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NINA IVANOV
prose [ ]
CONTE POUR LES GRANDS ENFANTS ECRIT PAR ANDRE

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par [Viorel Z ]

2006-10-24  |     | 






Elle a juste ouvert les yeux. La lumière jetée par le néon a diminué son désir de regarder l’enceinte habituelle dans laquelle elle était exilée depuis si longtemps. La blancheur du plafond était maculée de moustiques écrasés ou vivants, perdus dans les ondulations de l’air qui transportait des images monochromes vers les yeux des personnes endormies.
On aperçoit les jambes de Nina sous les draps blancs, les chevilles inclinées dans le même sens avec leurs orteils minuscules. La peau pâle semblait vidée de tout frémissement, les genoux légèrement courbés, à moitie cachés par la toile. Le visage de Nina exprimait la tranquillité. Je ne sais pas si c’était le bleu de ses yeux ou le fait qu’elle portait un foulard brodé avec des fleurs qui créait cette sensation de sérénité. Dans le lit voisin était allongée une petite fille aux cheveux longs, chargée du maintien du silence dans la chambre et aimant jouer avec les dés de son frère. Elle aimait bien Nina qu’elle considérait comme une sœur, même si elle ne la connaissait que depuis cinq jours. La petite était intriguée par le foulard de Nina et elle voulait en élucider l’énigme. Un jour elle a surpris Nina tête nue. Elle a eu peur et les infirmières ont eu des difficultés à arrêter ses larmes. La réaction de Gina était normale compte tenu que Nina n’avait plus de cheveux sur la tête. C’est alors qu’elle se regardait dans le miroir que la fillette était entrée dans la chambre d’hôpital. Les débris du miroir ont trahi l’effroi de Nina. Elle a laissé échapper qu’une larme sur sa joue froide.
Désormais Gina jette ses dés et ne pense plus à cet incident. Sa maman lui avait dit que Nina était très malade, mais elle était contente de dormir à coté d’un ange qui ne pouvait que ressembler à Nina. « Maman, Nina va marcher dans le ciel ?? », demanda un jour la petite. Elle ne savait pas qu’au ciel on ne pouvait pas « marcher» si facilement…

Un moustique se jeta sur la fillette aux dés. En essayant de l’attraper avec les mains, elle fit un bruit terrible. Elle en eut le souffle coupé. Nina était déjà réveillée et souriait imperceptiblement, imaginant ce que pouvait ressentir sa jeune voisine de lit: « Elle est si gentille et innocente !! Elle ne sait même pas que je vais mourir… Et ma mère qui n’arrête pas de me rappeler que je vais bientôt avoir 18 ans… A quoi ça sert l’age que tu as, quand, ‘’dans le ciel’’ comme dit Gina, le temps coule autrement qu’ ici ?…»
Elles n’étaient qu’elles deux dans cette chambre où étaient alignés trois lits aux bords métalliques, blancs et froids… L’autre lit était libre et il semblait qu’il le restera encore, au moins à court terme. Nina se leva un petit peu sur ses coudes et fixa son oreiller sous sa tête, tout en regardant amusée comment la petite s’était cachée sous un lit pour y aller chercher quelque chose qu’elle avait perdu. En ressortant, ses cheveux étaient ébouriffés. Et, voyant Nina réveillée, elle s’était jetée à son cou et avait embrassé sa joue purpurine.
- Qu’est qu’il y a petite folle ? riait Nina…
- Nin, je t’ai rêvée cette nuit. Tu étais un ange aux cheveux longs et noirs et tu souriais comme maintenant. Je voudrais te dire…tu sais, maman ne me dit pas, mais moi je suis sûre que tu n’iras pas dans le ciel. Je suis sûre que tu resteras avec moi. Si tu étais une poupée je te prendrais à la maison avec moi…
Le visage de Nina tressaillit, assombri par une pensée cachée. « Elle ne sait pas… Je ne peux pas lui dire… Comment pourrai-je ? C’est juste une enfant… Ouf, et le miroir s’est cassé… Je dirai à ma mère de m’en apporter un autre et un rouge à lèvres. Je n’ai jamais coloré mes lèvres. Je suis assez curieuse de voir comment je serais. Vlad s’amusait quand je lui disais ça… Tant pis… »
Les radiateurs de la chambre blanche essayaient d’apporter un peu de chaleur dans l’air sec. Les moustiques flottaient autour du néon et semblaient plus nombreux que jamais. Gina dormait et l’infirmière était déjà venue dans la chambre demander comment se sentent « les demoiselles ».
Sur la petite table posée entre d’entre les lits occupés se trouvaient deux tasses de thé et un vase avec des roses blanches offertes par ses collègues du lycée lors de leur visite à l’hôpital, accompagnées d’un professeur quelques jours auparavant. Cela avait été une journée difficile… Elle s’était sentie étouffée et la peau de ses joues lui avait semblé en flammes. Elle n’aimait pas l’idée qu’elle soit vue dans cet état. « La souffrance est un spectacle auquel il n’est pas beau d’assister . Ils ne peuvent rien faire pour moi et je vois bien qu’ils sont très gênés à cause de ça… »

* * *
Ses yeux d’azur étaient presque endormis quand Nina réalisa qu’elle avait soif. N’ayant pas la force de se lever, elle appela Gina.
- Gina, s’il te plait, donne-moi un peu d’eau.
La fillette, même un peu agacée, se leva de suite pour la servir. Elle alla s’asseoir sur son lit et posa ses mains sur sa joue. Mais Gina ne pouvait pas dormir. Elle regardait Nina en ne pensant à rien. Même la beauté de la fille aux yeux bleus ne la surprenait plus maintenant. A un moment donné, Nina tressaillit. Elle regardait autour d’elle et vit Gina. Les yeux de Nina exprimaient une grande douleur, une déchirure muette. Il semblait qu’une grande décision pesait sur son visage si pur. Finalement, elle dit :
- Gina, je t’en prie…Veux tu me donner le miroir que ma mère a apporté hier ? Le rouge à lèvres aussi s’il te plait…
La fillette s’exécuta, contrariée. « Nina veut se passer du rouge à lèvres ?!! Moi aussi je l’ai fait une fois et maman m’a surprise. Elle a commencé à se moquer de moi, je ne sais pas pourquoi… »
Nina prit le miroir avec des gestes fragiles et se regarda. Elle laissa son foulard de coté et essaya de porter une main tremblante vers ses lèvres. Elle le réussit avec difficulté. Ensuite, elle se leva un peu plus. Elle se regarda encore une fois dans le miroir et sourit. Puis elle posa lentement sa tête sur l’oreiller. Gina était extasiée. Elle ne disait rien. Elle resta comme ça presque un quart d’heure, pendant que Nina dormait.
Plus tard, Madame Ivanov entra dans la chambre. Elle vit que Gina était réveillée et lui demanda des yeux comment elle allait… Gina sourit et fit un signe amusé vers Nina. Sa mère lui prit sa main pour l’embrasser, mais, dans la même seconde, la laissa tomber brusquement.
Le cri de la mère emplit la chambre d’hôpital… La mort de Nina, même si elle était prévue, semait la tempête dans l’âme de la mère et de la petite Gina…

* * *

- Ce soir je te raconterai un conte? demanda la dame à la fille d’à coté…
Le regard égaré, elle murmura :
- Non !!! Nina n’a pas marché dans le ciel !!! Nina n’a pas marché dans le ciel !!!!

******* ************* ****************



V. Z.

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