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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2012-03-19 | | Souvenez-vous, il fut un temps où l’animal humain ne connaissait que la pierre la plus dure, les pensées les plus rudimentaires, les cris le plus vifs, les gestes le plus brutaux, l’instinct le plus bestial, la peau la plus nue…, à l’image de la vie et des paysages et qui étaient les siens ; il ne connaissait pas d’autre chemin d'écriture ! Avant de connaitre le papyrus, le parchemin et le vélin, il ne connaissait que la roche, les prédateurs et les félins. Le papier n’était qu’un rêve, un trait virtuel dans l’espace et le temps ; il faisait trace en ses méditations profondes, comme un appel parcheminé, il n’était encore qu’une voie qui s’écrirait un jour, peut-être, comme dans une perspective lointaine, sur un clavier d’ordinateur. (...) Pourtant, tout comme les pores de notre peau, le grain de folie et celui de la pierre, la trame du tissu et le fil du papier, portent déjà en eux la mémoire des ans, et les projets aussi d’une existence à venir ! Tout est déjà là , écrit, gravé, taillé … cette graphie traverse le tout, comme une parole; il ne nous reste qu’à décoder le trait, et à déchiffrer l’invisible ! Bien avant de savoir coucher les mots sur le papier, dans l’herbe verte, il se reposa sur ses propres maux cherchant, comme nous, à les résoudre ; mais comme les maux changent, que les paroles s'envolent, ce qui est bien connu des zéphyrs, et que les beaux mots se perdent en vain et se fondent dans le temps, l’animal humain voulut mettre l’émotion et les motions sur quelques supports, et les sons et les visages aussi en quelque mémoire. Sur des morceaux de pierre, il voulut retranscrire la vie, expliquer et copier la mort, célébrer l’amour dans des graphes qui durent ; voulant marquer ainsi l’espace hostile d’une écriture qui traverse la durée ; il imprima sa présence en de rupestres souvenirs, peints et gravés à coup de sang à même la roche moite. Ainsi, depuis des milliers d’années, l’œil burin frappe le marbre, l’animal se met martel en tête pour faire jaillir la lumière, silhouette agitée par les vents dans la lumière du petit matin. (...) Comme les constructeurs de cathédrales et les francs-maçons de cœur, il martèle l’entête des stèles, pour initier le souvenir et immortaliser les maux et les plus grands bonheurs avec les mots et les graphies les plus variées. C’est dans le caractère de la pierre de durer, et c’est dans la durée que les glyphes se font mémoires et qu’elles deviennent de l’art ; c’est au bout du compas que la forme s’arrondit comme le galbe d’un sein ; c’est au bout du burin que la nuit de pierre ébauche le langage des grès, et que le bloc de granit se fait lumière pour l’œil, et qu’ainsi, du bloc au blog, la pensée se fait matière, graphie pour s’exposer à l’avidité du corps dans le regard, l’image, les mains, le mouvement… C’est au bout du fil de la graphie, que la roche sédimentaire de nos deux corps sédimentés, se compose des grains fins de nos peaux comme les pixels d’une photo, de nos pores assoiffés de caresses et de salives tièdes, comme le sable du ciment appelle l’eau de la pluie. Silice de nos yeux tournés l’un vers l’autre ; calcaires des membres de ton corps couché comme une madone de marbre bouillant ; avec mon doigt mouillé de rosée, je trace sur les terres argileuses de tes chairs, de tes courbes, une calligraphie anamorphique, composée de symboles cristallins et de lignes tendues entre deux infinis ; et sur ta peau veinée de bleu sur couleurs roses, de mes mains suantes et malhabiles, je tremble et je polis le jaspe et le marbre pour laisser là une empreinte de mon passage sur terre. (...) C’est sur la pierre même que l’on aiguise les maux, sur l’alun que l’on affute les sens. Mon corps de tailleur de pierre, frappe, hésite, tourne en rond, sursaute…, il se fait céramique très dure, argile friable, papier trop cuit, sable fin en quête d’une terre accueillante ; mosaïques éclatées, art en perdition… C’est à chaud que l’on bat la pierre, c’est à chaud que l’on équarrit les corps, à chaud que l’on peut extraire des lithographies des envies et des idées noires, ainsi que des encres de Chine des peurs et des pensées honteuses. Mon corps de pierre ponce contre ton âme de pierre précieuse, je cherche l’équilibre, l’harmonie, le concept, la clef à facettes taillées ; mais toujours la pierre tombale des jours choie devant moi et bouche le chemin. Je cherche des clefs de voûte à la portée des sens, et des pierres à tailler l’avenir le plus doux ! (...) À ciel ouvert, le tailleur de pierres se taille des images métaphoriques qui s’envolent en fumée ; des grandes carrières de l’âme, il extrait de gros blocs qui ressemblent à des dieux grecs, mais qui ne sont en vérité que des étrons infâmes ; il jauge les formes, concasse, pense avec le lourd maillet de ses idées fixes, à coups de coin, de systèmes, de concepts plus ou moins creux, de couleurs et de graphies diverses, à son image, face brute dans un monde de brutes, dans la texture de la pierre de taille, il se taille, se trame des repères et se perd aux labyrinthes des jours. Ainsi, de la Chine jusqu’au Liban, dans le sable et la pierraille, je suis les traces de Pierre Teilhard de Chardin ; sur les chemins caillouteux de la vie, je le croise, mais il ne me regarde pas ! (...) Depuis le paléolithique, l’animalité s’en va, elle quitte la préhistoire, se taille, s’élague des dieux à l’image de ses rêves ; pierres, galets, ricochent d’âge en âge ; je suis et j’accompagne le pas de mes prédécesseurs, car je ne suis que par l’empreinte de l’autre, par celui qui m’a fait enfant d’une graphie première, celui qui a précédé mon propre pas de son génie, de son tracé onctueux ; je traque la faille et la rature, le dessin originel, la figure de proue, la géométrie sacrée qui dira d’où je viens et où je vais ! Toutes les marques sont indélébiles quand on sait les décoder ! Dans la pierre et sur papier, les ratures sont comme des stigmates, des griffures de stylet, traits de Bic ou d’esquisses au crayon, toutes les traces sont datables au carbone de nos propres cellules ! (...) |
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