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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2010-10-14 | | Inscrit à la bibliotèque par Dolcu Emilia XII a D,abord, chaque personne contempla, pendant un temps encore plus court que la parole destinée à l’exprimer, le coup d’œil offert par une longue table, blanche comme une couche de neige fraîchement tombée, et sur laquelle s’élevait symétriquement les couverts couronnés de petits pains blonds. Les cristaux répétaient les couleurs de l’iris dans leurs reflets étoilés; les bougies traçaient des feux croisés à l’infini; et, les mets placés sous des dômes d’argent, aiguisaient l’appétit et la curiosité. Les paroles furent assez rares. Les voisins se regardèrent. Le vin de Madère circula. Les verres se remplirent. Les assiettes vides disparurent. Puis, le premier service apparut dans toute sa gloire. Il aurait fait honneur à feu Cambacérès, et Brillat-Savarin l’eût célébré. Les vins de Bordeaux, de Bourgogne, blancs, rouges, furent servis avec une profusion royale. Cette première partie du festin était comparable en tout point, à l’exposition d’une tragédie classique. Le second acte devint quelque peu bavard. Chaque convive avait bu deux ou trois bouteilles en changeant de cru suivant ses caprices, de sorte qu’au moment où l’on emporta les restes de ce magnifique service, de tempestueuses discussions s’étaient établies. Quelques fronts pâles rougissaient, plusieurs nez commençaient à s’empourprer, les visages s’allumaient, les yeux pétillaient. C’était l’aurore de l’ivresse. Le discours ne sortait pas encore des bornes de la civilité; mais les railleries, les bons mots s’échappaient insensiblement de toutes les bouches, et la calomnie élevait même tout doucement sa petite tête et parlait d’une voix flûtée. Ça et là quelques sournois écoutaient attentivement, espérant garder leur raison. Le second service trouva donc les esprits tout-à -fait échauffés. Chacun mangea en parlant, parla en mangeant, but sans prendre garde à l’affluence des liquides, tant ils étaent lampans et parfumés, tant l’exemple était contagieux… L’amphytrion, se piquant d’animer ses convives, fit avancer les vins du Rhône, de vieux Roussillons capiteux; et, alors déchaînés comme les chevaux d’une malle-poste partant d’un relais, ces hommes fouettés par les piquantes flèches du vin de Champagne impatiemment attendu, mais abondamment versé, laissèrent galoper les esprits dans le vide des raisonnements que personne n’écoute, se mirent à raconter ces histoires qui n’ont pas d’auditeur, recommencèrent cent fois ces interpellations qui restent sans réponse… L’orgie, seule, déploya sa grande voix, sa voix composée de cent clameurs confuses, qui grossissent comme les crescendo de Rossini… Puis arrivèrent les toasts insidieux, les forfanteries, les défis. Tous renonçaient à se glorifier de leur capacité intellectuelle pour revendiquer celle des tonneaux, des foudres, des cuves. Il semblait que chacun eût deux voix… Un moment vint où les valets sourirent; car alors les maîtres parlaient tous à la fois… Mais cette mêlée de paroles, où les paradoxes douteusement lumineux, les vérités grotesquement habilléés se heurtèrent à travers les cris; les jugements, les niaiseries, comme au milieu d’un combat se croisent les boulets, les balles et les fragments de mitraille, eût sans doute intéressé quelque philosophe par la singularite des pensées, ou surpris un politique par la bizarrerie des systèmes. C’était tout à la fois un livre et un tableau. Les philosophies, les religions, les morales, si différentes d’une latitude à l’autre, les gouvernements, enfin, tous les grands actes de l’intelligence humaine, tombèrent sous une faulx aussi longue que celle du Temps, et, peut-être, eussiez-vous pu difficilement décidé si elle était maniéé par la Sagesse ivre, ou par l’Ivresse devenue sage et clairvoyante. Ces esprits emportés par une espèce de tempête, semblaient vouloir, comme la mer irritée contre ses falaises, ébranler toutes les lois entre lesquelles flottaient les civilisations, satisfaisant ainsi, sans le savoir, à l’arrêt dès long-temps porté par Dieu, qui laissa dans la nature le bien et le mal, sans cesse en présence, en gardant pour lui le secret de leur lutte perpétuelle. Furieuse et burlesque, la discussion fut en quelque sorte un sabbat des intelligences. Mais entre les tristes plaisanteries, dites par ces enfants de la révolution, et les propos des buveurs tenus à la naissance de Pantagruel, il y avait tout l’abîme qui sépare le dix-neuvième du seizième. Celui-ci apprêtait une destruction en riant, et le nôtre riait au milieu des ruines… - Comment appelez-vous le jeune homme qui se trouve là -bas?... dit le notaire en montrant Raphaël; j’ai cru l’entendre nommer Valentin?... - Que chantez-vous avec votre Valentin tout court!... s’écria Émile en riant. Raphaël de Valentin s’il vous plaît. Nous ne sommes pas un enfant trouvé; mais le descendant de l’empereur Valens, souche des Valentinois, fondateur des villes de Valence en Espagne et en France, héritier légitime de l’empire d’Orient… Si nous laissons trôner Mahmoud à Constantinople, c’est par pure bonne volonté, faute d’argent ou de soldats… Et il décrivit en l’air, avec sa fourchette, une couronne au-dessus de la tête de Raphaël. Le notaire se recueillit pendant un moment; puis il se remit à boire en laissant échapper un geste authentique, par lequel il semblait avouer qu’il lui était impossible de rattacher à sa clientèle les villes de Valence, de Constantinople, Mahmoud , l’empereur Valens et la famille des Valentinois. - La destruction de ces fourmilières nommées Babylone, Tyr, Carthage ou Venise, toujours écrasées sous les pieds d’un géant qui passe, n’est-elle pas un avertissement donné à l’homme par une puissance moqueuse?... dit un journaliste, espèce d’esclave acheté pour faire du Bossuet à dix sous la ligne. - Moïse, Sylla, Louis XI, Richelieu, Robespierre et Napoléon sont peut-être un même homme qui reparaît à travers les civilisations comme les comètes dans le ciel!... répondit Raphaël . - Pourquoi sonder la providence?... dit un fabricant de ballades. - Alllons, voilà la providence!... s’écria le jugeur en l’interrompant; je ne connais rien au monde de plus élastique. - Oh! et le budget!... réplique l’amphytrion. - Et la conscience d’un sénateur?... demanda Émile… - Mais, Monsieur, Louis XIV a fait périr plus d’hommes pour creuser les aqueducs de Mainteneon que la Convention pour asseoir justement l’impôt, pour mettre de l’unité dans la loi, nationaliser la France et faire également partager les héritages!... disait un jeune homme devenu républcain faute d’une syllabe devant son nom. - Monsieur, lui répondit un propriétaire, vous qui prenez le sang pour du vin, cette fois-ci, laisserez-vous à chacun sa tête sur les épaules? - À quoi bon, Monsieur?... les principes de l’ordre social ne valent-ils donc pas quelque chose?... - Quelle horreur!... Vous n’auriez nul chagrin de tuer vos amis pour un si… - Hé!, Monsieur, l’homme qui a des remords est le vrai scélérat, car il a quelque vertu; tandis que Pierre-le-Grand, Pizarre, le duc d’Albe étaient des systèmes, et le corsaire Monbar, une organisation… - Mais la société ne peut-elle pas se priver de vos systèmes et de vos organisations?... - Oh! d’accord… s’écria le républicain… - Eh! Votre stupide république me donne des nausées!... Nous ne saurions découper tranquillement un chapon sans y trouver la loi agraire!... - Tes principes sont excellents, mon petit Brutus farci de truffes!... mais tu ressembles à mon valet de chambre! Le drôle est si cruellement possédé par la manie de la propreté, que si je lui laissais brosser mes habits à sa fantaisie, j’irais tout nu… - Vous êtes des brutes!... Vous voulez nettoyer une nation avec des curedents!... répliqua l’homme à la république. Selon vous la république serait plus dangereuse que les voleurs… - Hé! Hé!... dit un avoué. - Sont-ils ennuyeux avec leur politique – Fermez la porte. – Il n’y a pas de sciences ou de vertus qui vaillent une goutte de sang. Si nous voulions faire la liquidation de la vérité, nous la verrions peut-être en faillite! - Ah! il en aurait sans doute moins coûté de nous amuser dans le mal que de nous disputer dans le bien… Aussi, je donnerais tous les discours prononcés à la tribune depuis quarante ans pour une truite, pour un conte de Perrault ou une croquade de Charlet… - Vous avez bien raison… - passez-moi les asperges…. - Car après tout la liberté enfante l’anarchie, l’anarchie conduit au despotisme et le despotisme ramène à la liberté. Des millions d’êtres sont disparus sans avoir pu faire triompher l’une ou l’autre!... n’est-ce pas le cercle vicieux dans lequel tournera toujours le monde moral? Quand l’homme croit avoir perfectionné, il n’a fait que déplacer les choses! - Oh! oh!... s’écria un vaudeviliste, alors messieurs, je porte un toast à - Charles X, père de la liberté!... - Pourquoi pas?... dit un journaliste. Quand le despotisme est dans les lois, la liberté se trouve dans les mœurs et vice versà … Buvons donc à l’imbécilité du pouvoir qui nous donne tant de pouvoir sur les imbéciles!…Hé! mon cher, au moins Napoléon nous-a-il laissé de la gloire! criait un officier de marine qui n’était pas sorti de Brest. AH! la gloire!... triste denrée!... Elle se paie cher et ne se garde pas!... Ne serait-elle pas l’égoïsme des grands hommes, comme le bonheur est celui des sots?... - Monsieur, vous êtes bien heureux!... - Le premier qui inventa les fossés fut sans doute un homme faible, car la société ne profite qu’aux gens chétifs… Placés aux deux extrémités du monde moral, le sauvage et le penseur ont également horreur de la propriété. - Joli!... s’écria le notaire, s’il n’y avait pas de propriétés, comment pourrions-nous faire des actes?... - Voilà des petits pois délicieusement fantastiques!... - …Et le curé fut trouvé mort dans son lit, le lendemain. - Qui parle de mort?... Ne badinez pas! J’ai un oncle… - Vous vous résigneriez sans doute à le perdre… - Ce n’est pas une question… - Écoutez-moi!... messieurs! Manière de tuer son oncle: Chut!... (Écoutez! Écoutez!) Ayez d’abord un oncle gros et gras, septuagénaire au moins, ce sont les meilleurs oncles… Faites- lui manger sous un prétexte quelconque, un pâté de foie gras… - Hé! mon oncle est un grand homme sec, avare et sobre… - Ah! ces oncles-là sont des monstres qui abusent de la vie… - La voix de la Malibran a perdu des notes!... - Non, Monsieur… - Si, Monsieur. - Oh! oh! – Oui et non. – N’est-ce pas l’histoire de toutes les dissertations religieuses, politiques et littéraires… L’homme est un bouffon qui danse sur un précipice! - À vous entendre je suis un sot… - Au contraire, c’est parce que vous ne m’entendez pas!... - L’instruction!... Belle niaiserie! M. Heineffettermach porte le nombre de volumes imprimés à plus d’un milliard, et la vie d’un homme ne permet pas d’en lire cent cinquante mille!... Alors expliquz-moi ce que signifie le mot instruction?Pour les uns, elle consiste à savoir le nom du cheval d’Alexandre, du dogue Bérécillo, de Tabourot, seigneurs des Accordsd, et d’ignorer celui de l’homme auquel nous devons le flottage des bois, ou la porcelaine. Pour les autres, être instruit… c’est savoir brûler un testament et vivre en honnêtes gens, aimés, considérés, au lieu de voler une montre en récidive, avec les circonstances aggravantes, et d’aller mourir en place de Grève. - Lamartine restera!... - Ah! Scribe, Monsieur, a bien de l’esprit… - Et Victor Hugo?... - C’est un grand homme! … n’en parlons plus!... - Vous êtes ivres!... - La conséquence immédiate d’une constitution est l’aplatissemnt des intelligences… Arts, sciences, monuments, tout est dévoré par un effroyable sentiment d’égoïsme, notre lèpre actuelle… Vos trois cents bourgeois, assis sur des banquettes, ne pensent qu’à planter des peupliers… Le despotisme fait illégalement de grandes choses, et la liberté ne se donne même pas la peine d’en faire légalement de très petites!… - Votre enseignement mutuel fabrique des pièces de cent sous en chair humaine! dit un absolutiste en interrompant. Les individualités disparaissent chez un peuple nivelé par l’instruction!... - Cependant le but de la société n’est-il pas de procurer le bien-être? demanda le sait-simonien. - Si vous aviez cinquante mille livres de rente, vous ne penseriez guère au peuple!...Etes-vous, vous épris de belle passion pour l’humanité?... allez à Madagascar, vous y trouverz un joli petit peuple tout neuf, à sant-simoniser!... Ah! ah! - Vous êters un carliste!... - Pourquoi pas?... J’aime le despotisme, il annonce un certain mépris pour la race humaine. Je ne hais pas les rois… Ils sont si amusants!... trôner dans une chambre, à trente millions de lieues du soleil!... N’est-ce donc rien?... |
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