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la douleur des plantes
prose [ ]

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par [erableamots ]

2007-03-29  |     | 



LA DOULEUR DES PLANTES

La plupart des sanglots ne viennent pas de nous. Ils surgissent du dehors, de la douleur des plantes, de l’angoisse des épines, de la dureté des hommes. On est rarement dignes de la vie qu’on habite, de la beauté des fleurs, du rire des enfants. Je cherche l’inconnu qui soutient le connu. Mes premiers mots étaient des pierres, des cailloux, des brindilles. Plus tard, j’ai découvert la neige, l’eau de source et le feu. J’ai parlé aux oiseaux et aux laveurs de sable. J’ai connu la poussière et le rugueux des choses, le cul des vaches et l’ellébore, la souffrance et le pain, l’envolée du tilleul et la vermine sous l’écorce. J’ai croisé la sauge avec le romarin, le fer avec le bois, l’humilité de l’herbe avec l’orgueil des pas, les pieds de l’eau sur les trottoirs avec les mains du vent.
J’ai confondu l’espoir avec la prière, le jappement des chiens avec un os muet, les racines qui rêvent avec les yeux des arbres.

J’ai appris peu à peu la sémantique des étoiles, les sémaphores des saisons, la grammaire des simples. Je ne cherche plus le poil des statues mais le cristal de l’homme. J’ai quitté la cage des idées. Maintenant je sais. Des petits pas dans les pages du jour, un matou, un marteau, une miche de pain, une musique dans les os, une silhouette fugitive, c’est cela l’écriture. Elle ressemble à la vie. La vérité a la couleur du sang. Mes carnets sont là, pleins de mots en désordre. Mes souvenirs se mêlent au passage des oies. J’ai déplié mes yeux sur la table de bois. Un mince rai de lumière vient éclairer ma nuit. Je dois cette lumière à mon désœuvrement, aux pas perdus loin des sentiers battus, aux livres défendus. J’ai appris peu à peu à déchiffrer les signes, les lignes sur la pierre, le filon d’or des mots dans une mine de crayon, les traces de lèvres sur les tasses, les cicatrices de l’âme, les sources sous la neige, le miel dans l’abeille, la bonté sous la croûte.

J’ai quitté très jeune la cage de la maison, le piège des bureaux, les barreaux de l’usine. J’en ai gardé les jouets, le papier, les outils. J’en ai jeté les heures, les horreurs, les horaires, le salaire. J’ai quitté la ruche pour butiner le ciel. C’est une façon de voir, d’agrandir le jardin, de remuer l’azur dans la terre des gestes. On me trouve penché sur le pas d’un oiseau, un grain de sable, une voyelle. Ma maison sur le dos, je suis la trace des tortues. Je suis un colporteur. Chaque matin, je pars avec ma besace sur le chemin des mots. Pourquoi parler d’argent ? Ne vient-on par sur terre pour aimer ? L’essentiel est tout petit. On le remarque à peine. Je sens sur mon passage le regard des choses. Les fleurs ne jugent pas. Elles sont et leur sourire est infini. Les nuages ont le visage qu’on leur donne. Dans le fou rire des feuilles, c’est notre enfance qu’on entend. Si je gagne ma vie avec trois fois rien, c’est pour ne pas la perdre, c’est pour renaître chaque jour.
On n’écrit jamais seul. Des milliers de mains poussent le crayon, même la queue des vaches et celle des hippocampes, tous les enfants que la terre a portés. Nous écrivions déjà avant tout alphabet, comme l’eau qui s’écarte entre les pierres, comme un soleil naissant qui glisse sous la porte. Certains mots n’entrent pas dans la cage d’un livre. La plupart des hommes ont perdu leur chemin. Leur vie marche à côté d’eux sans qu’ils la voient. Elle laisse pourtant des signes sur les arbres, des pas sur le sol. Elle laisse même des mots à l’oreille des sourds, des images aux aveugles. Toutes les routes du monde se croisent dans un pas.

Le réel qu’on nous offre n’est pas celui qu’on rêve. Le vrai monde n’attend pas dans une banque et ne fait pas la file pour prendre l’autobus. On ne le voit jamais à la télévision. Il creuse dans son âme avec une bêche d’amour. Il écope le malheur pour demeurer à flot. Il bine avec son cœur une étendue plus vaste qu’une carte routière. Il est un papillon qui perce son cocon, un œuf qui éclot, une source qui boit dans les mains de la terre. Il trouve sa lumière dans les vies minuscules, les insectes, les germes et les boutons de fleurs. Il est dans le pollen que l’on remarque à peine.

Dodelinant du cœur, sachant les mêmes choses, le poète est largement plus bête que l’idiot de village. Il s’échine à écrire au lieu de siffloter. Les signes sur la pierre indiquent trop de routes. Je ne sais laquelle prendre. Je m’assois dans ma tête à guetter le héron. Je cherche dans mes pieds la chaleur du sable. Je trouve dans mes mains des gestes inconnus. J’ai soif pour les plantes qui attendent la pluie mais je n’ai que des mots pour crever les nuages. J’ai brûlé tous les as. J’écris pour les deux de pique et la sagesse de l’arbre. J’écris avec le manque et la beauté qu’on tue. J’écris pour la mer qui a mal, la bonté qu’on ignore, l’espérance qu’on troque pour un billet de loterie, les femmes qu’on traque, les hommes qu’on détraque, le petit cœur qui bat sous le froc des mésanges.
Le corps invisible du vent traverse la parole. Les mots me donnent à boire. Je leur donne à manger. J’enlève à la folie son habit de travail, ses lunettes au hasard. Des chevaux d’encre noire galopent sur la page. Le grand ciel nous parle. Les montagnes nous parlent. Les rivières nous parlent. Les étoiles nous parlent. L’eau et l’air veulent vivre. Il faut les écouter. Tout arbre est un totem. J’apprends à vivre nu comme le cri des bêtes.

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