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comme un bruit dans l\'oreille
prose [ ]

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par [erableamots ]

2005-11-24  |     | 



COMME UN BRUIT DANS L’OREILLE


La terre me fait mal. J’étais né pour voler. Je dois me contenter de sourire aux oiseaux et de lancer du pain aux nuages trop bas. Ais-je crié trop fort ? La lune fond comme un bruit dans l’oreille. J’écris dans la distance des poitrines aux fusils. Je suis comme cette eau qui appelle au secours, ces pieds d’enfant dans les cercueils des souliers. Leurs orteils en chicane retroussent le chemin.

Je voulais marcher nu comme les pieds des vagues. Mes mains comme des ailes ont rêvé de voyage. Le cri des ambulances, le bruit des camions, les voix radiophoniques m’arrachent les oreilles. J’en ai cogné des clous sans leur clouer le bec. J’en ai cassé des mots avant d’écrire une phrase. J’ai sucé des effaces pour goûter le silence. Je rafistole en vain les accrocs du miracle avec du fil de fer. J’ai passé des années à courir les routes, à franchir les récifs, à grimper mes montagnes, à détourner les rails et me voici plié dans un train de papier. Je ne cherche plus la gare mais les objets perdus. Je ne cherche plus le quai mais l’envers du décor. Je parle aux ormes gris en dessinant la caille. Je chevauche les mots comme un balai de sorcière.

Les mots contiennent le réel et inventent le reste. J’écris comme un gaucher dans un monde de droitiers. J’écris comme un rêveur dans un monde de penseurs. J’écris comme une épine dans un monde de pétales. J’écris comme une cigale au milieu des fourmis. J’écris du fond des choses comme une craquelure. Je suis un autobus pour la voix des objets, un taxi pour ailleurs, un homme sur la paille regardant le soleil. Je marche sur les mains sans me fermer les yeux.

Il y a trop d’accrocs sur l’habit des caresses. Le cœur grelotte sous la neige. Il y a trop de rêves qu’on abandonne aux chiens, trop d’os mis en laisse. Je vois des ombres s’évader de leur propre soleil, l’espoir des voyages dans les rails oubliés, l’empreinte des images dans les regards éteints. J’écris à pas de loup sur les chemins de laine. Les mots ajoutent au cœur les veines qui lui manquent. Je ne sais pas mourir. J’apprends à peine à vivre.

13 novembre 2005

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