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Firmin
prose [ ]

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par [Célé ]

2019-07-14  |     | 



En Espagne un nain me faisait peur. Il s’appelait Firmin.

Pour me décrire la petite personne qui m’effrayait tant, mon père me rassurait avec des mots doux. Dans ses bras, il me susurrait à l’oreille des paroles empruntent de bonté, de gentillesse et d’amour. Mais rien à faire, j’étais terrorisé. Je m’enfuyais à son grand désespoir.

J’imagine aujourd’hui l’immense tristesse de la petite personne que ma peur enfantine a pu provoquer. J’imagine son cœur nu, dans l’assiette des souvenirs, entre le couteau et la fourchette. Un couteau aiguisé comme une entrée d’abattoir. La fourchette piquante comme des piments de Cayenne.

D’un souvenir affamé, ici : je mange l’abat. Je le mâche longuement, le mastique jusqu’à épuisement de mes mandibules.
Qu’importe la mastication… Je ne peux l’avaler. Le goût de mes propres souvenirs me rend malade. Je vomis ma bêtise. Je l’essuie avec des larmes de phalène. Les papillons du désespoir recouvrent la rose crépusculaire avec la fraîcheur de la nuit.

Aujourd’hui encore quand je rencontre un nain de jardin, je me sens mal à l’aise devant lui. Non, aujourd’hui la peur ne fait plus trembler mes idées. Elles ont grandi. Elles sont sages aujourd’hui. Aujourd’hui la peur se dissout dans le vers que j’écris. Elle a quitté le nid. Il ne reste que l’oisillon mort du remords grandissant… Avec lui, je cueille parfois une fleur des champs et je la dépose au pied du nain de jardin. J’incline mon torse au-dessus de lui et je lui montre mon cœur.

Silencieusement je lui demande pardon.

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