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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2006-06-28 | | Nos racines commencent dans l’utérus des étoiles. Elles ramifient dans l’eau jusqu’au caprice du feuillage, jusqu’au poids du parfum, jusqu’aux gestes des mains, de l’abeille au pollen, de la source à la mer, de la poussière au ciel. Les oiseaux sont mes frères, les roches mes cousines, les bêtes mes amis. Je les remercie tous. Les grands bras de la pluie font partie de mon corps. Le soleil est en moi comme je suis en lui. Les herbes qui ont faim alimentent la pluie. La sève respire par les feuilles en hommage au soleil. Les plantes sont d’anciens rochers aux sources planétaires. Un grand fleuve de quartz irrigue la forêt. Je suis uni à la croissance, à la fécondité, aux morts, à tout ce qui pullule au ventre de la terre. J’apprends à vivre feuille à feuille, d’une racine à l’autre, de la graine à la table, de la vache à l’étable, de la semence au fruit, du fœtus à l’idée. Je vois avec l’oiseau des deux côtés de la tête. Je deviens l’étamine quand je mange du miel. Je parle avec la terre comme un arbre avec l’eau. J’écoute à peine les prophètes de malheur, les banquiers et les prêtres. Je suis comme un enfant qui s’accroche à la lune. Je nomme chaque pierre avec un nom de fleur. La pierre, la paille, la transparence de l’eau, le mot, la plante, la fraîcheur, chacun veut voir la lumière. Même la taupe dans le noir de sa terre. On ne sépare pas la vie d’avec la mort. On ne sépare pas la nuit d’avec le jour ni le silence des mots. On ne sépare pas l’utérus de la terre de son odeur séminale. Toutes les racines se touchent. Toutes les feuilles qui tombent nourrissent les vivants. On ne sépare pas la fleur de l’abeille ni l’oiseau de son vol. Quand il pleut quelque part, il fait soleil ailleurs. On ne sépare pas le rêve de l’enfance ni l’homme de la femme. On ne sépare pas les yeux en sourires ou en larmes. Le pétale caché alimente la fleur. Chaque fleuve est un arbre à l’envers. La mer prend racines dans les feuilles des sources. Le loup avance à pas d'homme. Je lui parle à mots de loup. La lune écoute nos pensées. Nos mouvements dans l'espace atteignent l'inconnu. La vie est nue. La vie est simple. Il y a ceux qui jettent. Il y a ceux qui gardent. Il y a ceux qui oublient et ceux qui se souviennent trop bien. Le plus petit fétu me prête sa lumière. Je lui offre ma voix contre un peu d’espérance. Quand j’écoute les oiseaux, j’ai les oreilles d'un arbre, les yeux d'un lac pour dessiner la soif. Sur mon horloge interne, l'aiguille du sang croise l'aiguille du vent. Je compte l'infini sur les aiguilles de pin. Les oiseaux se répondent d'un nid à l'autre, faisant de la forêt une toile de sons, une verte symphonie, une musique végétale. Je respire dans ma tête le parfum des fougères. Je nomme chaque oiseau. Mes lèvres sont des fleurs. Les voyages vont et viennent. On ne part jamais, on ne fait que revenir. On va toujours plus loin vers le centre du monde. La porte de sortie est la porte d’entrée. Nous palpons les métaux, les rivages, les hanches. La fleur dans la graine appelle déjà l’abeille. Les étoiles dans l’air noir sont un sel de lumière. Je prends les choses par la main, la révolte à la taille. Les jours changés en cendres, j’en fais des nuits de miel. De la cloche du lichen au vol du papillon, du feutre de la neige au murmure des fleurs, le silence varie. Tout parle autour de nous et demande qu’on l’écoute. Qu’un oiseau fasse un nid dans les bras du lierre, c’est tout le mur qui chante. Le théâtre des feuilles agite ses ficelles, petits mimes sonores avec des yeux de pluie. Le sang du monde palpite dans son arbre de veines. Tout le corps de la terre s’arc-boute au soleil. Assis comme un lotus, j’écris des mots humides sur le bord de l’étang. Les ouaouarons s’agitent et préparent la nuit. Leurs syllabes dans l’eau font des bulles de lumière. À l’école de l’herbe, le vent dessine sur le vert les muscles des racines dans une mère d’argile. Les fourmis tracent dans le sable un chemin planétaire. La rosée tète encore les petits seins des blés. Un petit suisse roux grignote mon crayon. Il est parti cacher les lettres du mot noix dans le creux d’une page, le cœur en améthyste dans un écrin d’écales. J’ai vu tout l’univers dans ses petites mains, une forêt d’amandes dans ses grands yeux noisette. Des planètes anciennes colorent l’émeraude, allument les pétales. L’aube frileuse au soleil pale du matin, l’aube coureuse de grève dans un hamac d’écume, l’aube fileuse d’étamine prend son bain de rosée. Rien ne meurt vraiment. J’écoute le potier enterré dans l’argile, le jardinier qui monte en graines, la vaisselle, le silence, les breloques ancestrales, les arbres, les chardons qui deviennent charbon, le forgeron qui rouille sur les rails oubliés, l’affûteur de couteaux qui lance des éclairs. Je porte dans mon sang des globules d’ancêtres. Tout un fleuve utérin remonte par les arbres, les artères du bois, les nervures du roc, les capillaires de l’humus. Les os du quartz brillent sous l’épiderme végétal. D’un dernier coup de crayon, j’en dessine le cœur. Ce n’est pas un oiseau qui cherche à voler. Ce n’est pas une fleur qui cherche à éclore. Ce n’est pas un fantôme qui cherche à renaitre. C’est comme une ombre chaude au fond de la matière, à peine le phosphore précédant le silex, le pain de l’homme caché dans la farine du monde, un petit poing de neige où brille une braise, un atome d’atome retenant l’explosion. 28 juin 2006 |
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