *** Tu es "amoureuse de la culture juive". peux-tu préciser ta position, ta perception de ces deux cultures, chrétienne et hébraïque ? comment se fait leur "rencontre" dans tes écrits ? Tout chrétien a deux patries « originelles »: le lieu où il est né, et la Terre Sainte, plus particulièrement, Jérusalem. Ainsi, un chrétien peut se sentir chez lui, non seulement dans sa patrie natale physique, mais aussi dans celle de son origine chrétienne, à la spiritualité juive. La religion chrétienne est née à Jérusalem. Le nombril du monde chrétien est là , instituant un « astre spirituel » autour duquel gravite et se structure chaque être humain. La province où je suis née et où s’est déroulée mon enfance, s’appelle la Bucovine, elle a été au long des siècles passés un lieu dans lequel a prospéré la pluralité culturelle. Auprès des roumains, des allemands, des polonais, des russes, des grecs, des arméniens, ont vécu de grandes et importantes communautés juives. C’était une richesse qui représentait la vie du Steitl, la ville juive de l’Europe de l’est. On parlait généralement le yiddish… Le modèle de civilisation et de culture, comme le modèle d’organisation familiale et d’éducation des enfants était calqué, jusqu’à il n’y a pas si longtemps, à peu près uniquement sur le modèle juif. Tout comme l’Europe entière au siècle dernier, ma région était peuplée de gens parlant yiddish. Cependant, nous savons tous que sur les 11 millions de gens parlant yiddish, l’holocauste en a éliminé 6 millions, portant ainsi de sérieux coups aux milieux culturels et à leur richesse. L’histoire des juifs de Bucovine réitère l’histoire des juifs d’Europe. Après les coups assenés au judaïsme et à la culture yiddish par la Shoah, la population hébraïque parlant le yiddish a été grandement absorbée soit par l’Amérique (phénomène commencé après la première guerre mondiale), soit par Israël qui a intégré la culture yiddish, véhiculée par la Diaspora, en se mélangeant aux politiques culturelles sionistes qui ressuscitèrent la langue hébraïque et prédestinèrent un nouveau modèle de culture juive en terre d’Israël. Dans mon enfance, la Bucovine était une « terre promise » dans cette partie sud-est de l’Europe Centrale. La majorité de mes compagnons de jeu étaient des enfants juifs, et à l’école aussi, j’ai eu de nombreux professeurs juifs. Les professeurs qui enseignaient plus particulièrement la musique (piano, violon, histoire de la musique et solfège) ou les langues étrangères (français, allemand, anglais, russe) étaient avant tout juifs. J’ai moi-même étudié le piano et le français avec deux professeurs juifs, que j’aimais beaucoup. L’une d’entre elles est morte récemment à Haïfa. Dans ma famille – chrétienne – comme dans beaucoup d’autres familles de Bucovine, le seul « trésor » de la maison auquel les parents remettent les clés du savoir universel grâce à une solide éducation, est l’Enfant : ceci est une dominante culturelle chez les familles juives traditionnelles, qui s’est imposée en tant que modèle dans la province toute entière. En quelque endroit que l’on soit dans le monde, que ce soit en Europe, en Amérique ou au milieu de l’océan, l’enfant juif baigne dans le sacré dès le premier âge, dans sa famille autant que dans les écoles sérieuses (plus affirmé dans les écoles religieuses), héritage culturel complet des semences qu’on a mises en lui et qui l’accompagne sur le chemin avec un niveau infiniment supérieur, pour répandre en lui et dans toute sa génération, la culture juive. Ce message de solidité et d’approfondissement dans tout ce que l’on entreprend, les juifs l’ont laissé également en Bucovine, même après être partis pour Israël. Je me suis formée dans cette alliance de culture – chrétienne et juive – j’ai moi-même accumulé une grande richesse, engendrée dans le culte de l’amitié, la générosité, la joie de donner, la passion de créer et de bâtir. Dans cette fine architecture savante et personnelle, j’y vois les racines de mon langage littéraire actuel qui se fonde sur un certain métissage entre symboles chrétiens et symboles judaïques. *** Kaddish pour adoucir d’inutiles petits riens la vie est tout ce qui ne peut être autre cependant que la face de glaise du rabbi ressemble à un âtre où ton regard de serpent hypnotique tresse une braise chaque jour, le professeur me parle au sujet de l’identité altérée dans des univers parallèles la vie est tout ce qui pourrait être métavisualisation à l’intérieur d’une allusion fortuite sans aucun noyau de désordre dans chaque pénombre, le professeur me parle du silence qui s’accorde avec le vide mental dans l’impondérable la vie pourrait être le centre de puissances non advenues qui suspendent l’hypothèse de toutes les limites qui soient si la féminité ne s’apprivoise pas dans le mystère aigu de l’oeuf vesod quelqu’un me parle qui commercialise le mystère non révélé telle une constante dans la non-inertie (Traduction: Nicole Pottier) (Photo personnelle : Angela Furtuna) **** Ton vocabulaire fait référence à la Kabbale, peux-tu nous parler de cette philosophie ? Qu'est-ce que la Kabbale ? Quelle est ton approche personnelle, ton interprétation ? La Kabbale représente un ensemble de notions qui, sur un mode spécifique, désigne l’enseignement mystique et ésotérique du judaïsme. Dans la Kabbale, selon Gershom Sholem, « la loi de la Torah s’est transformée en symbole des lois universelles, et pour l’histoire du peuple juif, symbole du processus universel. ». L’univers de la Kabbale semble inquiétant, parce qu’il n’existe pas en lui de notions intellectuelles banales, ni de registres mystiques familiers. La kabbale opère avec des symboles fermés, où fusionnent depuis toujours deux types d’expérience : expériences psychologiques des mystiques hébreux et expérience historique de leur communauté. Moi, ce que je trouve dans l’essence de la Kabbale et que j’apprécie comme étant très utile à mes écrits, c’est justement cette confluence du monde imaginatif avec les faits historiques, qui définissent une « psychologie historique », que le judaïsme s’approprie en totalité en parcourant cette voie inconfondable . La mystique juive, tout comme les autres traditions et enseignements anciens, défie l’intelligence rationnelle de l’homme, et le fascine dans ce processus d’étonnement. Le point de départ pour appréhender la kabbale est l’alphabet hébraïque, composé de 22 lettres. Celles-ci s’alignent selon un ordre et d’après les lois de l’univers lui-même. A chaque lettre de l’alphabet correspondent un numéro selon son rang, un signe graphique selon sa forme, et un symbole selon ses rapports avec les autres lettres. Toutes les lettres proviennent d’une seule et unique : le yod, qui a engendré toutes les autres. 1. Trois lettres « mère » : Aleph, Mem, Shin. 2. Sept lettres doubles (car elles expriment deux sens : un positif, fort, et un négatif, doux) : Beth, Ghimel, Daleth, Caph, Phe, Resch, Thau. 3. Douze lettres simples : he, vau, yain, heth, teth, iod, kamed, nun, samech, hain, tsade, coph. Pour la Kabbale, chaque lettre revêt une triple signification et représente trois choses à la fois : 1- Une lettre (donc un signe graphique) 2- Un nombre (le numéro de l’ordre que chaque lettre occupe dans l’alphabet) 3- Un concept . Donc, combiner les lettres hébraïques signifie combiner les nombres et les concepts; d’où la création du Tarot. Chaque lettre représente une puissance qui est plus ou moins égale et en rapport étroit avec les forces de la création de l’Univers. Comme ces forces évoluent sur les trois plans : physique, astral et psychique, chaque lettre représente le point de départ en même temps que le point d’arrivée d’une multitude de correspondances. Combiner les mots hébraïques signifie agir sur l’Univers lui-même, et ceci explique la présence des mots hébraïques lors des cérémonies magiques. En cheminant seule sur cette voie initiatique, en m’égarant souvent, voici comment – après avoir dépassé la fascination des oeuvres majeures des mystiques hébreux, qui est le zohar (un texte fondamental de la Kabbale) – je suis parvenue à l’entière compréhension de cette force exceptionnelle où le symbolisme mystique peut se parer de qualités littéraires pour faire naître l’Univers dans un texte. « La terre devient alors lumineuse, telle une contrée intermédiaire placée entre l’univers humain visible et l’univers transhumain et transvisible dans la hiérarchie des cieux. » C’est à cette condition que l’homme sort du sensible sans sortir, en fait, du réel, tout en restant attentif, néanmoins, au phénomène, fameusement décrit par Andrei Pleşu, pour qui « notre terre devient une terre de voyants ». *** Kaddish pour Beer Sheva (Beer Sheva, mon amour) tu ne m’as pas choisie cette fois-ci, la mort, tu m’as seulement sauté dans les bras et mordu la joue tes yeux sont deux étoiles éteintes à travers lesquels crient les enfants, les femmes et les hommes captifs dans ta caverne de diamant il fait nuit à Beer Sheva et les rues de la ville montent jusqu’aux cieux deux amoureux sont assis sur le trottoir plein de sang et se jurent un éternel amour ils s’embrassent en se parlant de la mort deux autres amoureux se font des habits de noce avec le reste des vêtements trouvés sur le cadavre après l’explosion en robe et costume blanc, ils s’uniront au silence. deux autres amoureux encore recueillent les fragments humains éparpillés autour de l’autobus et les cultivent avec les fleurs dans leur jardin. demain jailliront de la terre des anges rouges c’est la nuit de la mort à Beer Sheva et les amoureux se préparent à la vie tu ne m’as pas choisie cette fois-ci, la mort, tu m’a seulement sauté dans les bras et mordu la joue ta gorge intarissable a englouti à nouveau seize âmes innocentes. c’étaient seize frères qui s’en allaient cueillir les fruits sur l’arbre de la vie. Ils étaient mes frères. c’est la nuit à Beer Sheva et quelqu’un jette une nasse sur les maisons enterrées en vain sous des pierres de feu se niche la crainte mais de cette peur naissent des hommes et des femmes libres les amoureux se promènent insouciants sur les toitures. ils se tiennent par la main et s’éloignent de la flamme la journée se présente comme un grand poisson que tous vont déguster tel un corps qui se nourrit des morts tu ne m’as pas choisie cette fois-ci, la mort, tu t’es enroulée autour de ma gorge comme un étendard s’enroule à son pays sans trève. tu m’a apporté un brin de verset et tu t’es endormie sur mon sein tu n’es qu’un nourrisson jamais rassasié écoute comme résonne ce kaddish et dors, ma belle, dors dors, et ne te réveille plus laisse mes enfants en paix qu’ils apprennent l’amour des lettres laisse mes enfants en paix qu’ils nagent dans la félicité laisse mes enfants en paix qu’ils cultivent des arbres dans le désert laisse mes enfants en paix qu’ils érigent des châteaux. laisse mes enfants en paix qu’ils deviennent des princes laisse mes enfants en paix qu’ils volent par-dessus les océans laisse mes enfants en paix qu’ils grimpent sur les rochers laisse mes enfants en paix qu’ils boivent l’ambroisie laisse mes enfants en paix qu’ils remplissent la maison d’autres enfants laisse mes enfants en paix qu’ils fassent les lois laisse mes enfants en paix qu’ils chantent neshama laisse mes enfants en paix qu’ils tirent à l’arc laisse mes enfants en paix qu’ils prient laisse mes enfants en paix qu’ils franchissent les seuils laisse mes enfants en paix qu’ils découvrent le Seigneur dans la pulpe d’une noix il fait nuit à Beer Sheva il fait nuit quand les amoureux se promènent sans cesse dans les rues qui montent aux cieux chacun tenant dans sa main un tel coeur d’où jaillit la lumière telle une pluie rouge matinale (traduction : Nicole Pottier) (Photo personnelle : Angela Furtuna) *** En conclusion : Peux-tu nous parler de ta spiritualité aujourd'hui en relation avec ton oeuvre littéraire. Depuis toujours, le problème est d’inventer de nouvelles ressources pour imaginer. Nous ne sommes pas obsédés par l’irréel, à partir du moment où nous n’avons pas sans cesse en tête la révélation de l’imminence de la perte du monde, au côté de la culpabilisation pour la perte du paradis. Cependant si je manquais l'infiniment grand, il n'en resterait pas moins la tentation de ne pas manquer l'infiniment petit. Ces recherches mettent en mouvement les éléments qui construisent le texte. Si je devais répondre à la question « A quoi vous occupez-vous ? », à l’heure actuelle, je répondrais : « je suis un dompteur de textes … je me transforme en texte, tout mon être prend la place du texte comme dans un véritable psychodrame où le texte est mon alter-ego, et tout mon être démontre au texte la modalité pour m’accepter en tant qu’être humain. » Le cramponnement entre l’écrivain et le texte est, de fait, une lutte permanente avec un animal qui aime la liberté. A la plus petite inattention, le texte déchire l’auteur et se réduit à quelques grammes de lettres sans vie ni idée valable. Jusque-là , l’expérience m’a appris qu’un texte véritable naît d’un être véritable, on ne peut pas se maintenir en dehors des concepts symboliques. Et parmi tous ces concepts symboliques, m’apparaît comme satisfaisant non seulement celui qui prolonge une hiérophanie, mais aussi celui qui constitue en lui-même une révélation, inexprimable au moyen d’une autre matrice magico-religieuse… Le texte peut être n’importe quel lieu, tel un sanctuaire atopique, susceptible d’être une tente que l’on déplace de lieu en lieu chez le malade du néant, c’est-à -dire l’écrivain. Nous pouvons décrire le texte, donc, comme une ubiquité virtuelle dans un lieu de culte. Loin du symbolisme – qui récapitule davantage l’actuelle Genèse- le texte, en tant que pensée afférente, refuse la valorisation. Autant dans « Primul Kaddish » (Editura Dacia – Cluj Napoca- 2002), que dans « Poemian Rhapsody – Cartea Donei » (Editura Axa – Botoşani – 2004), j’ai renouvelé l’expérience de certaines responsabilités sacrées en investissant le texte de fonctions cosmologiques et cosmogoniques. La logique juive, en suivant la très vénérée Sepher Yetsirah – le livre de la création kabbalistique- a comme racine principale la culpa et le processus dans lequel celle-ci peut ébranler l’alliance entre Yahvé et l’homme. Le texte comme le crée l’écrivain qui obéit aux lois juives se trouve en correspondance avec l’architecture numérologique de l’univers. Donc, chaque erreur, intentionnelle ou non, a de fatales répercussions sur les fonctions en tant qu’ensemble dans l’architecture cosmique, et par défaut sur les peuples qui servent la volonté divine. En ce qui me concerne, je conçois le texte comme la plus importante source divine pour l’homme. Par ailleurs, pour ce divin, le texte est la principale base de données chez l’humanité qui implose. Descendant du zohar – comme genèse de lumière et escaladant l’échelle des vérités dans l’arbre des séphiroth, le texte doit générer un véritable rapport mathématique entre la forme visible et le concept invisible qu’il engendre. Un monde sans Dieu instaure tôt ou tard une architecture cosmique qui se retourne contre l’homme. Un texte conçu en dehors d’une épiphanie soustrait Dieu à l’homme. Pour écrire, il est nécessaire que l’attraction des mots soit égale à l’attraction gravitationnelle, établissant un champ symbolique qui sacralise. Dans mon récent volume, intitulé « Poemian Rhapsody » Le système solaire au complet des poiétiques(2) se concentre dans ce texte : « à la lisière de la ville avec une immortelle juive». C’est précisément dans cette traque des mots que la Vierge Marie recouvre de sa coiffure les pensées grâce auxquelles l’homme escalade l’échelle d’argent. Le final de cette quête initiatique se retrouve dans la plus belle des récompenses : la littérature comme résurrection. Angela Furtuna. (Photo personnelle : Angela Furtuna) *** Nota : 1) Dans tous les vécus intentionnels habite un sens noématique originaire, selon une relation noético-noématique spécifique. « Il peut s’agir chaque fois d’un arbre en fleurs, et chaque fois cet arbre peut apparaître de telle façon que la description fidèle de ce qui apparaît comme tel se fasse nécessairement avec les mêmes expressions. Et pourtant les corrélats noématiques sont pour cette raison essentiellement différents, selon qu’il s’agit d’une perception, d’une imagination, d’une présentification du type portrait, d’un souvenir, etc., etc. Dans un cas ce qui apparaît est caractérisé comme "réalité corporelle", une autre fois comme fictum, dans un autre cas encore comme présentification du type souvenir, etc. Ce sont des caractères que nous découvrons sur le perçu, l’imaginé, le souvenu, etc., comme tels – sur le sens de la perception, sur le sens de l’imagination, sur le sens du souvenir ; ils en sont inséparables et lui appartiennent nécessairement, en corrélation avec les espèces respectives de vécus noétiques ». Ces vécus noético-noématiques eux-mêmes ne sont pas simples, mais apparaissent dans le flux temporel de conscience avec leurs apparitions, silhouettes, profils, facettes, esquisses, couches et moments complexes (Abschattungen). In « Phénoménologie » de Husserl. 2 : "par "poiétique" j’entends décrire le lien parmi les intentions du compositeur, ses procédures créatrices, ses schémas mentaux, et le résultat de cette collection de stratégies; c'est-à -dire, les composants qui entrent dans l'incorporation matérielle du travail. La description de Poiétique se rapporte ainsi également à une formule tout à fait spéciale de l'audition (Varèse l'a appelé ... l'oreille intérieure)'': ce que le compositeur entend tout en imaginant les résultats sonores du travail, ou tout en expérimentant au piano, ou avec la bande.'' Jean-Jacques Nattiez, sémiologue, professeur de musicologie à l’université de Montréal. |
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