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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2010-06-03 | | Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt
La moquerie a tout abaissé au rang de prétexte, sauf le Soleil et l’Espoir, sauf les deux conditions de la vie : l’astre du monde et l’astre du cœur, l’un éclatant, l’autre invisible. Un squelette, se réchauffant au soleil et espérant, serait plus vigoureux qu’un Hercule désespéré et las de la lumière ; un être, totalement perméable à l’Espérance, serait plus puissant que Dieu et plus vivant que la Vie. Macbeth, « aweary of the sun », est la dernière des créatures, la vraie mort n’étant pas la pourriture, mais le dégoût de toute irradiation, la répulsion pour tout ce qui est germe, pour tout ce qui s’épanouit sous la chaleur de l’illusion.
L’homme a profané les choses qui naissent et meurent sous le soleil, sauf le soleil ; les choses qui naissent et qui meurent dans l’espoir, sauf l’espoir. N’ayant pas eu le front d’aller plus loin, il a imposé des bornes à son cynisme. C’est qu’un cynique, qui se prétend conséquent, ne l’est qu’en paroles ; ses gestes en font l’être le plus contradictoire : nul ne pourrait vivre après avoir décimé ses superstitions. Pour arriver au cynisme total, il faudrait un effort inverse de celui de la sainteté et au moins aussi considérable ; ou alors, imaginer un saint qui, parvenu au sommet de sa purification, découvrirait la vanité du mal qu’il s’est donné – et le ridicule de Dieu… Un tel monstre de clairvoyance changerait les données de la vie : il aurait la force et l’autorité de mettre en question les conditions mêmes de son existence ; il ne risquerait plus de se contredire ; aucune défaillance humaine n’affaiblirait plus ses hardiesses ; ayant perdu le respect religieux que nous portons malgré nous à nos dernières illusions, il se jouerait de son cœur et du soleil… (E. M. Cioran, Précis de décomposition, 1949)
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