Au Louvre Lens, dans La Galerie du temps, le conservateur expose à tous les regards la nudité ontologique d’Œdipe de Jean-Auguste-Dominique Ingres ; car devant les mystères de la vie nous sommes tout nus comme des vers.

Aujourd’hui, parmi toutes les œuvres exposées, seule cette toile m’interpelle vraiment !

Au-delà de tout art, il y a l’art de vivre et cette peinture m’apostrophe directement au sujet de notre identité profonde et de notre prétendue « Humanité ».

Humanité, Homme, Humain… ces mots lourds de sens sont jetés !
Certes, on en parle, on en cause… Mais de quelle humanité et de quel homme parlons-nous ici et de quel humain parle l’énigme en question ?

De quelle question en vérité s’agit-il ?

Comme le chaînon manqué est soi-disant manquant, l’homo sapiens, appellation hautement contrôlé par les institutions et le pouvoir est une appellation sournoise ! Que prétend-elle en fait ? pas grand-chose en dehors de ses propres prétentions ! ce Sapiens soi-disant intelligent n’est en réalité qu’un escroc de la pensée, un abuseur de mots, bien à l’image de ses prétendues démocraties. Oui, homo sapiens, cela dénote, cela sonne faux jusqu’à la bordure ardente des étoiles les plus lointaines.

Que me dit cet Œdipe face au Sphinx ? Qui est la bête et quel est cet homme ?

Sans cesse, depuis mon retour de Lens, cette soi-disant énigme, tel que posé par le Sphinx à Œdipe me hante !

Beast or not beast, that is the question !

En toute vérité, quelle est cette réponse à toutes nos questions qui puisse suicider l’animal (en nous) figuré par le Sphinx ? Aveuglé par son animalité, comment un aveugle peut-il percevoir le monde ?

Enfant déjà, cette peinture d’Ingres me fascinait, non pas par sa représentation, mais par les questions qu’elle posait ; car c’est bien l’animal qui épouse sa mère, et point l’Homme, c’est bien l’animal qui tue son père, et pas l’Homme.

C’est l’animal qui est aveugle ou aveuglé et pas l’Homme, car encore faudrait-il que l’Homme existe déjà !

Animal ou pas animal ? telle est la question qui reste en suspens !

Depuis ma lecture de Darwin entre mes douze et treize ans, la question a bien sûr serpenté en moi de neurone en neurone. De la chair de mon cerveau reptilien jusqu’à la chaire de mon néocortex, depuis soixante ans, la question monte et glisse en moi. Parfois venimeuse, elle m’enlace, d’autres fois, comme un Sphinx elle me fascine et m’étouffe tout en même temps ; le long de mes circonvolutions, elle ne cesse de ramper et de se faufiler jusqu’à cette galerie du temps.

Parfois, dans la sinuosité des jours, quelques écailles tombent ; mais j’ai beau muer pour faire peau neuve, le primate est toujours là, comme ces questions sans réponse et ses énigmes de la vie sans répondant.

C’est en quoi, tout mythe ou toute mythologie, ici la mythologie grecque, se love en nous, pour venir toucher à nos fondements et à nos aspirations les plus profondes ? De Lens à chez vous, tous les miroirs de la maison, tous les tableaux du Louvre, crient cette même et unique vérité :

Oui, qui sommes-nous vraiment ?

Animal ou pas, telle est la question, mais « Homme » certainement pas encore !

Alors, par analogie avec ce tableau de maître, on continue à se dire et à se mentir, à faire semblant de s’écouter, à se lire et à s’écrire, tout en se regardant en Sphinx de faïence, en attendant l’Homme, « Celui qui vient » afin de résoudre pour toujours l’énigme du chaînon manqué et de la vérité manquante.

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