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Pupilles du Ciel et de la Terre
prose [ ]

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par [Reumond ]

2023-02-01  |     | 






Ouvrons les yeux en grand ; et surtout ceux du cœur !
Et regardons-nous en face avec beaucoup de tendresse, avec le regard vivace de l’aigle et le regard étincelant du poète.

Levons les yeux et voyons; seule la beauté signe la présence d’un « Milieu divin » digne d’une « Messe sur le monde » comme la décrivait Teilhard de Chardin.

Clignons des vœux les meilleurs pour tous et contemplons simplement le Miracle de la vie, parce que le mauvais œil, c’est un mirage, un cercle infernal.

C’est simple, cristallin et limpide comme l’œil innocent d’un petit enfant, Dieu ne nous scrute pas comme nos croyances ou notre imaginaire pourraient nous le faire penser, ou comme l’imagerie médicale nous examine. Dieu n’a pas d’yeux ! Tout en lui n’est qu’un seul Vœu, avec un e dans l’o comme dans le substantif « Cœur ».

C'est un plein de bons Vœux, évidemment, infiniment entrouverts sur l’Infini et sur l’Éternité.

Au-delà du firmament, derrière la cornée opalescente de la Voie lactée, il n’y a pas de trône doré et de séjour pour les élus. Au Cœur de ce Royaume « qui est au milieu de nous » , Dieu est une « pure intériorité », qui ne nous fait pas « les gros yeux » ; mais qui, au contraire, de clin d'vœu en clin d'grâce, nous encourage à une vie libérée, parce que tout en Lui et liberté et promesses de vie en plénitude comme une vie de promesses.

Par espérance et par expérience, je connais bien la prunelle de ses Vœux, elles ne sont que Paix, Beauté et Amour... L’œil de Dieu n’est donc pas dans les étoiles ni dans la tombe ; mais bien ici-bas, où nous sommes les seuls à nous juger.

Alors que Dieu est essentiellement « liberté » et qu’Il ne nous juge nullement, pour les beaux yeux du monde et derrière le diaphragme de nos préjugés d’homo sapiens, nous passons notre temps à nous examiner et à nous comparer; nous ne cessons de nous évaluer, de nous estimer et sous-estimer surtout, condamnant, contrôlant, jugeant et préjugeant de tout comme des spectroscopes maladifs et des caméras de surveillance asservissantes.

Il faut le redire et le redire plus encore, Dieu ne nous juge pas et nous condamne moins encore !
Et ne le cherchons pas ailleurs, « Il est là, au cœur de nos vies, en plein milieu de nos tempêtes et dans la musique de nos fêtes… » Comme le chantait Raymond Fau.

(…)

Comme la Terre et les planètes sont des globes dans l’orbite de l’Univers ; sous la paupière de l’espace-temps, nous sommes seuls et les seuls et uniques regards d’un Dieu qui ne peut percevoir notre humanité en chemin, qu’à travers nous-mêmes, mais qu’en faisons-nous ?

Je le pense, je le crois et je souscris pleinement à cette pensée de Maurice Zundel qui souligne dans ces écrits cette ambiguïté fondamentale.

« L’homme: On le suppose existant, alors qu’il a à se faire. On lui attribue des droits qui sont des droits de la personne à construire, ce qui suppose une exigence formidable et une évacuation de soi qui est la condition même de la libération. Il ne faut pas lui attribuer, alors qu’il n’est pas encore, des privilèges de l’Homme qu’il a à devenir. »

Pupilles du Ciel et de la Terre, nous sommes tous quelque part orphelins dans le sens où nous manquons tous de cet amour inconditionnel qui engendre les nébuleuses et fait tourner les galaxies. Et plongés dans ce manque d’amour à donner et à recevoir, notre propre regard sur nous-mêmes et le monde est jugeant.

Vouloir se libérer de ce regard jugeant c’est déjà en grande partie se libérer de soi-même ! Il est difficile pour nous de prendre conscience que ce « Regard aimant » que nous avons à acquérir, c’est celui d’un être libre et libéré de son « moi haïssable » pascalien, de ce moi dur, rigide et infantile qui fait de nous tous des êtres captatifs et parfois même des tirants.

S’immerger dans le monde, passer de l’homo sapiens possessif et égoïste à l’homo moralis oblatif et altruiste, c’est une véritable oeuvre de conversion telle une guerre sainte intérieure !

Parce que toute passion sans compassion est vouée à l’échec, il nous faudrait regarder le monde avec passion et compassion. Seuls les regards généreux font verdir la nature et fleurir les larmes ; seuls les regards sensibles et amoureux, peuvent introduire dans notre monde en souffrance, cette dimension nouvelle d’un regard empathique d’homme moral, d’un être aimant et tendre pour la nature et toutes ses créatures.

L’empathie c’est en quelque sorte l’envers de l’égo ; devenir un être de compassion, c’est transformer une vie faite de « causes » successives en vie de « grâces » permanentes, afin que s’estompent peu à peu notre ego intransigeant et nos animosités les plus animales et de notre animalité la plus hostile qui soit.

« On ne connaît le monde qu’à travers nos regards » dirait Merleau Ponty

Du digramme OE, au tétragramme YHWH, un œil est avant tout un Cœur créateur et contemplatif, comme une âme qui ouvre les yeux.

Afin d’entrer dans une nouvelle dimension du monde, celle d’un(e) Père/spective inversée, créatrice et contemplative, seuls les regards incontestablement bienveillants ont cette capacité quasi alchimique de pouvoir transmuer les choses du monde et de la vie en bonheur, de renverser les perspectives et de mettre les cœurs à l’envers.

Je rêve peut-être tout haut, comme dans un rêve lucide, mais « Rêver de la vie, c’est justement ce que j’appelle : « être éveillé » disait dit Friedrich Nietzche.

Faire sien ce regard, vouloir s’approprier ce regard particulièrement bienveillant, c’est déjà la signature d’un véritable désir d’Humanité. Il n’y a pas de mur infranchissable ; la grâce n’est pas impossible et hors du monde, elle ne cesse de se déployer dans nos vides comme dans les trop-pleins de nos corps.

Ouvrons les yeux en grand ; et surtout ceux du cœur ! Que notre regard regardé par l’autre ne se ferme pas à l’amour, et que nos regards partagés sur nous-mêmes et sur le monde ne soient pas figés par les épreuves.
Et enfin, avec le regard vivace de l’aigle et le regard contemplatif des Anges, regardons-nous avec bienveillance, et observons nos manques et nos pauvretés avec humilité, pour voir comment la lumière peut jaillir de nos failles.


Pupilles du Ciel et de la Terre, extrait, Liège, avril 2007.

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