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Les Princes Noceurs de la Vieille Cour - Mateiu Caragiale
prose [ ]

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par [Nadja ]

2009-08-23  |     | 



« Que voulez-vous, nous sommes ici aux portes de l’Orient, où tout est pris à la légère … »

Raymond Poincaré



Chapitre 1

L"ACCUEIL DES PRINCES

« …au tapis-franc nous étions réunis »
L. Protat



Ce jour-là, j’étais rentré chez moi plus tard que jamais: le lendemain, vers midi: et cela après de si solennels jurements faits la veille même. La nuit me surprit au fond des draps. J’avais perdu le compte des heures. Et j’aurais continué de dormir comme une souche sans l’apparition bruyante d’une lettre pour laquelle je devais absolument signer.
Réveillé à brûle-pourpoint, j’ai la gueule de bois, je suis revêche et grognon. Je ne signai donc pas, marmonnant seulement qu’on me laisse tranquille.
Je fis encore un petit somme, mais la sacrée lettre refit son apparition, accompagnée cette fois par la lumière crue d’une lampe. Le vilain facteur avait signé à ma place. Pensez si je lui en sus gré!
Les lettres sont ma bête noire. Je ne me rappelle en avoir reçu qu’une seule m’annonçant de bonnes nouvelles : celle de mon inestimable ami Uhry.
J’ai horreur des lettres.
Autrefois je les jetais au feu sans daigner pour le moins les décacheter. La nouvelle arrivée allait subir le même sort.
Reconnaissant l’écriture, j’avais bien deviné le contenu.
J’aurais pu réciter les yeux fermés le plat insipide de conseils et de remontrances que les miens me servaient environ au début de chaque mois : recommandations de m’engager résolument sur le chemin du travail, reproches du fait que j’hésitais à m’y engager une fois pour toutes.
Et, en guise de conclusion, l’éternel souhait que Dieu me prenne sous sa sainte protection.
Amen !
Mais, dans l’état lamentable où je me trouvais, il m’aurait été impossible de m’engager sur n’importe quel chemin. Je ne pouvais même plus bouger au lit. Démonté de toutes mes articulations, les reins brisés, on aurait dit que j’étais devenu une sorte de gelée. La peur de n’avoir pas été frappé de paralysie prit naissance dans ma tête ahurie.
Eh bien, mon train de vie m’avait enfin terrassé. Depuis un mois, en silence et sans répit, avec persévérance et décision, je m’étais adonné corps et âme à la boisson, à la débauche et aux jeux du hasard. Les vicissitudes de la vie m’avaient durement éprouvé les dernières années : de grandes vagues s’étaient abattues sur ma petite barque. Je m’en étais mal défendu et profondément écœuré, j’avais espéré trouver l’oubli dans une vie de débauche. Mais, m'étant un peu trop dépêché, je me voyais bientôt obligé de déposer les armes. J’étais à bout.
Ce soir-là, j’étais si épuisé que ma maison eût-elle pris feu, il m'eût été impossible de descendre du lit. Mais soudain, je me trouvai juste au beau milieu de la chambre, debout, regardant l’horloge d’un air effrayé. Je m’étais rappelé l’invitation de Pantazi au dîner. Quelle chance d’avoir été réveillé par cette lettre, grande chance, vraiment! Mes regards se tournèrent maintenant pleins de reconnaissance vers la lettre paternelle : sans elle, j’aurais manqué le rendez-vous avec mon plus cher ami. Je m’habillai vite et sortis.
C’était au début de l’hiver ; la nature semblait pleurer. Tout était mouillé : pourtant, il n’avait pas plu ; les gouttières pleuraient, les branches des arbres dénudés dégoulinaient, de grosses gouttes pareilles à une sueur froide suintaient le long des troncs et des grillages. C’est le temps qui invite le plus à la boisson ; les rares passants qui se glissaient à travers le brouillard étaient presque tous grisés.
Comme il descendait de la terrasse d’un bistrot, un flandrin trébucha et vint dégringoler et s’étaler de tout son long par terre où il resta pour de bon. Dégoûté, je tournai la tête.
Le bistrot qu’on avait choisi ce soir-là se trouvait à Covaci, très loin ; je pris donc un fiacre et bien m'en prit, parce que, à mon arrivée, les autres convives étaient déjà à la deuxième tournée d’eau-de-vie et l’amphitryon, même à la troisième. Je m’étonnai de les voir tous arrivés de si bonne heure ; mais Pantazi m’expliqua qu’il était venu directement de chez lui, quant à Pasadia et Pirgu, ils étaient arrivés tout droit du « club ». Comme il faisait trop mauvais, ils ne s’étaient plus attardés aux hors-d’œuvre. Pantazi commanda encore une tournée d’eau-de-vie.
Mais la bonne humeur nous manquait complètement, en dépit des souhaits que nous nous fîmes en trinquant. J’eus peur que le sommeil ne me regagne.
Dans la salle où la grossière ripaille de marchands battait son plein – c’était un samedi – notre attablée ressemblait à un repas funéraire. Le potage à la crème et au poivron fut siroté en silence. Aucun convive ne levait les yeux de l’assiette. Pirgu surtout semblait être en proie à une noire mélancolie. J’aurais brisé la glace si les ménétriers n'avaient entamé une valse, l’un des faibles de Pantazi, une valse lente, voluptueuse et triste, presque funèbre.
Dans son rythme nonchalant, se cachait, nostalgique et infiniment sombre, une passion si déchirante que même le plaisir de l’écouter remplissait le cœur de souffrance. Dès que les cordes fixées au chevalet des violons se furent mises à murmurer la douloureuse confession, la salle se tut sous le charme profond de la musique. Toujours plus voilée, plus basse et plus lente, avouant tendresses et déceptions, frénésies et tourments, remords et regrets, la mélodie noyée de langueur s’éloignait, s’éteignait dans un long soupir étouffé, appel inutile et tardif.

(à suivre)

Traduction du roumain - Virginia et Radu Popescu


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