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De la perversion des encres
prose [ ]
Amor verba, c’est là mon crime !

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par [Reumond ]

2012-08-10  |     | 




Je m’en confesse devant vous tous, au confessionnal de Facebook, je ne suis qu’un "logophile" qui, depuis l’adolescence, abuse des mots ; en un mot, je suis « un abuseur », un abominable écrivassier !

Amor verba, c’est là mon crime ! Et dans la flagrance du lire, vous me prenez ici en flagrant délit !

De lapsus en acte manqué, « Animal », que j’ai dit ! Alors que je voulais pourtant dire « homme », mais ma langue a fourché ; j’aurais aimé écrire « tendresse », mais la plume a glissé entre le bien et le mal, en ce trou de mémoire d’où naissent tous les langages.

Je suis un déviant, un vrai de vrai, demandez à mes cahiers d’écolier, à mes tas de notes, à mes carnets de dessins, et vous verrez de vos propres vœux que je suis bel et bien un fétichiste du trait et de la graphie ; un travesti qui pour satisfaire ses désirs et ses rêves les plus fous, a besoin de revêtir les mots d’amour, de profondeur et de les habiller de sens.

Tel Pascal, j’aime montrer et démontrer mes mots et mes pensées ; des concepts les plus lourds aux plus salaces, je suis un monstre de démonstration !

Oh mon Dieu, qui me délivrera de l’écriture ? Quelle gomme à tout jamais effacera cette trace dans la chair, pour me rendre tout transparent !

Je délire au cœur de mes logorrhées, mais pourtant, j’aspire au vide, au dépouillement le plus total.

Je suis un exhibitionniste qui témoigne de la misère de l’homme face aux mots, et irrésistiblement, j’exhibe ma prose comme pour exorciser mes malpropres angoisses ; j’ai des tocs et des tics, alors j’écris toujours et partout, locuteur toujours insatisfait de ses locutions. Pauvre moi en perdition !

En voyeur toujours insatiable, j’aime dénoncer l'illusion, dénuder l’insaisissable et percer les apparences de la pointe de mon porteplume ; je suis un pervers innommable, un compulsif et un obsessionnel du vocabulaire, qui sans cesse récidive du trait ou de la couleur, de délit en défi, je prostitue bel et bien les adjectifs et je les livre tout cru aux pages blanches et aux rumeurs des vents ; pauvre de moi !

Dégénéré jusqu’au bout des bics, jusqu’à la peau veloutée du clavier de mon portable, j’abuse de préférence des mots vierges et des néologismes ; pardonnez-moi, je suis un poète vicieux de la ride, du tracé, du dire et du fait, et avec délice et méfait, je me gave comme un gourmand de phrases bien tournées et de figure de style ajustés comme de belles calligraphies ou des positions scriptées du Kamasutra.

J’aime plus que de raison, faire l’amour de jour et de nuit avec les synonymes et les couchers de soleil, je goûte les étymologies comme des lèvres fruitées, chemin faisant d'impossibles liens entre les choses du ciel et de la terre; je déshabille le réel, j’analyse le symbolique et je n’arrête pas de causer avec l’imaginaire; de cause en causette, comme le pire des débauchés, mais c’est semble-t-il mon karma à moi, un dessein de flamme qui me fait bruler les encres de l’intérieur, et je jouis de cet état, sans rémission, de toutes les belles et jeunes métaphores.

Si vous ne le saviez pas, l’écriture est une maladie sexuellement transmissible par l’impression des encres. N’en doutez pas, je suis obscène jusqu'au-boutisme, sur scène et hors les murs, je suis bas et méprisable quand je masturbe mes préfixes et mes aphérèses en public, devant les yeux innocents des lecteurs apeurés.

Sans vouloir me soustraire à l’Académie, ni même à la justice des écrivains, je suis depuis toujours corrompu par tant de belle littérature et tant de poèmes délicieux ; oui, je suis un prédateur qui attente à la ligne, je m’en confesse entre les mots ; dégoûtant logia agatès, je suis un dépravé comme des images trop érotiques ; je viole les marges de droite à gauche et de bas en haut, sans respect pour l’ordre public, les règles académiques et le sens giratoire.

Lisez-moi, je suis nu comme un ver, trivial linguiste je m’exhibe, dans toute ma pauvreté. Pervers narcissique de l’expression écrite, voyez, je ne suis en fait qu’un vulgaire trou du mot !

(…)

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