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Le nez de Mona Lisa
prose [ ]
Eloge des effluences

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par [Reumond ]

2012-07-01  |     | 



Entre l'odeur et la puanteur des choses, le jour s'éveille et la nuit tombe...


« O merveilleuse Nécessité, toi qui avec une raison suprême (tu) contrains tous les effets à être le résultat direct de leurs causes (ou « à participer de leurs causes »), toute action naturelle t’obéit par l'opération la plus courte, selon une loi suprêmement irrévocable… » Léonard de Vinci (1)



La nécessité d’écrire, de produire des « graphies » s’inscrit-elle dans cet ordre de la nécessité ?

Ce que la pauvreté de l'entendement humain nous a fait percevoir, en son temps, comme métaphysique ou divin, nul essai sur l’animal ou l’homme ne peut nous le décrire.

Voir l’au-delà de la réalité est là une tâche insoluble, il nous est impossible de percevoir ou d’entendre la transcendance des choses ou même la transparence de la réalité, il est chimérique de comprendre et utopique de reproduire par quelque moyen cette « merveilleuse nécessité » qui nous meut l’âme et le corps, c’est-à-dire qui nous confond sans cesse et nous confronte constamment à son ultime indicibilité.

Si nous le pouvions, mais il nous faudrait pour ça dépasser tous les interdits naturels et sociaux, dépasser la vitesse de la lumière, les limites de l’espace tempes, celle du corps, des pensées et de toutes nos perceptions et appréhension erronées, si nous le pouvions, mais nous n’y pouvons guère !

Et même si l’œil semblait pour cela être la porte d’entrée privilégiée par la nature pour accéder à plus de culture et de conscience, devant l’irreprésentable et l’ineffable, face à cette phénoménale inconnaissance, la bouche reste clause, l’œil indigent et désœuvré, et le nez, même quand il est celui de Cyrano semble devenu le parent pauvre des organes de l’humain.

Pourtant, à bout de Bic ou à nez portant, entre l’odeur et la puanteur des choses, entre les pulsions de mort et celles de la vie, c’est un peu comme entre la cause et la grâce, tout s’épand, tout dépend de ce que l’on va en faire !

Pour le moment, il pleut à Liège, comme souvent ! Alors, je me suis plongé dans les trois premiers volumes (sur quatre) des « Problématiques » de Laplace, publiés aux Presses Universitaires de France.

Dans son volume sur la « sublimation », Jean Laplace aborde la question des jeux de la vie et de la mort, des jeux du je, et des enjeux de l’existence humaine, entre la dynamique des forces extérieures et celles des forces pulsionnelles.

Dans un passage sur les processus de défense, dont celui de la symbolisation par l’art, citant Léonard de Vinci à partir du travail de Kurt Robert Eissler (1), l’auteur aborde la question (vitale pour chacun de nous), de la mise en place de nos propres mécanismes névrotiques ; car la faiblesse de notre moi (encore trop animal) exige la mise en œuvre de tout un « arsenal défensif » dont la gestion nous dépasse, tout comme la notion d’infini.

Au-delà de tout principe de (du) plaisir (principe de défonce), pour survivre, il y a donc un principe de défense, tous les deux participent d’un principe de nécessité !

Pour illustrer mon propos, avez-vous observé comment nos propres odeurs corporelles, nos effluves de bas-ventre, nos encens naturels, nos regards infectés, nos moiteurs d’aisselles tout comme nos pensées fétides ne nous dérangent pas du tout.

Tout cela participe de ce processus de défense !

Ce qui après nos raisonnements les plus raisonnables, nos émotions et sentiments, nous semble le plus personnel, nos propres odeurs, ne nous indisposent que très rarement ! Il en est de même semble-t-il de tout nos clichés sur tout, c’est-à-dire de l’odeur même de nos préjugés, ces images innées ou acquises que nous avons emmagasinées sur le monde et les gens, ces connaissances que nous avons sur tous les objets et même sur tous les sujets !

Car notre bouche pleine de malédictions est pire que notre haleine de chacal, et nos critiques acerbes plus puantes que nos odeurs de pied.
Chez nous, les êtres dits Sapiens, tout pue la bête, c’est là, c’est ça, le propre de notre condition animale !

Il est surprenant de constater comment nos « puanteurs cruelles » nous appartiennent à bras le corps. Telles qu’Arthur Rimbaud les aurait soulignés lui-même d’auréoles, et certainement aussi de quelques pets puants et de voyelles embaumées, car nous y tenons comme à la prunelle de nos vœux !

Les miasmes de nos pensées les plus erronées, les remugles de nos croyances les plus primitives, les puanteurs de nos peurs, les évents de nos états d’esprit, etc., nous appartiennent plus que tout, et nous y tenons fermement comme à une rampe de secours !

Ça ne sent pas la rose au royaume des loups ! C’est normal ! L’odeur de l’odieux, de l’injustice, les dégagements qui disent partout la barbarie ; des milliers de parcs à containers qui racontent nos existences, tout ça sent l’œuf pourri de nos états d’âme, et même fréquemment la viande faisandée de nos états d’inconscience.

Pourtant, même si ces émanations prennent à la gorge, piquent les yeux, imprègnent les livres, empoisonnent les encres et se répandent comme une trainée de soufre, elles sont à nous, bien à nous, à vous, à moi.

Sur le papier, sur l’écran, c’est un grand bouquet de pestilences qui explosent de tous les côtés, comme un feu d’artifice d’odeurs nauséabondes, un feu d’illusions, d’hypocrisies, de sauve qui peut en similis bonheurs.

Partouze, ça sent l’infection des manques d’affection et de tendresse ; ça sent les relents de l’âge jusqu’aux odeurs rances des vieux souvenirs de l’enfance ; c’est l’odeur pénétrante, suffocante d’un manque d’humanité qui parcoure la ville, les boulevards huppés jusqu’aux bidonvilles et les déserts ; c’est la désagréable présence de l’absence même, d’un seul homme dans ces lieux de misère.

L’homme transpire l’angoisse ! Ce que vous percevez, c’est nos propres odeurs de bêtes terrorisées, ou de prédateurs sur le qui-vive, de fauves affamées qui survivent entre les zoos des villes et les vivariums des champs.

J’ai bon, j’ai beau me doucher, faire mes ablutions des pieds à la tête, avec tout le rituel récurant et obsessionnel nécessaire à mon bien-être, me désodoriser matin, midi et soir, me parfumer et m’asperger d’eau de vie ou de javel, pour mon propre confort psychique, c’est toujours pareil !

Toujours, partout, cette même odeur qui reste prégnante, s’accroche là sur notre peau comme une rangée de barbelés ; contre notre face, comme le regard des enfants morts de faim ; contre notre bouche, comme l’odeur infecte des femmes violées à peine nubiles ; comme l’ombre empestée des hommes que l’on massacre ; c’est la peste de Camus ou la nausée sartrienne qui traversent l’aube jusqu’aux barbelés de la nuit. Ça sent partout le cadavre à plein nez, ça prend à la gorge comme un cri qui se dérobe.

C’est la puanteur cruelle de l’homme qui cherche son chemin dans les charniers boueux et dans les mots de ses écritures les plus odorantes ; ce sont les mouches à merde qui « bombinent » autour de nous, sur la TV et dans la rue, où les événements les plus scabreux se déroulent comme un film sans fin, une histoire sans pause ; car elles savent bien ces mouches à merde des « golfes d’ombres » de l’humain, que la bête en nous n’est pas encore apprivoisée. Et prudentes comme les mystiques, elles volent haut pour éviter la main captatrice.

(...)

De l’odeur de l’argent sale et du sexe vénal, à la puanteur grise des cités vénéneuses, de l’odeur des drogues de survivance aux odeurs de poudre à canon, ça empeste le racisme et l’exclusion partout ; ça sent les blessures du chômage ; de droite à gauche, c’est le duel politique qui empuantit l’échiquier, c’est l’odeur de l’iniquité, ça suinte de partouze la démagogie, ça respire la religiosité, ça pue !

Je pus, mais, qu’ai-je fait ? J’ai pu, mais je pue toujours ; ça sent le renfermé jusque dans mes écrits, comme dans les églises ; ça sent l’avarie et l’avarice, ça pue le moisi dans les académies, le rance dans les conservatoires et le goût âcre et âpre des échecs dans les amphithéâtres. Ça ne rigole pas, ça pue !

Ça sent mauvais l’escroquerie à la vie à la mort, la malversation politique, économique et financière ; ça sent la perversité des institutions et des systèmes, et dans le flux et le reflux des houles et des magouilles, ça pue plus que jamais en ces terres nauséabondes ou abondent la misère et l’argent.

Ça empoisonne l’air ou ce qu’il en reste, ça pollue l’eau ou ce qu’il en est ; en d’inqualifiables viols et vol qualifiés, dans le flux mortifère d’une malhonnêteté caractérisée, c’est l’abus de pouvoir et de confiance.

L’or n’a pas d’odeur dit-on derrière les guichets blindés, « et le sang non plus » répète-t-on dans les blindés ; mais la puanteur monte pourtant de cette pauvre Terre qui crie sa colère !

C’est l’odeur de la précarité, l’odeur de la douleur et celle de tous les sectarismes et de tous les conformismes ; c’est l’odeur des certitudes puantes qui planent et des fondamentalismes excrémentiels au plus ras du sol; c’est l’odeur des agressions plurielles et de tous les agresseurs aux abois ; c’est l’odeur de la violence gratuite ou payante, l’odeur des suicidés désespérés, du stress qui traverse l’espace des corps agressés ; c’est la puanteur de la mort et l’odeur de la vie ; c’est l’odeur des signes intérieurs des multiples pauvretés et la puanteur des signes extérieurs de richesse.

(...)

C’est le mal du dedans et celui du dehors ; ce sont les maux de mer, de terre et de ciel, les hauts de cœur de manèges, ceux que je connais jusqu’aux derniers creux de mes entrailles. Rien que de voir les attractions sur une foire foraine, j’avais des rotations de méninges, un vertige qui me prenait les tripes comme dans un gouffre sans fond, pour m’entrainer jusqu’au dégout.

Après une excursion, si petite soi-elle, je pouvais être malade deux ou trois jours, parfois une semaine entière. Et le sommet culminant de mes hantises, c’était l’avion et le bateau ! Je n’ai jamais supporté voyager, tout déplacement en voiture ou en autocar étaient pour moi, enfant et même plus tard adulte, une appréhension terrible et le véritable supplice d’un triste Tantale qui aurait été forcé de ré ingurgiter éternellement ses propres vomissures.

Alors triste touriste, j’ai laissé l’autobus aux êtres courageux et les carrousels aux enfants intrépides, pour prendre de ma main gauche la plume comme on prend son vélo. Je ne voyage plus, je m’écris !

C’était sûrement un beau jour, de ces belles journées où l’herbe semble plus verte chez le voisin et les pages plus séduisantes que d’habitude, que j’ai opté avec hardiesse pour ces déplacements d’écriture, pour ces pèlerinages de pages blanches, là où le seul roulis, le seul balancement que je connaisse depuis que je graphe, est celui des mots apaisants.

L’appétit vient en écrivant dit-on dans les « fast foods » littéraires, mais parfois, malgré les stratégies pour éviter les maux, c’est la nausée qui gagne la partie, comme les marées gagnent petit à petit du terrain sur les terres submergées; c’est l’écœurement qui déborde des marges ; c’est l’excrément qui souille l’interligne ; c’est peut-être la planète qui rejette nos déchets jusqu’au bas de nos pages.

Mais mon papier touche à sa faim, l’encre s’épuise, tout comme les ressources de la Terre ; je suis las, est-ce une forme de lassitude ou de répulsion qui ne déplacent même plus ma plume ? Est-ce un dégoût qui à un goût de trop, un goût d’encre froide comme le sang des enfants de la guerre ; un sang d’encre tiède, un trop-plein qui empeste le régurgité des mots, des expressions comme rendues à leur propre silence ?

Ça pue l’électronique et l’informatique, le wifi et les ondes de GSM, et l’odeur du verni dont on couvre toute chose, le capitalisme, l’irresponsabilité, le victimisme, les prétextes, les excuses, mais après nous, bien sûr, les mouches bombinent !

« Ça » pue dirait Freud, la névrose à plein nez, la bête de somme et la somme des traits de caractère ; rien n’y fait, l’odeur persiste ! Elle s’imprègne sur tout, dans toutes les lobotomies subliminales, les chimies publicitaires ; ça pue l’escroquerie à plein nez (niais), les détournements de sens et d’argent ; ça pue le manque d’air et le manque de respect autant que le CO2 ; ça pue les stars manies, le progrès, le qui dit mieux, le plus beau, le plus grand, le plus fort…,

Ça pue la solitude glacée et le porno trop chaud, l’omniprésence des réclames, des idées reçues de toutes pièces, de toutes parts, mais moi pauvre nez, c’est l’odeur des autres qui me plaît ! J’aime m’y frotter, la respirer à pleins poumons comme la bonne odeur du pain. Il fut un temps, je me souviens, où ça sentait bon le fumier devant chaque ferme et la bonne soupe devant chaque maison, c’était les odeurs d’antan, entre autres celles du linge frais, ces odeurs « plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles… » dont nous parle si bien, presque avec délectation, Marcel Proust.

(…)

Écrire sur l’odeur et la puanteur des choses a-t-il un sens ?
Cet éloge des effluences était-il nécessaire ?

Est-ce seulement le fruit blet de cette « merveilleuse nécessité » dont parlait Léonard de Vinci, qui me contraint, selon une loi suprêmement irrévocable à tracer d’encre les maux de l’humain comme on trace un chemin ?

En biochimiste, je sais qu’il existe plus de huit cents odeurs différentes de décomposition de l’humain et en français, que nous avons à notre disposition, soixante mille mots, trois cent mille sens et plus ou moins douze milles verbes. Alors, cela est-il suffisant pour exprimer d’une manière exhaustive les odeurs ambiantes et les puanteurs passées, présentes et à venir ?

Comme Galilée l’avait affirmé en son temps, elle tourne, comme mon Bic trace, mais par quelle nécessité tourne-t-elle ? Pourquoi ce graphe se fait-il grave ? Par quel sérieux ? Pourquoi les idées fixes sont-elles rivées aux images ou aux odeurs et pourquoi les pensées erronées sont-elles forcément toujours fausses ?

Comme Foucault, l’a encore prouvé au moyen de son pendule, elle tourne évidemment, comme trace ma plume, entre une calligraphie et une chorégraphie d’encre froide, comme palpite mon cœur, comme salive ma bouche et que se disent les mots, par nécessité !

Ce que Léonard de Vinci semblait affirmer en ce sens, ce mouvement de vie, de balancier, de graphie ; ces effluves et puanteurs détestables ou délectables, ce flux et ce reflux qui font revenir le pendu à la verticale et osciller le pendule comme un corps chancelant, c’est peut-être ça, la vie humée à plaine narine !

Le mouvement de vie s’écrit comme une impulsion d’ordre mêlé de désordre, d’énergies qui s’opposent, de corpuscules qui se rencontrent aux carrefours des capteurs du nez, des informations olfactives, des nœuds des nerfs et des idées, des fuseaux de naseaux interconnectés en réseaux du flair...

À la maternelle de Montfermeil, déguisé en mousse, avec mon petit col marin, n’ai-je pas cru naïvement que je devais chanter « C’est nous les gars de la narine », mais j’avais à peine cinq ans !

L’Odorat c’est avant tout « ça » !

C’est cette merveilleuse nécessité de respirer, d’inspirer par la bouche, de bien expirer par le nez et de survivre, de survivre à tout; de désirer plus que tout par le groin et le cœur ; d’agir, de penser avec un maximum de nez, de sublimer toujours de par tous les ici et les ailleurs, par nécessité d’être toujours en vie.

(...)



(1) Cité par Kurt Robert Eissler , dans Léonard de Vinci. Étude psychologique, paris, PUF, 1980 ; et dans Ernst Cassirer, 1972 [1929]. La philosophie des formes symboliques: la phénoménologie de la connaissance (Tome 3), Paris, Éditions de Minuit. Page 202.

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