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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2009-11-18 | | Le Réel existe, je l’ai rencontré, mais c’est sur les bas-côtés ! C’est un torrent, un océan de réalités complémentaires, mais c’est une image, un agglomérat de métaphores. Sur le lutrin aux ailles d’aigles déployées, j’ai déposé le livre des livres pour y lire ces liens que nous tissons ensemble au fil de nos vies, tout au long des jours maigres et gras. Je préfère ne pas jouer avec les maux, ils sont déjà tellement douloureux ! Par contre, aux contreforts des charges trop pesantes, des valises trop pleines et des cœurs trop lourds, le matin de Pâques brille dans les mots, mot à mot il rayonne ; passage à l’horizon de chaque phrase, au seuil de chaque ligne, après chaque point pourvu de virgules ou d’interrogations, ainsi se trace le trait, sillon cru et vif, qui va et vient de l’insignifiance jusqu’au bout des choses. Les mots libèrent le passage et ouvrent des voies royales aux détresses animales des grands drames de l’humain, trames croisées d’une évolution qui ne cesse de durer. Là dedans, au travers des gorges, les mots ouvrent des perspectives de guérison et de changement. Traverser de lourdes épreuves où le réel éprouve l’éprouvé, où l’éprouvant se pourvoit de preuves … passages multiples, qui ouvrent à l’espérance, aux grandes questions et à tous les combats de Titans. Les mots conduisent mystérieusement au port des écrits, lac d’encres ancrées aux papiers miroitants d’encres vives, au-delà de toutes conjugaisons et de toute espérance. « Prends ton grabat et écrit, prends tes propres mots, à même tes mains blessées, à bras le corps, et marche, dans le langage familier de l’amour. » C’est l’écho transpirant du réel qui se lève de vent, se couche au soleil et veille à l’aube des frissons. Les mots ne célèbrent jamais des adieux, mais des sans fin à des lieues des lieux clos et de regards fermés. Ils soulignent de gras, en d’italiques sentiers, l’importance donnée aux différents sens de notre propre histoire. Le verbe fait chair serait-il le sacrement du corps et du sang des mots versés pour l’homme au creuset des parchemins ? Le Réel existe bien, je l’ai croisé aux coins des pages, au pied de l’arbre et dans ces grains de sable d’un désert de passage ; insecte sur la fleur, épine sous la rose, flaque boueuse sur une route caillouteuse et mouron amer couché d’herbes hostiles. Je l’ai vu comme je vous vois dans mon porteplume de cristal, mais c’est hors des sentiers battus, en des allées réduites à sang. Je marge de pleins pieds, pas à pas dans la nef, rien de neuf, j’en rigole au caniveau des jours. Je marge, les pieds pleins d’ampoules qui ne s’allument jamais qu’à sang. De long en large, je marge de pages en plages que je tourne et retourne à pleines mains, à piétiner l’absence. J’en vois des signes et des couleurs d’absolu, mais c’est sur les bas-côtés. Entre deux absolus, de souffrance et de beauté, deux inconnues à fleur de peaux, de chaque côté des miroirs éteints, le réel existe, je l’ai rencontré, mais c’est sur le bas-côté ! Les mots des heures de pointe, se pointent pour dire d’ineffables dictionnaires en d’incroyables bibliothèques où le Réel est Roi, mais c’est en dehors des avenues ! Pierrot, tout en mettant les pieds au poème, en avançant la plume, n’a jamais déplacé la lune ! Imaginaire, symbolique ou réel, il est à tripes ouvertes aux triples bas-côtés, comme triptyque infini ; comme un grand silence qui dit le bruit et son manque en même temps, dans un hors jeu d’échos, un huis clos béant, paradoxes entre objets et sujets, entre je et tu ; éternels paradoxes, là où se joue de présence le réel en question ; mais c’est dans l’oubli ! C’est dans les allées vertes et les venus obscures d’outre-tombe, dans l’outre de l’ombre et les arcs de lumière ; dans les parterres de l’au-delà , les derrières de décors, à la croisée des mondes, que j’ai croisé le réel, mais c’est dans le manque ! Réel face à farces et attrapes, réalité marche après marge, aux ornières des mots, des couloirs étroits, des guerres et des injustices, là où émerge l’être de l’homme, et où émarge le réel de toutes nos réalités , en dehors des sentiers battus de vents et de vagues, mais c’est dans les plaies ! C’est dans la contre-allée, au recto-verso de l’écart, par la mue et par la nuit des sens, par le pas du boyau, la trouée des regards, la noirceur même des mots, la forme positive et l’empreinte négative du moule, à plein flanc et pleines chairs, côté jeux, côté homme ; mais c’est en le vide ! À l’aile des accotements marginaux, des écoutes indiscrètes, des visions de voyeurs, des délires fiévreux, c’est là que se déploient le Réel réel en sa source merveilleuse; mais c’est à petits pas ! Je la connais comme chaque pore de ma peau la connaît cette fontaine réelle d’où découlent profusément toutes réalités. Ce jaillissement d’Elle et d’êtres qui sourd de mes sens en pleine confusion ; mais c’est dans la morsure de la crise et les coups de folie ! Elle gicle du Bic, éclabousse ma bouche, mouille mes lèvres, saigne mes veines, elle court de partout vers partout, dans l’univers pour resurgit au détour de mes tourments et de mes amours ; mais c’est dans l’au-delà des choses, la pureté des émotions et la transparence de l’être ; dans la lumière qui luit au cœur de la blessure, tout comme reflet d’encre au moyeu des mots. Tout est écrit, mais c’est dans le "OUI" total à la vie, en ces nuits les plus ténébreuses, Le Réel existe, mais c’est dans le noir et dans la marge ! C’est dans les creux, dans le verbe fait chair, dans l’âme et les muscles des corps meurtris ; mais ce n’est jamais en pleine page à saillir les regards, jamais quand on le voudrait, ou là quand souhaite ; la source du réel est une cavité en l’homme, jamais locale, toujours au point de côté, au point de fuite, ici et là toujours fugace ; toujours d’hier et de demain ou bien en cet instant favorable que l’on n’attendait point. C’est dans la différence et pas l’indifférence ; dans l’amour, cette chance offerte à vie, dans les tréfonds de l’être et dans l’homme profond, au nœud de l’intériorité : mais c’est dans l’obscure idée, dans les mains de femmes et les yeux des enfants, les cristaux de neige qui fondent sur les rétines, au sein des métaphores, paraboles à lustrer l’avenir et à guérir demain. Je l’ai entraperçu dans une nuit étoilée, mais c'était dans l’entrebâillement d’une porte, entre consternation et constellation ; comme une contemplation dans l’abîme sans mot, dans le fond des regards, en ces frontières et ces limites que nul ne peut franchir tellement elles sont bleues. Le Réel est comme Dieu, c’est une source inépuisable, gratuite et sans limites, cachée en toute chose pour se donner à vivre, pour se livrer à nous à la vie à la mort, mais c’est dans l'ombre et la lumière ! Il est au-delà de tous appels et de toutes créatures qui respirent en ce monde et en même temps, il est au-dedans de tout au cœur de la matière, c’est une tension dans la tension, un désir dans le désir, le plus pur, le plus vrai, le plus fort, mais c’est dans la vulnérabilité et la faiblesse de l’amour ! Après avoir entraperçu la profondeur des bas-côtés, j’ai refermé le livre des livres, sur son lutrin doré, aux ailles d’aigles repliées. Alors, dans la cathédrale, sous la grande rosace, profitant du courant d’air provoqué par le déplacement des pages, l’aigle s’est envolé pour ne plus revenir que phénix lumineux, tout répandu de lumière dans le clair vitrail du cœur des choses. |
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