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Le Labyrinthe
prose [ ]

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par [Reumond ]

2015-06-17  |     | 




Animal de compagnie, bête savante, rat de laboratoire ou cobaye d'oratoire, tout Sapiens que nous sommes ne serait-il pas comme l'animal dans son labyrinthe ?

Avant de descendre dans la rue, n’est-il pas nécessaire de descendre en soi, le plus profondément possible, là où nous avons enterré nos erreurs du passé dans la plus crypte intimité ? Là où le concept même de dieu n’est qu’une pure intériorité et les croyances de pures convictions aussi vraies et relatives que le sont l’espace et le temps.

Entrer en labyrinthe, c’est un peu comme entrer en religions, mais sans aucune religion ; c’est retourner en enfance et, entre Terre et Ciel, jouer son âme à la marelle sur des terres inconnues.

Entrer en labyrinthe, c’est faire un mandala en soi et sur soi, c'est entrer dans la vie, un peu comme on entre en transe, mais sans en connaître vraiment la fin.

Entrer en labyrinthe, c’est accepter d’errer comme se perdent les routes à l’horizon, dédales en quête de soi. C’est prendre l’air dans le cloaque de nos convictions, de nos certitudes et préjugés; c’est sortir en entrant et entrer sans jamais en sortir ; c’est aller à travers champs, ceux de la mémoire, ceux de nos propres blessures, en traversant les murs de nos croyances et de toutes nos idées erronées.

Entrer en labyrinthe, c’est marcher jusqu’au bout d’une nuit sans bout, à en attraper des ampoules ternes ; c’est faire un pèlerinage intime dont nous sommes l’étrange étranger, le contenu et le contenant, le signifié et le signifiant, le départ et le projet.

Entrer en labyrinthe, c’est errer à travers les illusions de nos sens et les mirages de nos pensées. C’est se rendre compte de nos prétentions de Sapiens et de toute l’inconnaissance qui nous habite.

Rat de laboratoire ou cobaye d'oratoire ?

Entrer en labyrinthe, c’est encore traverser des lieux inhospitaliers, faire de multiples excursions en notre propre chair meurtrie, revisiter des lieux, des souvenirs, des rencontres et des émotions. C’est faire la grande tournée de notre matrice imaginaire et symbolique, c'est grimper à l’échelle des mots et aller jusqu’au bout des couloirs en poussant à bout le langage.

Entrer en labyrinthe, c’est visiter les revers, l’entre-deux et l’au-delà de chambres sacrées, puisqu’elles sont les nôtres ou les vôtres.

Entrer en labyrinthe, c’est sortir du silence ou entrer en silence dans la mort de l'ego; c’est prendre la parole en devenant cri et faire cette course folle après l’écho qui fait ricochet contre les murs moites de nos prisons intérieures.

Entrer en labyrinthe, c’est allonger le pas en des lieux sans longueur, courir après le vide à fond de ravines, chercher sa juste place entre les mors de ce que nous considérons comme des refuges, des remparts ou même des forteresses qu’il nous faut abandonner là pour retrouver un peu de liberté…

(…)


Vous l'avez compris, vous êtes, nous sommes notre propre labyrinthe, notre unique propriété "privée" et notre propre champ de réflexion. Nous sommes la preuve et l'épreuve, l'épreuve et l'éprouvé...

Alors, suite à cet avertissement fraternel, acceptez-vous de vous reconnaître en ces lieux étranges, labyrinthiques, sachant que les mots "pèlerin" et "étranger" ont la même origine, voulez-vous toujours faire le tour du propriétaire ?



Si vous êtes d'accord, alors suivez-moi !

Les choses et les causes au sein du grand labyrinthe mondial nous semblent étranges et nous sont étrangères parce qu'étrangement nous sommes et restons étrangers à nous-mêmes. C’est bien pourquoi d’ailleurs les mots "pèlerins" et "étrangers" ont la même étymologie, afin que de porte en porte nous puissions traverser les épreuves et pérégriner ainsi en nous, pas à pas, portant avec nous ce sac à dos plein de sentiments d’étrangeté, d’un moment à l’autre comme d’un endroit à un autre, parce que tant que nous n’aurons pas franchi ce Torii que l’on dit Céleste, la survie sera torride, et nous serons toujours des étrangers l’un pour l’autre ! Migrant parmi les migrants, sans réel domicile fixe malgré les apparences et sans papier à valeur fraternelle, nous migrerons ainsi, nous déplaçant perpétuellement en de nombreuses chambres au sein de notre propre labyrinthe intérieur.

Le Labyrinthe était ferme et fermé de l'intérieur !

Frères siamois, les deux fils Térieur restent liés par les tendons de la chair, l’ombilic de l’âme et les liens de l’esprit. Obstination et obturation en main, le premier, Alain Térieur est atteint du syndrome dit d'enfermement ou de verrouillage ; quant à son frère Alex, il souffre d’une autre forme de pathologie que l’on pourrait rapprocher du syndrome de Stockholm.

Puisque dans l’univers tout est lié et que tout semble s’épandre de manière analogique, comme les frères Térieur, sans nous en rendre compte, nous vivons tous quelque chose que l’on pourrait comparer à cet état neurologique de fermeture au monde et de dépendance au gardien de notre propre prison.

Bien que partiellement réveillé, conscient et ne souffrant nullement de privation sensorielle, nous pensons savoir tout, tout voir et entendre tout, mais ce tout reste fort parcellaire ou fragmenté comme-ci une ouverture ou une « pleine conscience » nous manquait.

Car il y a réveil et éveil !

Si nos facultés intellectuelles et émotionnelles semblent bien intactes, en réalité, nos états d’âme, d’esprit et de conscience restent ceux d’une créature qui vit dans un état d’hypnose permanente, une forme commune de pseudo coma ; engendrant par là même une sorte de paralysie existentielle ou ontologique. La personne est bien là, elle existe, mais son être profond reste comme séparé du Cosmos avec qui elle n’est pas vraiment reliée, elle ne peut ni s’exprimer, ni se mouvoir. L’individu existe en tant qu’individu, mais la personne en tant qu’être ne peut ni bouger, ni parler.

Là encore, l’analogie entre les syndromes d'enfermement et celui de Stockholm, le cerveau et le labyrinthe est parlante ! Nous sommes des systèmes clos qui ressentent, pensent, croient et imaginent le monde à partir de leur propre centre de gravité, l’ego.

Partageant dans notre parloir ou dans notre gueuloir intérieur nos pensées et nos émotions depuis la prime enfance, seul dans nos têtes avec nos idées fixes, nous avons développé vis-à-vis de nous-mêmes ou tête-à-tête avec ce moi gardien d’intégrité (qui est un autre comme dit Rimbaud) une forme d’attachement, d’attraction, de sympathie quand tout va bien, ou d’antipathie quand « je » ne s’aime pas.

Éprouvant ainsi face aux miroirs des autres et des événements une forme d’attirance égocentrique pour le gardien de notre état de détenu ; dans une sorte d’intimité entre collocation et colocataire à vie.

Cette accoutumance ou même cette empathie avec notre « moi geôliers » préféré, c’est comme une douce maladie mentale dont souffrirait tout le genre Sapiens ; chacun louant l’autre conjointement dans un même logement carcéral où l’internement prend figure de banalité quotidienne.

Colloqué conjointement, colocataires comme frères siamois, tels les deux fils Térieur qui restent liés (par convenance ou connivence) à tous leurs schèmes mentaux : sociaux et culturels, dans la même l’obstination et avec la même obturation d’esprit nécessaire pour survivre à ça.

Qui est le gardien et qui est le gardé ? Qui est dedans et qui est dehors ? Allez donc savoir !

À perte de vue, le labyrinthe se déploie comme un pénitencier sans fin. De manière absurde et inquiétante, les « moi » le hantent comme déraisonnent les esprits dans un labyrinthe kafkaïen ; oui, des « moi » ou plus exactement ce que nous pensons être des « nous-mêmes », mais en vérité, ce dépositaire et surveillant qui se nourrie de « moi » n’est qu’un imposteur dans notre propre maison (prison).

Nous sommes nos propres gardes-chiourmes, celui qui surveille et celui qui est contrôlé ; nous sommes le préau où penser en rond, le parloir où nous dire et nous justifier, le guichet où nous adulons celui qui nous enferme à l’intérieur de notre propre labyrinthe. Au fil des ans, l’avoir, le savoir, le pouvoir où plus encore le devoir y sont pour nous Ariane en personne. Les murs s’y métamorphosent en portes, en grilles ou en barreaux avec le ciment de notre matière grise.

Les pensées erronées, les croyances et les préjugés des frères Térieur y deviennent les aménagements et décorations de notre huis-clos cellulaire. Ainsi, entre l’hôte et l’otage, l’autre et ça, au fil de la détention, se tissent des chaînes caractérielles, et au fil des années une grande complicité, presque une promiscuité se maintient entre ces codétenus. Dans les couloirs labyrinthiques, au fil des symptômes, nous pouvons assister à une sorte de contamination émotionnelle, de transmission intellectuelle et même de contagion spirituelle.

Sur la scène des jours, ces attitudes d’enfermement et ces comportements de séquestré peuvent nous sembler tout à fait paradoxaux, mais ils sont en fait tout à fait explicables et compréhensifs, par le fait même que toute notre vie, depuis l’utérus de notre mère, se joue affectivement et effectivement comme des prises d’otage et des isolements incessants à travers des jeux de loyauté, d’auto protection, d’adaptation et de justification identitaire à relents narcissiques.

Le labyrinthe est comme un jeu de piste ou comme une grille de « maux croisés » où des « je » et des « jeux » liés à des «enjeux » consistent à préserver notre intégrité en une « identité de survie ».

Car tout vivant que nous sommes en somme, vivant au sens propre comme au sens figuré, nous restons toujours des Sapiens en situation d’Évolution, d’adaptation et de survie, avec des besoins multiples de primates en cage, en gage d’intégration et de reconnaissance. Et entre nous, dans ce labyrinthe tout plein de miroirs fragmentés qui nous renvoient ce que nous voulons bien voir et entendre comme une totalité gérable, en définitive, nous sommes bel et bien ravis de notre ravisseur !

(…)

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