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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2011-09-20 | | (...) Attention, le petit oiseau va sortir ! Sur Internet, avez-vous déjà utilisé les cartes de Google ? Avez-vous déjà zoomer comme l’œil de l’aigle recherche sa proie ? Google Maps est un bel exemple de la manière dont on peut se rapprocher ou s’éloigner des choses ; les voir sous n'importe quel angle de vue, changer de regard en survolant les mouvements de la ville, pénétrant l’intimité des maisons, les va-et-vient des passants… Je suis passé par là , j’ai vu et j’ai cru…, Car on ne navigue pas sur Google Maps sans y abandonner des traces, sans y laisser des plumes, sans que ça laisse sur vous des traces d’ombres et de lumières - On ne survole pas la ville sans devenir la ville, épousant jusqu’aux pensées des gens qui l’occupent... En plans satellites ou en cartes, sur l’échelle de grossissement, de Google, le petit bonhomme qui passe à l’orange, c’est vous, c’est moi, c’est nous…, en virtuel comme en véniel, pêchant à la ligne, traçant à la latte, des longitudes et des latitudes impardonnables. Google Street View, google brains…, au-delà des ordinateurs et des téléviseurs, webcam et autres zooms, pourrons-nous bientôt zoomer pour entrer dans la tête des gens ? (…) Né Carolopolitains, par la force des choses, naturellement, je suis devenu Carolomacériens par la force des fusions. Ainsi, de boutons en vers, parmi les adolescents aimant à écrire de tristes poèmes sur de tristes gens, comme « Arthur, qu’a l’poil dur » je fus un jeune carolopolitain plein d’acné et d’anxiété. Croyez-moi, les parents Totsky, mes géniteurs étaient de grands croyants. C’est rue Noël que je suis né, petit Jésus joufflu, chez les Totsky, c’est important ! Premier-né de la famille, d’un père cordonnier juif polonais et d’une mère chrétienne carolomacérienne de vieille souche ; né la veille même d’un 24 décembre, qui l’eut vu l’eut cru ; ça ne s’invente pas ces choses-là , ça se zoome, ça se contemple ! Depuis des années, je vais et je viens, l’appareil à la main, voyeur instantané, tel Laquedem, Le Passant de Prague, de la nouvelle d’Apollinaire, je passe et repasse pour ne pas rater quelque chose à zoomer. Les habitants du quartier connaissent mes errances, ils me voient aller et venir, et trop souvent pérégriner entre le moulin, l’île et le quai Rimbault ; oui, comme le juif nomade, entre « La Maison des Ailleurs » et cette tombe de marbre blanc, l’appareil photo en bandoulière, ou le boitier à la main, prêt à saisir d’impossibles saisissements, quelques voyelles colorées, feux follets colorés s’échappant des entrailles du mort, je passe et je repasse, c’est mon destin ! Mon errance est-elle le symptôme d'une faute, du péché de l’un de mes ancêtres ? La psycho généalogie « à la mode de chez nous » semble le confirmer. Mais face au pourrissement des chairs et des idées, ne refusons-nous pas d’aider le pauvre et l’orphelin, le malade et l’opprimé ? Ne sommes-nous pas tous, sans exception aucune, comme le témoin de La Crucifixion ? Des témoins irresponsables et passifs de tous les maux du monde ? De catastrophes en génocides sans fin, ne suis-je pas moi-même le lâche spectateur et le voyeur inactif de scènes trop terribles pour les nommer ici ? Notre regard zoomeur n’est-il pas plein de mépris et de condescendances ? Oh cruelle semence de voyeur, oh dure sentence de l'errance, éternelle et infinie ; suis-je donc ainsi condamné à zoomer jour et nuit toute mes vies, à parcourir de mon objectif l’ombre et la lumière, en quête d'un salut qui ne vient pas ? Au ban des hommes, je suis perdu, coupable jusqu’à la lie ; traçant comme un poète de trait des lignes, cadrant des plans, zoomant des gens…, parcourant ainsi les quais des enfers de Dante et le purgatoire de mes propres manques. Du virtuel au réel quotidien, mille images à la seconde, me viennent, flashs mortels, parce que les images comme les histoires semblent se répéter et se prolonger à l’infini dans l’espace-temps (…) En politique nous avons nos représentants, en littérature et en art, nos critiques, nos chroniqueurs et nos polémistes, qui sont tous sans exception des regards plus ou moins vigilants de veilleurs ; des regards zoomeurs comme il y a des regards amoureux, langoureux, et même des regards d’égouts ! Tous nos clichés sont pourtant des représentations sans fondement, mais malgré cela, nous avons tous besoin du regard des autres ! Être vu et cru, reconnu et connu…, tout est là contenu dans l’appareil, tout est zoom et zoomage d’âge en âge ; reconnaissance et voyance, reconnaissance et croyance, dans le sein d’une Église, d’une secte ou d’un parti, d’une école ou d’un mouvement…, savoir, pouvoir, avoir, ne se suffisent pas à eux-mêmes, il faut aussi et avant tout, croire et voir, voir et croire, car tout est de cet ordre là : l’ordre du Zoom ! Chevalier de l’Ordre du Zoom, je ne suis ni Paparazzi, ni Grand Reporter, pas un poids lourd, mais rien qu’un zoomer de seconde catégorie. C’est à l’École Supérieure des Beaux-arts de Reims que j’ai appris la photographie, et c’est en sa cathédrale que j’ai fait mes premiers pas et mes plus beaux clichés. Aujourd’hui, après plus de dix ans de métier, entre l’argentique et le numérique, j’hésite toujours ; entre Nikon et Canon, la caméra et la photo…, mon cœur balance douloureusement, zoomer ça donne le vertige et même des maux de cœur. En plus, quand on a un petit magasin de photo comme le mien, il est bien difficile aujourd’hui de survivre dans une petite ville comme Charleville, face à la concurrence déloyale des grandes surfaces, et aux géants comme la Fnac et Media Mark. Ce qui me fait survivre, c’est le cliché en lui-même, car tout négatif a toujours son positif, toute cause connait un jour sa grâce…, toute image extérieure à son pendant à l’intérieur de nous. Même si, avec le numérique, le numéro change quelque peu, en matière de photographie, tout est question de chambre noire, c’est-a-dire d’intériorité profonde, de « Camera obscura » comme dans un jeu d’alchimiste, ou opère, dans les pensées et les rêves, une subtile alchimie des noirs et de blancs, des vides et des pleins, des ombres et des lumières, des états d’âme et d’esprit, là où le sentiment et l’émotion viennent mettre un peu de couleur, comme une couche de sépia dans un plat sans saveur. Mon magasin de photographe se nomme « La Maison des Ailleurs » ; vous trouverez toujours chez moi quelque chose que vous recherchez au plus profond de vous, une part d’inattendu ou même de mystère ! Venez voir, et l’air de rien, entre deux photographies jetées là au plaisir du désordre, jetez un coup d’œil sur ma collection de vieux appareils photo, sur mes livres d’art et mes clichés d’antan ; voyez mes piles de plaques de verre poussiéreures, mes rares et beaux daguerréotypes ; j’ai aussi une extraordinaire collection de quatre-vingt-dix-neuf bébés nus sur leur peau de mouton, des communiants et communiantes, les mains jointes en des pseudo Pater, sur leur prie-Dieu de bois sculpté, des mariages aussi, et des événements de la vie courante, celle que l’on ne rattrape jamais, la plus rapide et la plus communément fabuleuse. Mon métier c'est ma passion et mon tourment, zoomer et de faire aimer le zoom. Il m’arrive parfois de vendre quelques appareils d’occasion, des grandes marques souvent, et des objectifs usagés par trop de souvenirs, par tant de photos ratées que les muses s’en affolent. J’ai encore quelques clichés cachés, comme de tendres nus, des pellicules dévêtues, même que les anges, à la dérobée, en pouffent encore derrière leurs nuages. (…) Hier mon fidèle compagnon me quittait pour rejoindre Cerbère dans ce pays des morts où les os sont moelleux; j’avais d’abord pensé à l’appeler Arthur, mais en définitive je l’avais nommé Leica, c’est normal pour un labrador de photographe ; il me suivait partout où mon zoom me menait, comme un brave Saint-bernard, portant autour du cou tout le prêt-à -porter du parfait photographe, répondant à la voix de son maître comme le pas d’un danseur de tango au son du microsillon. Partout au mur, autour de moi, mes vieux cliché sont des mémoriaux, des souvenirs uniques, comme cette photo d’Étienne Carjat qui immortalisa en l’année 1871, le visage unique de Rimbaud; ce même Étienne qui d’un coup de canne-épée, fut cliché lui-même et blessé par le Poète. Mais combien de cœur, combien de corps, Rimbaud n’a-t-il pas blessé avec ses coups de vers ? Sa présence elle-même dans le sein de la ville, dans cette boucle mosane inachevée, n’est-elle pas comme une blessure qui n’est pas encore fermée, entre Charleville et Mézières, comme un nœud coulant trop serré en une multitude de méandres ? (…) À travers le théâtre ou le cinématographe que nous nous faisons, nos zooms sont couramment négatifs et nos approches bien trop souvent comme des reproches. L’approche zoomée ne vise-t-elle pas davantage à capter la véritable image des choses, mais qu’est-ce qu’une véritable image ? Qu’est-ce qu’un vrai cliché ? Il n’est pas toujours flatteur ! Poursuivant le zoom comme on traque la plume, on poursuit une quête, celle de nous-mêmes en l’autre ; car « Je est un autre » crie l’objectif de toutes ses lentilles. Arthur Rimbaud s’écrit comme il s’écrie, il s’écrie tel qu’il s’écrit, lui, pour qui tout poète doit être « Voyant », un Voyeur né, c’est-à -dire un zoomeur sachant zoomer les âmes et les esprits, à plein corps, comme l’arroseur fut lui-même arrosé, et la marge de l’œuvre marginalisée…, jusqu’aux limites de l’Éthiopie, terre de tous les risques, et de toutes les pérégrinations, au-delà de la forme, de l’académisme, dans le fond même de l’être, là où il y a un Ailleurs, une tout autre dimension. Là où le « je » se dissout dans le mouvement des sables, où tout est au repos comme chôme les dieux, en cette éternelle fin de semaine qui est le début de tous les possibles ; désert dénudé, comme pour se recentrer sur soi, en mettant entre parenthèses le trait, l’écriture, le cliché, la forme…, pour privilégier d’un seul cri, le fond, le fond pour le silence, en cette pose active que l’on nomme la mort de l’égo, Le Jihad intérieur, pour cultiver le sens même des choses et zoomer l’abime en son ultime profondeur. Audacieux chercheurs d’absolus, aventureuses explorations que seuls les Voyants et les Mystiques peuvent connaître, de bateaux ivres en bateaux fous, en de dantesques Saisons en Enfer, où la plume ou le pinceau doivent être chauffés à blanc dans la chair la plus vive et le vide le plus pur ; pour étendre le voir et le noir, celui des athanors jusqu’aux plus suprêmes illuminations. (…) Même si je suis un autre, j’ai quarante ans depuis huit jours, et l’examen de conscience s’impose à moi comme s’impose un nouveau printemps. Quarante berges, c’est la décennie des bonnes résolutions ! Alors, celle année, je range mon magasin, je mets sur chaque boîte une citation poétique, je trie mes idées noires d’un côté et les autres je les expose à l’état brut au public, je soupèse le pour et le contre, faisant, je pardonne à mes pires ennemis et je me fais de nouveaux adversaires parmi mes amis, je mets de côté... Je prends des mesures drastiques, faisant régime, devenant céréalien, ou témoin de Jéhovah ; je brade mes cadres, je mets fin à mon célibat, je fais des enfants à ma charmante nouvelle voisine, celle qui aime tant les chats ; je mets des fleurs au magasin en son honneur et des honneurs dans sa boîte aux lettres. Oui demain, j’arrête de faire des mariages et les couchers de soleil sur la Meuse, je fais le ménage ! Table rase de mes vieux papiers ! Fini de garder toutes les revues spécialisées et journaux, terminé les tics et les tocs, au pinacle les troubles obsessionnels compulsifs, les ablutions qui dure des heures, cette anxiété qui me caractérise par l'apparition récurrente d’images, des pensées intrusives comme l’était me mère, de pseudo phobies qui m’empoisonnent l’existence. J’ai quarante ans, et demain je change de vie et de vêtements. Fini, de consommer à la cuillère des idées noires comme marées de pétroles. Terminus, tout le monde descend ! Bien terminés, ces cauchemars noirs comme le bois d’ébène, qui, régulièrement, nuit blanche après nuit blanche, me génèrent des maux de ventre, des angoisses de tête et de longues flatulences… Ne suis-je pas au bout de ces attitudes irrationnelles qui me font perdre pieds depuis l’adolescence, me font zoomer inlassablement les moindres détails, les moindres poils dans une immense forêt de fourrure ? Ca prend beaucoup de temps, trop de temps, de zoomer le monde, d’explorer l’univers, le sexe des anges, les sites web, les paysages par milliers… C’est assez, ça suffit, y’en a vraiment marre des ces gestes répétitifs, de ces insupportables traits de caractère qui me déterminent, de ces ratures immatures, de ces mauvaises pentes, où, comme le pauvre Sisyphe, je monte et je remonte sans cesse mon rocher de tourment ; cauchemar ! Ce n’est plus supportable ces compulsions en séries ; la preuve par la pellicule, je suis malade des lentilles, tordu du nerf optique, fou à lier aux épreuves. Sortant tous mes objectifs de leur boîte, hésitant à prendre l’un ou l’autre, répétant sans arrêt les moindres gestes, de façon ritualisée, comme un vieux curé radoteur, rabâchant le même refrain à la manière d’un culte pas très orthodoxe. Fini l’envahissement, je n’en veux plus, je n’en peux plus, le moindre symptôme me pèse comme une chape de plomb fondu, ça me brule les yeux, ça s’infiltre dans mes nerfs optiques, jusqu’en mes neurones les plus fragiles, ceux qui cassent comme le verre, s’étirent et se brisent comme tendons, entre mes obsessions textuelles et mes tracas sexuels. Fini l’invasion évasive et morbide de ces troubles mentaux, où la mire et la mise au point s’imposent à moi comme deux doigts dans l’œil ; où pour réfléchir et viser juste, là où il faut, il me faut encore plus de temps, de paix, d’éternité peut-être ? J’en ai marre de ce dieu Zoom, j’en ai ma claque de sa toute-puissance ! Ma bonne étoile est-elle l’objet d’un céleste complot ? Est-elle le sujet occulté d’une éclipse de bonheur ? Dans la nuit galactique d’une tragique scène de fin de tout ; comme envoyé dans l’espace adipeux d’une autre voie lactée, par les ruades folles d’un cheval de nuage ; ou gobée par l’humeur captative d’un épais trou noir ou d’une mère mal aimante ! (…) Je ne veux plus me refléter à travers les événements, comme l’âme de l’âne se mire dans l’eau jusqu’à s’y couler, pour en sonder les creux, les ravins sans fond. Je ne veux plus plonger le zoom pour capter le souffle de l’abysse, jusqu’au plus vain soupir ; examinant les faits en les plaçant sous le microscope, entre la source lumineuse qui désaltère et l’objectif qui saisit la noirceur des abîmes. Aujourd’hui, il me semble plus que nécessaire, de tout lâcher, de m’abandonner au temps qu’il me reste à vivre ; il me paraît vital de zoomer en arrière, le plus loin, dans un profond ressourcement ; vital de prendre du recul pour cerner les mirages et discerner les miracles de ma vie ; toute vie n’est-elle pas tissée ou tapissée des deux ? (…) Au magasin, sur le grand mur du fond j’ai mis un poster représentant Rimbaud au seuil de l’adolescence, là où les seuils sont des passages sans retour possible. Car je crois aux images comme l’on peut croire en un Dieu ; pourtant semble-t-il depuis les origines, les dieux se chipotent comme les images se contredisent ! Là où il y a place pour toutes les interprétations possibles et inimaginables, où les clichés montrent toutes les formes de déviations discontinues de l’image ; le zoom ne cesse d’errer, torturé entre l’anachronisme et l’anamorphose, au cœur d’une fabuleuse création qui est tout entier inintelligible... Les images et les dieux ne semblent pas toujours faire bon ménage. Depuis la plus profonde préhistoire, on croit aux images tracées dans l’argile molle, sur la chair nue et dans le bois tendre ; on y croit fermement, comme à la prunelle du prunier, comme on croit à la source quand elle est asséchée, et que la langue nous fait mal ; comme on croit au bruit du vent dans les arbres agités de grands frissons ; comme on croit aux cris du loup et aux dents longues et affilées des multiples prédateurs et gibiers de l’homme ; car semble-t-il, en témoignent mes propres murs, mes papiers peints, et les roches brossées de rupestres souvenirs, cet homme-là , a toujours affirmé un profond besoin d’images authentiques, de trait pour trait, très portrait, d’images vraies ou symboliques, susceptibles de rendre compte d’une présence et d’une rencontre, entre lui et le réel, d’une présence présente, d’une rencontre en contre, qu’elle soit matérielle ou spirituelle, passée ou à venir. Oui, parole de lentilles à multiples facettes, taillées dans le meilleur des diamants, il y a chez l’homo, un profond besoin de graphes, de traits et de marques ; de signes divers, qui disent et signent la réalité, ou qui sont susceptible de la représenter telle qu’elle est, nue, crue, vive, morte ou vivante. Croyants et non-croyants, zoneurs de zoomages, zappeurs d’images, zoomeurs et zoomés, voyants et voyeurs de tous les horizons de la Meuse, venez et voyez ! Ici, le croire et le voir s’imposent, car le zoom inflige cette contrainte et ses contraires : l’absence et la présence, le manque et l’être. Dieu lui-même ne vit-il pas que la lumière dans le viseur était bonne ? Alors, sans hésitation aucune, sans le moindre tremblement, sans culpabilité aucune : Il appuya et déclencha l’obturateur ; tout comme il voit dans sa lunette d’approche, mes ratures et ma souffrance, ou bien comme je le verrai moi-même face à face au moment du grand Zoomage ; ou encore comme Cham père de Canaan, vit la nudité grotesque de son père Noé après le déluge…, enfant, n’ai-je pas moi-même vu le Père Noël tout nu, de mes propres yeux étonnés, dans une nuit de décembre, cherchant vite son pantalon pour préserver l’intégrité de son image, et cacher un sexe brun, pareillement au brou de noix. L’arbre de Noël ressemblait à de vieilles photos jaunies par trop d’expositions à la lumière ; sépia était ce jour-là le sapin avec lequel il broutait la chair et broyait la mère Noël, dans la brousse du noir et les pousses du soir ; pinceaux, brous de père, coque de noix, d’où jaillissent ces encres qui font de beaux lavis et de beaux enfants. (…) À travers ses poèmes en prose surtout, ma vie, comme celle de beaucoup d’ados, fut bouleversée par les textes d’Arthur ; j’ai bien essayé à ma manière d’imiter Rimbaud ; faisant mes armes en vers et contre mes parents à plume découverte, Alexandre ne pouvait produire que des Alexandrins, traversant les lignes en de bien tristes voyages, n’engendrant que des merdes, fadasses, parmi les dérisoires cris et ridicules écrits. À travers l’éclairage des sujets et « l’illumination » des objets, la photo seule, me permit d’entreprendre ce déplacement, cette conversion, ce changement d’objectifs… Alors, ne pouvant cloner Rimbaud, je l’ai clowner à travers mes clichés. Depuis mes études de photographie aux beaux-arts, l’instantané me prend aux tripes ! c’est la preuve par l’épreuve, le positif par le négatif, le phototype parfait du banal type que je suis en un seul cliché vivant ! Aujourd’hui, mon démon se nomme « Photoshop », il est mon diable au corps, un incube de logiciel de retouche et un succube de traitement d’images ; tout ça, assisté par ordinateur ; avec lui, je me sens comme secondé par une blonde assistante. Avec elle, je peux me sentir démiurge, créateur d’un univers numériques, comme tirant de la substance primordiale et de la nuit des temps, de nihilo nihil, la vie ou tout au moins une semblance de vie, une simple image de vie, une photographie de l’existence. Dans le mythe, il n’était qu’un Golem, par la puissance de ces mots ???, ‘èmèt, ce qui signifie à peu près « vérité » en langue hébraïque. Rien qu’une image peut-être, un Golem, mais mon objectif et mes yeux l’ont vu, de leurs propres vœux, ils l’ont vu. Mais il reste une photographie, une illusion à part entière, un art mineur tel un être inachevé, une larve d’homme, une ébauche de lumières et d’excréments... Un simulacre, c’est une verrue sur la réalité, car mes pauvres paroles à moi ne sont pas vérité, j’ai beau l’écrire sur la peau la plus la plus sensible, sur le papier le plus cru, comme d’autre écrive Liberté, égalité, fraternité…, la vérité reste toujours absente. Même dans le zoom le plus complet, elle est toujours portée manquante à l’appel ! Je ne serai jamais qu’un minable rabbin de servitude, concepteur d’une matière brute sans forme véritable, sans âme et sans véritable fond. Elle est vide ! J’ai beau me dire que « C'est vrai », la « Véritable Image » manque toujours de vie comme elle manque à l’appel ! Y mettre mes propres mots ne suffit pas, les inscrire avec mon propre sang sur son front marqué et sa bouche terreuse, comme pour le Golem, écrivant, inscrivant à coups de métaphores, et au travers des filtres les plus sophistiqués et les outils même d’une transcendante et céleste graphie, ça ne suffit toujours pas ; la vérité tout entière manque toujours à la pelle ! Ce purgatoire qui est le mien, celui dans lequel je patauge, c’est comme un état de conscience limitée, un état d’esprit ou d’âme, qui précèderait la véritable Création de la Véritable Images, Mère de toutes les autres, Matrice des matrices, pour accoucher enfin d’images matricées à l’infini, telle des hologrammes qui seraient constitués d’une grille de milliards de milliards de points colorés à perte de vue que l’on nommerait Divins Pixels. Mais là je délire, mes tocs me reprennent aux orbites, j’ai l’œil cavé et noir comme un camé ! C’est le vertige de l’incomplétude, l’angoisse de l’image à jamais fragmentée, toujours inachevée ; c’est, croyez-moi, le plus cruel des manques, manque à gagner, manque à aimer… Celui qui donne la grande « Nausée » des manèges fous et le dégout existentiel. Le Manque majusculé, grandeur nature, à l’échelle UNE de nos pensées les plus énormes ; manque de peau, car c’est celui qui sent la vomissure même le nez pincé, et goûte la moisissure, l’absence, la carence d’être, qui vous laisse des gros grumeaux entre les dents jaunies par les tracas ; le manque convulsif des toxicos de l’art et de l’héroïne, celui qui vous prend et qui se donne en même temps. Quand l’image se fait louve, assoiffée de mise au point, c’est le grand manque qui vous dope comme un principe psychoactif et qui bouffe votre substance de l’intérieur. Un manque licite de drogue licite qui utilise vos propres humeurs, vos propres neurotransmetteurs et vos liquides hormonés …, c’est le manque le plus primitif qui soit et le plus intégral aussi ; l’impossible manque aux limites de la raison déraisonnante ; il est le résultat de l’incomplétude de tous les hasards et de toutes les nécessités. (…) Oui, aveugle de Charleville et d’ailleurs, regardez et voyez, zoomer à fond, à tire-larigot, à zoomer largo, à vous déployer les rétines…, car on peur regarder sans voir, mais on ne peut croire sans voir ! Pourquoi le Maître dit-il : « ne dites à personne ce que vous avez vu » ? Probablement parce que ce sont des choses que l’œil souillé ne peut voir, des images que les objectifs qui ont du plomb dans l’âme ne peuvent saisir, mais que seul le zoom du cœur, celui qui a la ferveur du Voyant, peut percevoir, en une confiance aveugle, inébranlable ; la foi n’est-elle pas de cette réalité là ? Enfant, j’ai pourtant vu s’ouvrir les cieux plusieurs fois, comme une boîte à sardine de fer blanc, et j’ai entraperçu dedans, l’œil des Anges qui me regardait de l’intérieur, c’était un rêve, mais une vision qui avait la saveur de la réalité et une dimension prophétique. Où est-elle, cette foutue foi que j’avais en ce temps là , cette espérance en la vie, que me faisait déplacer les montagnes dans la lumière rouge de ma chambre noire ? Car celui qui a vu verra dit-on ! Aujourd’hui, à travers le voilé, je ne peux plus rien saisir qu’une vague métaphore. Qu’elle est l’obscurité qui voile mon regard et cette buée danse qui couvre mes objectifs ? (…) L’homme n’est-il pas une grande « Fabrique d’images» selon l’expression de Philippe Descola ; n’est-il pas un universel musée de la photo à lui tout seul ? Mais, de cliché en cliché, des plus infâmes reproductions aux plus pieuses représentations, ne sommes-nous pas tous aussi des transgresseurs d’images ? Les psaumes le chantent, « ils sont confus », tous ceux qui servent à genoux les images, dans les contours rouges de leur chambre noire, dans la hauteur de leurs amphithéâtres, leurs chaires et leurs musées, dans le sanctuaire des cinémas, les hémicycles académiques… Ces icônes qu’ils vénèrent ressemblent à une épaisse pellicule de poussière ! Même si les pixels ont remplacé les images taillées, l’infecte bête zoome toujours, comme un terrible serpent ; n’est-elle pas l’image de l’Image ? N’est-ce pas l’abomination même, que la vénération de fausses images en dieu et place de la vérité ? N’est-il pas écrit dans nos livres les plus saints ! « Tu ne feras point d’image », à coups de burin et de pinceaux Et (ou) « Maudit soit l’homme qui fait des images » préméditées, avec son Kodak bien préparé. Oui, ma mère me le disait bien ! Et puis les livres de l’exode, du lévitique ou le deutéronome, semblent bien lui donner raison ! C’est peut-être pour cette raison, ou pour cela en grande partie, que dans sa désespérance, ne pouvant faire d’image satisfaisante, l’homme fit en définitive de mauvais dieux à son image. (…) Puisque la photo marine est une véritable passion chez moi, les branchies me manquent amèrement, bien plus que les nageoires ! Et dans les eaux profondes, quand l’oxygène me manque et que les états modifiés de confiance me submergent la conscience, c’est alors que les folles questions vous viennent, comme poissons dans l’eau, comme ça, gluantes et collantes d’algues rouges. Les images affluent, comme manque l’air, de rien, comme vient la vague noueuse, à l’océan houleux, et comme reflue la mémoire aux photos de famille. Pourquoi, par exemple, est-il plus facile de photographier sous la jupe des filles que dans le fond les abysses ? Parce que le Gulf Stream intéresse moins l’œil que le golf String ? Je déraille bien sûr ! Je me laisse glisser le long des gorges claires, je zoome au cordon des corps et des ruisseaux, comme ficelles de sous-marins et de sous-vêtements, pour cacher au monde le pubis des coquillages et le sexe des Sirènes… l’air me manque, la tête me tourne… Alors, comme montent les bulles et que la poésie vient aux neurones, après quelques plateaux dans les courants marins ; il est grand temps de remonter et de refaire surface. (…) Les cartilages usés par tant de clichés flous, malgré ses performances techniques, mon pied photo tripode, avec sa tête rotative à 360°, souple comme la tête d’un hibou, son niveau à bulle, et son plateau hyper pratique, souffrent d’une crise de goutte ; il y a même de l’arthrose dans mes rotules d’aluminium. (…) Comme les yeux des spectres, sur les photos, les yeux rouges me hantent ! L’ouverture focale comme celle des sens, ne dit rien de l’embrasure des âmes ! On ne peut truquer les mauvaises photos au Botox, ni falsifier la vérité, Y’a toujours une ride quelque part ! J’erre comme un automate ; frimeur des villes ou zoomeur des champs, je traîne mon boitier de Pandore ; dedans mon crâne, le déclencheur et le diaphragme sensibles comme des nerfs trop stimulés me font mal ; avec mon appareil photo Canon et son téléobjectif professionnel, protubérances de mes chairs faites lentilles, extension de mon propre corps fait pour photographier, j’ai le sentiment de jouer les exhibitionnistes ! Même si la saillie fait l’enfant, elle ne garantit rien de la qualité du cliché ; la proéminence ne fait pas l’homme ! La courroie me tire vers le sol, les lames de rideau me coupent les idées, mes batteries faiblissent, la tête de mon trépied me tourne… Poulpe de tête ou pieuvre, qu’importe ! L’appareil photo est comme un long céphalopode mou, avec des jambes et des bras pleins de ventouses qui vous collent les yeux et vous sucent les larmes... » Ce sont bien sûr des images qui se veulent poétiques, métaphoriques, car la vie est pleine de clichés, je dirais même qu’elle n’est qu’un gigantesque cliché ! Ainsi, les photos voilées, comme les femmes musulmanes, ne cachent que ce qu’elles ne veulent pas montrer ; mais, dans la lueur étincelante de l’œil et les traits du visage, ont peut discerner plus que ce qu’elles voudraient cacher sous le hidjab, une lumière qu’un ensoleillement ajusté rend divin. La photo est elle halal ? L’image est-elle licite ? Je l’ignore, n’étant pas circoncis de l’objectif ; mais elle était bien là , en chair et en bleus, à moins qu’elle ne soit en noir et blanc ! Au beau milieu d’un jardin, du square Cardot, si je me souviens bien, anachronisme en ce jardin botanique, telle une image surréaliste à la Magrite. Belle comme une calligraphie arabe, vêtue de nuages, sereine à calmer toutes les ardeurs, seule à attendre; comme si patienter était son crédo, telle une madone dans sa niche ou une vierge consacrée à Allah. Ma sacoche était déjà pleine d’images, mais celle-ci s’imposait plus qu’une autre, comme le voile des mots, des illusions ou des icônes peuvent imposer leur captation. Après le clic du déclenchement de l’obturateur, j’étais confus, comme le petit enfant pris la main dans la confiture. » (…) Si vous aimez Charleville et qu’il vous arrive de passer par là , en temps réel, vous me croiserez certainement, comme se croisent mes nerfs optiques avant d’atteindre le cerveau, entre la commissure des quais et des Ailleurs insoupçonnables. Le zoom en berne les jours de Carême, et en bataille quand la lumière se prête aux jeux des pellicules ; on peut, si vous le désirez vraiment, se donner rendez-vous le long du chemin sous les Roches, à la fraicheur du fleuve, à l’endroit même où le quai Arthur Rimbaud prolonge la promenade des touristes, au pied du vieux moulin. (...) La vie est un long fleuve numérique, un flot d’épreuves, un déluge d’images, comme si la surabondance des clichés faisait être davantage ; dans une société de consommation, nous avons forcément l’œil consommateur ! (...) Le zoom aurait-il le mauvais œil ? Il ne m’atteindra pas, car je me protège avec de multiples filtres polarisants et des amulettes en forme de parasoleil ! Le mauvais œil aurait-il un zoom ? Pour observer mes mouvements et mes pensées intimes ? Pour clicher la gorge étroite où fut tué Roland de Roncevaux, mon frère, où assassiné Laïos, mon père. Le mauvais œil aurait-il un zoom pour sonder la cavité de mes orbites sèches, mon antre à images, ce chemin très concave, à fleur d’os qui serpente le vide et serait le soi-disant symbole de mon subconscient ou de mon inconscient estropiés ? On ne voit bien qu'avec le cœur, l'essentiel est invisible à l’œil... à l’œil on n’obtient rien ! Ne faut-il pas prendre en considération les trois dimensions de l’œil : Corporelle, intellectuelle et spirituelle ? L'œil – appareil photographique, c’est le regard purement physique dans sa fonction de réception de la lumière matérielle, vibratoire; puis l’œil intellectuel, celui de la lumière raisonnante ; enfin l'œil du cœur, troisième œil, qui reçoit la lumière spirituelle. On ne discerne bien qu’à cligne pourpoint, car c’est dans le creux le plus évidé qu’il nous faut évider les évidences et rechercher le sens ! Oui, dans le creux des choses, là où Oedipe lui-même n'échappe pas à la règle, ni à l’aveuglement de l’orgueil ; parce que naturellement, l’organe de la perception visuelle est aussi le symbole universel de la perception intellectuelle, alors Œdipe tourne les images dans tous les sens, et s’aveugle intellectuellement au lieu de s’assumer spirituellement ! L’infini et l’éternité crèvent les yeux, mais il faut encore les voir ! Silésius ne dit-il pas que l'âme a deux yeux, l'un qui regarde le temps, et l'autre qui se tourne vers l'éternité. Ciel pour œil, le mauvais œil serait-il un mauvais ciel, un karma très répandu sur terre, pour symbolisant une quelconque dépendance, une prise de pouvoir sur quelqu'un ou sur quelque chose, par désir, envie et avec l’intention de nuire. ne dit-on pas dans le monde islamique, que le mauvais œil vide les maisons et remplit les tombes. Les symboles et archétypes de Platon sont comme des yeux qui scrutent le chemin ; Alexandre connait bien ces trois dimensions de la lumière, ces trois formes de la matière, mais les nœuds sont des yeux ma'iân, redoutables. Point par point, de suspension, d’interrogation ou d’exclamation, si notre monde n'est qu'un rêve ; Il est un rêve en pixels, où la lumière est la seule et véritable source ! Point à la ligne. Seuls ceux qui pénètrent à travers l’œil jusqu'à l’œil du typhon, peuvent à travers de multiples métaphores, percer le voir de cette contemplation de la nature intime des choses, et peuvent ainsi paisiblement, contempler de leur propres vœux la certitude de l’incertitude. C’est là même la magie des photos et des images déchirées. (...) Fragments de ZOOM "Zoom" extrait I sur http://francais.agonia.net/index.php/prose/13987921/index.html |
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